Au début du 20e siècle, le père missionnaire Ovila Paquette était bien connu des gens du Nord de l’Ontario. Faisons un retour sur sa vie. Tout d’abord, mentionnons que Ovila François Paquette est né à Ripon au Québec en 1877. Il a fait ses études universitaires à l’Université d’Ottawa et au noviciat des oblats à Ville LaSalle. Il fut ordonné père oblat en 1905. Il est curé de la paroisse de Mattawa de 1907 à 1917.
Pendant son séjour dans le Nord de l’Ontario, il agit comme missionnaire pour le diocèse de Haileybury, surtout dans la région de Hearst. En 1917, il fonde la première paroisse de Hearst et en est le curé de 1917 à 1918. La messe du dimanche est célébrée deux fois par mois à Hearst, à Moonbeam et à Kapuskasing. À l’arrivée de Mgr Joseph Hallé à Hearst en 1919 et des religieux séculaires, le père Paquette demande aux oblats de s’occuper des villages naissants à l’est du vicariat apostolique.
Le père Paquette déménage donc à Moonbeam et fonde la paroisse en 1920. Elle est cédée au clergé diocésain le 20 février 1921. Le père Paquette est ensuite placé à Kapuskasing ; il y fonde la première paroisse Immaculée Conception de Kapuskasing en 1921.
En 1925, le père Paquette retourne à Ottawa pour devenir aumônier du monastère du Bon-Pasteur. En 1928, il est appointé curé de la paroisse Sainte-Famille d’Ottawa-Est. En 1930, il devient supérieur des oblats à Maniwaki.
Le père Ovila François Paquette est décédé à l’Hôpital Général d’Ottawa le 15 janvier 1936, à l’âge de 58 ans.
La photo provient du bouquin du 50e anniversaire de la paroisse Notre-Dame de l’Assomption.
En septembre 1957, après quatre ans à l’École Sainte-Thérèse, je passe en 5e année à l’École Saint-Louis qui se trouve juste de l’autre côté de la 10e Rue, entre l’aréna et la rivière. L’École Saint-Louis (voir photo) est ouverte depuis 1953 et reçoit les élèves de la 5e à la 8e année. Il y a six classes dans l’école, quatre au deuxième étage et deux au rez-de-chaussée. Les élèves sont répartis comme suit : une classe de 5e année, une de 6e, une de 7e, une de 8e et deux classes doubles, soit une 5e et 6e ainsi qu’une 7e et 8e. Il n’y a pas de sous-sol à Saint-Louis, mais on retrouve une grande salle au rez-de-chaussée pour les réunions avec tous les élèves, les journées d’intempérie, les réunions avec parents et pour de multiples autres occasions. Comme à Sainte-Thérèse, la porte d’entrée que vous voyez sur la photo, au coin des rues Edward et 10e, est réservée aux professeurs, parents et tout autre invité. Le bureau de la soeur « principale » se trouvait tout près de cette porte. Il y a des salles de toilette pour garçons et pour filles à chaque étage et, je crois, une salle des profs au deuxième. Pas de gymnase ni de bibliothèque.
Le matin (la cloche sonne à 9 h), lors des récréations et après le « lunch » (la cloche de l’après-midi sonne à 13 h 30) nous nous amusons surtout au sud et à l’ouest de l’école. Lorsque la cloche sonne, nous prenons nos rangs près de la porte sud-ouest. Après les annonces de la journée, nous suivons nos profs en traversant un petit corridor. Juste à notre gauche, il y a un escalier pour aller au deuxième étage. Quatre groupes d’élèves montent l’escalier avec leur enseignante. Devant l’escalier, au rez-de-chaussée, se trouve l’entrée pour la grande salle, que les deux autres groupes d’élèves traversent pour se rendre à leur classe. La cloche pour la fin de la journée scolaire sonne à 16 h (4 h).
Les élèves que je côtoie à l’École Saint-Louis sont sensiblement les mêmes qu’à Sainte-Thérèse. Vers la fin des années 50, le gouvernement provincial encourage la centralisation et les conseils scolaires se voient dans l’obligation de fermer, l’une après l’autre, les écoles de campagne, notamment Ryland, Hallébourg, Lac Sainte-Thérèse et quelques autres le long des concessions. Dans les années 60, on continue à fermer les écoles de campagne et après un certain temps, il ne reste que les écoles élémentaires à Jogues (qui fermera plus tard), Mattice, Louisbourg et Saint-Pie X. Vers la fin des années 60, tous les élèves de 7e et 8e année doivent se rendre à l’École Saint-Louis (ou à Saint-Jacques en attendant la construction de nouveaux locaux à Saint-Louis). Lorsque j’ai commencé à enseigner en 1970, il y avait six classes de 7e et six classes de 8e année, mais l’école avait aussi un beau gymnase et une bibliothèque ainsi qu’une douzaine de salles de classe de plus.
Les jeux dans la cour de l’école incluent toujours les billes, le hopscotch, le saut à la corde, et les échanges de cartes de hockey et des comics), mais il n’y a pas de swing ou de glissade en bois à Saint-Louis. Au début, on se fait des glissades naturelles vers la rivière, mais après quelques années les autorités interdisent ce jeu à cause du danger possible. En 1958, lorsque je suis en 6e année, je suis choisi pour faire partie de la chorale pour la messe de minuit dans le gymnase du Collège de Hearst. La cathédrale a certainement sa propre chorale d’adultes, mais la messe de minuit fait tellement partie de la tradition des gens de Hearst qu’il n’y a pas assez de place pour tous les paroissiens qui veulent assister. Les autorités décident alors d’avoir une deuxième messe de minuit dans le nouveau gymnase du Collège de Hearst. Wow ! Quelle belle expérience que de chanter l’Agnus Dei, le Kyrie, le Venez divin Messie, Les anges dans nos campagnes et tous les autres chants de la messe de minuit devant une salle comble (hé oui, la cathédrale aussi était pleine) à l’âge de 12 ans. Je crois fermement que la plupart des paroissiens se sou- viennent encore de plusieurs mots de ces cantiques.
Le concours de français est aussi très populaire à cette époque ; certains de nos étudiants ont remporté plusieurs prix locaux, régionaux et même provinciaux. Plusieurs des enseignants et enseignantes sont des Soeurs de l’Assomption, mais on y voit de plus en plus de laïcs, incluant des hommes.
J’ai passé de très belles années à l’École Saint-Louis de 1957 à 1961. J’y suis revenu plus tard comme enseignant de 1970 à 1984 et j’ai eu la chance de connaitre des profs et des élèves formidables. On a souvent tendance à contester notre système d’éducation parce que nous sommes tellement isolés et nos ressources sont limitées, mais lorsque je considère le nombre de professionnel(le)s qu’on a produit pour le monde des affaires, l’éducation, la médecine et les services juridiques, pour les métiers ainsi que pour les services publics et gouvernementaux, il me semble qu’on peut se féliciter du travail bien accompli.
Pour ma part, la formation et l’expérience que j’ai acquises durant ces années à l’École Saint-Louis, ajoutées à l’expérience de grandir dans un village comme Hearst avec des parents et des amis qui m’ont toujours appuyé, ont servi de support immesurable dans ma carrière. J’en suis très reconnaissant et je remercie tous les gens qui ont oeuvré en éducation à Hearst.
Photo principale : livre du 50e anniversaire de la paroisse de Notre-Dame de l’Assomption
Le 23 juin 1947, un journaliste du Globe and Mail écrivait (traduction et extraits par Serge Morissette) « Plusieurs feux de forêt menacent Hearst. Il y a présentement cinq feux de forêt dans la région qui brulent hors de contrôle dans le district Hearst-Kapuskasing, et un de ces feux se veut très sérieux. Un énorme feu sur les limites de bois de Arrowland et Marathon, 20 miles à l’ouest de Hearst, menace le village et la réserve de Calstock. Les femmes et les enfants ont été évacués de Calstock cet après-midi et les hommes doivent combattre le feu à un quart de mille de leur demeure. Des bucherons des camps des environs sont venus aider à combattre le feu. Tous les avions du ministère des Forêts du district amènent présentement des pompiers forestiers avec leurs équipements. Des employés du ministère nous disent que la série de feux dans le district Hearst- Kapuskasing est centrée dans une ceinture de bois très sec qui s’étend de Calstock à plusieurs milles à l’est de Hearst. Le danger deviendra de plus en plus sérieux jusqu’à ce qu’une pluie abondante se déverse sur la région. Au coucher du soleil, le feu était rendu juste de l’autre côté du ruisseau où se trouve le moulin de Calstock. » (Simone Lecours Camiré nous parle davantage de ce feu dans son livre Ma vie sur les bords de la Mattawishkwia.) « Un vent de 25 milles à l’heure attise les flammes du feu qui a commencé près de l’autoroute Trans-Canada, à six milles d’ici. Il semble que les vents ralentissent et on espère être capable de sauver le village. Une lignée continuelle d’automobiles remplies de meubles et des gens fuyant le feu sont arrivés à Hearst cet après-midi. Un autre feu au nord de Hearst s’enlignait directement pour les fermes de certains cultivateurs, mais les représentants du ministère nous disent que les cultivateurs peuvent facilement prendre la concession vers l’est jusqu’au Lac Ste-Thérèse. Un troisième feu s’est développé au Lac Ste-Thérèse ce soir. Il y a aussi un rapport d’un autre feu dans le comté de Hanlan et une personne, à lui seul, essayait d’éteindre le feu, mais il commençait à en perdre le contrôle. Le département des forêts nous a fait savoir que ce monsieur était laissé à lui-même puisque tous les pompiers forestiers étaient occupés pour l’instant. Le feu de Calstock est le plus gros feu et il est présentement hors de contrôle. Nous ne pouvons que prier pour de la pluie. »
Comme l’explique Simone Lecours Camiré dans son livre Ma vie sur les bords de la Mattawishkwia, le vent a changé de direction à la dernière minute et le moulin Lecours Lumber avec ses maisons à Calstock ont été épargnés de même que le village de Constance Lake.
La radio CFCL – La première station de radio française en Ontario, CFCL Timmins, commence à diffuser des émissions en décembre 1951. La création de CFCL par Conrad Lavigne, fondateur-propriétaire, marque un tournant dans le développement culturel des collectivités franco-ontariennes du Nord de la province. Diffusé sur la fréquence 580 de la bande MA, la radio porte les lettres CFCL, soit Canadien-français Conrad Lavigne. La station met en vedette des artistes talentueux de la région et assure une couverture des évènements locaux. La programmation de la station est généralement en français, mais elle diffuse aussi des émissions en anglais, en italien et en ukrainien.
Je me souviens que dans les années 50, toute la famille se rassemblait devant la radio après le souper pour réciter Le chapelet en famille, ceci était suivi, souvent, du programme Un homme et son péché et, si les Canadiens jouaient ce soir-là, de La Soirée du hockey. Il y avait aussi des émissions telles que Les Joyeux Troubadours, Chez Miville, Les nouvelles de chez nous, Les deux Jeanne, Yvan l’intrépide, René et Georgette, Les Gais Lurons, Les Hirondelles ainsi que plusieurs spectacles de musique.
Le Rendez-vous sur la colline – Après l’euphorie suscitée par la création de la station, les auditeurs appellent de très loin pour présenter des demandes spéciales et pour faire des dédicaces. Les dédicaces personnelles deviennent tellement populaires qu’on crée l’émission Curb Service, permettant aux passants de faire des dédicaces en direct, en français ou en anglais. L’hôte de l’émission se tient sur le trottoir devant la station, un microphone à la main. La réaction de la population est tellement pleine d’enthousiasme que des agents de la police doivent diriger la circulation aux abords de la station. En 1956, on construit une nouvelle station sur la côte de la rue Pine et l’émission devient Rendez-vous sur la colline. En 1971, André Boisvert est l’animateur de l’émission. On se permet de visiter les différentes municipalités du Nord de l’Ontario, de Hearst à Kirkland Lake.
Je me rappelle qu’au début de cette émission plusieurs jeunes gens de Hearst se rendaient à Timmins pour participer au Rendez-vous sur la colline. Les dédicaces des jeunes gens étaient souvent loufoques : « pour mon père, ma mère, mes frères, mes soeurs, mon chum, mon chien… », « pour tout le monde que je connais et tout le monde que je ne connais pas… », « pour les gens dans le char d’en avant et the ones in the car in the back… ». L’émission est venue quelques fois à Hearst et a toujours été très populaire auprès des jeunes. Malheureusement, le Rendez-vous sur la colline s’est éteint lorsque la station a été vendue.
La télévision CFCL – La télévision CFCL a débuté avec le nouvel édifice en 1956. La programmation se faisait dans les deux langues. Au début des années 60, Conrad Lavigne installe un transmetteur d’ondes près de Hearst et voilà que plusieurs dans la région de Hearst se procurent un téléviseur. Cela me fait sourire étant donné qu’au début, certains de nos pionniers se méfiaient de cet appareil qui amenait des photos de la vie des autres dans leur maison. Ils allaient même jusqu’à mettre leurs costumes du dimanche au cas où ce machin pourrait aussi prendre des photos d’eux.
En français, à Hearst, on rencontre le commentateur tant respecté de La Soirée du hockey, René Lecavalier. Puisqu’on ne diffuse que la troisième période de la partie le samedi soir, les gens attendent avec impatience que la « neige » disparaisse à la télévision et que l’action commence. Un homme et son péché de la radio devient Les Belles Histoires des pays d’en haut . On y ajoute plus tard Les Beaux Dimanches, Les couche-tard, Le Bye bye de la fin d’année et plusieurs autres émissions. Skippy le kangourou, Grujot et Délicat, notamment, visent le divertissement des enfants.
En anglais, c’est la lutte du samedi avec Mad Dog Vachon, et les programmes Little Beaver, Gino Brito, Untouchables, Bonanza, Perry Mason, Wagon Train, Gunsmoke, My Three Sons, Leave It to Beaver…
L’année 1957 s’avère exceptionnelle pour l’éducation dans le Nord de l’Ontario et surtout pour Hearst. Son Excellence Mgr Louis Levesque C.S.S.R., évêque de Hearst, a déclaré au journal La Patrie de Montréal du 7 mai 1957 que le Nord avait fait « un pas de géant durant l’année académique qui s’achève dans le domaine de l’éducation. »
Au mois de mars 1957, le Collège du Sacré-Cœur de Sudbury devient l’Université de Sudbury. Cette nouvelle université recevra une subvention provinciale de 2 000 000 $ pour la construction de deux édifices afin de loger les facultés des arts et des sciences. Le Collège, dirigé par les Jésuites depuis son ouverture en 1913, dispensait le cours classique traditionnel quelque peu modifié pour répondre aux exigences du milieu. Il était affilié à l’Université Laval. Le personnel enseignant de l’Université de Sudbury se composera de religieux et laïcs, ces derniers de toutes croyances et nationalités. Ils seront admis en raison de leurs qualités académiques indépendamment de leurs convictions religieuses. La direction de l’institution demeurera entre les mains des Jésuites.
Le Séminaire de Hearst a été fondé en 1953 sous la direction de Son Excellence Mgr Levesque, évêque du diocèse de Hearst, et financé par la population du diocèse dans le but de rendre les études secondaires accessibles à la jeunesse francophone du Nord-Est de l’Ontario. En mai 1957, lors d’une cérémonie d’affiliation, le T.R.P. Gérard Goulet, provincial des Jésuites et chancelier de la nouvelle Université de Sudbury, remet le parchemin d’affiliation à Son Excellence Mgr Levesque, supérieur du Séminaire de Hearst. Cette affiliation permettra au Séminaire de Hearst d’offrir des cours universitaires.
Le journal La Patrie de Montréal (7 mai 1957) rapporte que « les diocésains de Hearst ont déjà souscrit la somme de 480 000 $ pour la construction d’un édifice qui logera quelque 200 élèves, chaque personne ayant donné une moyenne de 16 $. La faculté des arts de l’université restera essentiellement française. Les plans sont terminés et la construction commencera dès que l’institution aura l’assurance de recevoir les subsides nécessaires. » La cérémonie d’affiliation est la première fonction universitaire de l’ancien Collège du Sacré-Cœur de Sudbury. Selon le site Web officiel de la présente Université de Hearst, le projet lorsque terminé en 1959 contient les installations suivantes : « La nouvelle aile est munie d’une chapelle, d’un auditorium et d’une salle d’étude d’environ 200 sièges. S’y ajoutent un dortoir de 200 lits, quatre salles de classe, une bibliothèque, une salle de musique, deux laboratoires de sciences, deux salles de travaux manuels, un studio d’art et un gymnase ». Le Séminaire de Hearst est incorporé sous le nom de « Collège de Hearst » en 1959 lorsque la construction est complétée et offre des cours universitaires en plus des cours secondaires en français pour tous les gens du Nord de l’Ontario.
En 1957, un troisième projet d’envergure est en voie de réalisation dans le nord de la province, notamment la formation d’une école normale bilingue à Sudbury, semblable à celle de l’Université d’Ottawa. Même si le projet est essentiellement accepté en 1957, il ne verra le jour qu’en septembre 1963.
Son Excellence Mgr Louis Levesque a raison de dire qu’on a accompli un pas de géant en éducation pour le Nord de l’Ontario en 1957. La photo montre la construction des nouveaux locaux du Collège de Hearst sur la 9e Rue dans les années 1957-59 et provient du site Web officiel de l’Université de Hearst, sous l’onglet Notre histoire.
Dans les années 50, la plupart des gens de Hearst et de la région vivent assez pauvrement (si on compare à aujourd’hui). Les salaires ne sont pas élevés, les familles sont nombreuses et le nombre de produits agricoles est restreint par un climat capricieux. La plupart des familles augmentent le menu quotidien avec la cueillette de fruits sauvages tels les fraises, les framboises et les bleuets. Les mères de famille sont presque toutes des expertes quant à la confection de tartes. Les fraises, les framboises et les bleuets sauvages sont un excellent moyen d’ajouter des ingrédients à la fois délicieux et sains au menu. Maintes obstinations et chicanes se sont produites, surtout chez les jeunes, pour défendre la réputation de leur mère comme la meilleure confectionneuse de tartes dans la région.
Les fraises sauvages sont très petites, mais sucrées et ahh! comme elles sont bonnes. Au mois de juin, on part un peu plus tôt le matin pour se rendre à l’école Ste-Thérèse. Nous suivons un sentier le long du ruisseau derrière les maisons au sud de la rue Prince. Le sentier nous amène ensuite dans le champ derrière le centre communautaire et c’est là qu’on s’arrête toujours pour cueillir des fraises avant de traverser la rue Edward pour se rendre à l’école. Ma mère fait rarement des tartes aux fraises parce qu’à chaque fois qu’elle nous envoie cueillir des fraises nous revenons avec les bols vides et le ventre plein.
Les framboises poussent sur du terrain un peu plus élevé (pas dans les marécages) et ont besoin du soleil. On en retrouve donc sur le côté des chemins ensoleillés et dans des champs non boisés. Durant les années 50, nous allons souvent aux framboises en famille durant le mois de juillet et au début d’aout. Puisque les framboises sont assez grosses, nous pouvons remplir nos contenants dans peu de temps. On arrête souvent le long d’un chemin de concession pour cueillir les framboises. Lorsqu’on peut trouver une bonne talle de framboises dans un champ, on s’installe là et on en cueille jusqu’à ce que tous nos bols soient pleins. Au mois de juillet, les groseilles sauvages sont populaires chez les jeunes. Ils s’amusent en se faisant grimacer tout en les mangeant. On en retrouve un peu partout, surtout le long des fossés et des clairières. Elles sont rarement utilisées pour faire des tartes.
Le mois d’aout, c’est le temps des bleuets et par le fait même, une belle occasion pour une sortie en famille. Plusieurs gens de Hearst se rendent à Coppell pour la cueillette de bleuets. Chez nous, des bucherons nous indiquent des endroits ou il y a de très belles talles de bleuets, surtout là où les arbres ont été buchés récemment (deux ou trois ans). Le jour précédent la sortie en famille, la maman prépare un lunch : de bons sandwichs aux œufs, au poulet, au Klik ou au Paris Pâté, des tranches de fromage Velveeta, des œufs bouillis, des cornichons, des petits ognons, des concombres, des tomates et des biscuits au beurre d’arachide. Ces mets sont accompagnés d’un thermos de thé chaud, de boissons gazeuses, du jus et/ou de l’eau. Tôt le matin, toute la famille monte dans le camion ou dans l’auto avec des tasses, des bols, des gros plats, des chaudrons, des chaudières, en fait tout genre de récipient pouvant contenir des bleuets (ou des framboises). Arrivés au site, les plus jeunes prennent une tasse ou un petit bol et reviennent le vider dans la chaudière chaque fois qu’il est plein. Les parents et les plus vieux surveillent et s’assurent que les plus jeunes ne mangent pas tous les fruits qu’ils récoltent. Tout le monde arrête le travail au milieu de la journée et on étend une ou deux couvertures de laine dans une clairière. Les plus vieux distribuent ensuite le lunch au milieu des couvertures et chacun s’assied autour du lunch. Pendant le repas, tout le monde parle en même temps de ce qu’ils et elles ont accompli jusqu’à maintenant, de ce qu’ils ont découvert, de leurs bobos, et possiblement des animaux sauvages rencontrés. On jase, on mange, on rit, on se taquine et on se régale. À la fin de la journée, tous retournent à la maison, fatigués, mais satisfaits, avec des récipients remplis de bleuets.
Une fois rendu à la maison, le travail n’est pas fini. On doit maintenant étendre les fruits sur la table et enlever les feuilles et les saletés. On lave ensuite les fruits et on les place dans le réfrigérateur ou dans la salle froide. Dans notre famille, ma mère fait de la pâte couvrant au moins deux tartes pour le souper. Elle a déjà préparé le sucre, le cornstarch et la cannelle et elle ajoute maintenant les fruits au chaudron. Lorsque le tout est cuit, elle complète ses tartes et les place dans le four. Après une trentaine de minutes, voilà notre dessert pour le souper et notre récompense pour une journée bien remplie.
La culture des baies (fraises, framboises, bleuets) est commercialisée depuis un certain temps. Ce que je vois, c’est la disponibilité de ces fruits à longueur d’année et la facilité avec laquelle on peut s’en procurer. Ce que je ne vois pas, c’est ce qu’on doit y ajouter pour les faire grossir de cette façon et pour en produire autant. Et encore plus important que tout cela, ce que je vois disparaitre ce sont les occasions de sortir et de faire des activités en famille, apprendre à se connaitre et s’apprécier, s’amuser ensemble. Oui, il y avait beaucoup de pauvreté dans le temps, mais on ne le savait pas qu’on était pauvre et pis après ?
Depuis son appointement comme vicaire apostolique en 1918, Mgr Hallé, aidé des missionnaires colonisateurs, voyage à travers le Québec recrutant des familles catholiques pour venir coloniser le Nord de l’Ontario. Vers la fin des années 20 et durant la Grande Dépression, 200 familles de Montréal sont invitées à quitter la métropole pour s’établir en terre de colonisation dans la région de Jogues.
Le Petit Journal de Montréal du 19 mars 1944 rapporte que ces familles « s’enfoncent dans une forêt du diocèse de Hearst, en Ontario, pour y ouvrir de nouvelles terres. Malgré leur vaillance, la misère et la pauvreté se sont attachées à leurs pas. »
Je note ici que le journaliste du Petit Journal de Montréal utilise le nom « Saint-Jogues » pour désigner la région de Jogues ; j’en ai fait la correction. Je continue avec certains extraits de l’article.
« Il y a plus d’un an, un missionnaire colonisateur faisait appel à la générosité des fidèles de la paroisse où habite Mme Allard (à Montréal). C’était M. l’abbé J.V. Pelchat, curé de Jogues, la nouvelle paroisse qui avait été fondée dans le diocèse de Hearst, là où les 200 familles montréalaises avaient défriché leurs terres neuves. M. Pelchat demanda à ceux et celles qui pouvaient venir en aide à ces colons de lui donner leurs noms et adresses. C’est ce que fit Mme Allard. Quelques semaines plus tard, celle-ci recevait une lettre du missionnaire lui demandant des secours urgents pour ses colons et sa paroisse.
Pour presbytère, M. Pelchat n’avait qu’une cabane en bouleau comme celles des colons. Il se servait de boites à beurre pour déposer son linge. L’église ayant brulé, il avait dû en rebâtir une autre et prendre une dette de 25 000 $. Dans ces circonstances, le vaillant missionnaire n’avait qu’une alternative : faire appel à la générosité des Montréalais en faveur de ces colons, venus de la métropole. Son appel ne fut pas stérile.
Mme Allard se trouva immédiatement quelques compagnes dévouées et, ensemble, elles commencèrent à ramasser tout ce qu’elles pouvaient pour l’envoyer aux colons de Jogues. Quelques semaines plus tard, elles voyaient partir en direction de Hearst un convoi chargé de meubles, de linge, de vivres, d’accessoires de toutes sortes qu’elles avaient recueillies un peu partout à Montréal.
Dans l’un de ces wagons, il y avait un autel pour l’église, une chaire, un tabernacle de 150 $ donné par une bienfaitrice, un service de vaisselle pour le missionnaire, obligé de recevoir souvent son évêque, ainsi qu’une paire de raquettes lui servant dans ses courses aux malades. Il y avait aussi un ciboire, un calice, un ostensoir. Toutes ces choses avaient été données par des bienfaiteurs dévoués. Les dames patronnesses ne refusaient rien. Elles emportaient même des poteaux de couchettes qui, une fois coupés et travaillés, servaient de colonnettes pour porter les lampions ou les fleurs dans l’église de Jogues.
Depuis plus d’un an, Mme Allard et ses huit compagnes bénévoles se dévouent pour nos concitoyens devenus colons à Jogues en Ontario. Elles travaillent actuellement à préparer des layettes pour sept enfants qui doivent naitre bientôt dans cette terre de colonisation. Elles cherchent également de berceaux pour recevoir ces nouveau-nés. À date, elles n’ont pu trouver qu’une petite couchette, mais elles sont persuadées que des personnes généreuses fourniront les six autres.
Au cours d’une tournée faite dans la province pour obtenir du secours pour ses colons, M. Pelchat reçut un jour des mains d’une bienfaitrice une merveilleuse statue. Il la confia pour quelque temps à Mme Allard en attendant de venir la chercher pour l’installer dans son église. Ces femmes dévouées travaillent dans le silence et c’est à qui d’entre elles en fera le plus. “ Nous n’avons aucune difficulté à obtenir ce dont nous avons besoin pour venir en aide aux pauvres et aux colons de Jogues, ” affirme Mme Allard. “ Nous recueillons des dons généreux dans tous les milieux. Nous prenons tous ce qu’on nous donne, car tout peut être utile. ” »
Les années après la Deuxième Guerre mondiale (de 1945 à 1950) représentent une période très prospère pour le village de Hearst. Les soldats reviennent par milliers et l’économie du pays prend de l’élan. La province commence finalement à permettre la coupe de bois de construction sur les limites publiques. À Hearst c’est le début des propriétaires locaux Selin, Fontaine, Levesque, Lecours et Gosselin. Les produits des industries de pâte et papier ainsi que ceux du bois de construction sont en grande demande et les compagnies de la région voient leurs profits augmenter. Puisque les compagnies de bois sont en expansion, il faut aussi augmenter la population itinérante de bucherons, mais ceux-ci n’ont pas toujours les mêmes normes que les habitants de Hearst. Ce problème s’accroit lorsque la coupe de bois s’arrête au printemps et en automne et que les camps de bucherons ferment à cause des chemins qui ne sont plus navigables. Le village est envahi de milliers de bucherons étant donné qu’il n’y a pas de grande ville autour et tous ces hommes ont beaucoup d’argent de poche à dépenser dans le village (les bars, les bootleggers, mais aussi les restaurants, les magasins, les hôtels, etc.). Il existe une entente très fragile entre les citoyens et les bucherons ; plusieurs citoyens sont aussi des bucherons.
Le 21 avril 1950, le journaliste Don DeLaplante du Globe and Mail de Toronto écrit un article sur cette ambiance qui existe toujours au sein du village. En voici quelques extraits (traduction par Serge Morissette) : « Le son perçant du téléphone déchire la monotonie du bureau de police un dimanche matin. C’est le maire de Hearst. “ Il y a trois hommes qui se promènent à quatre pattes dans le milieu de la rue. La messe vient juste de finir et je ne crois pas que les familles veulent voir ces hommes se trainer dans la rue. Vous devriez peut-être venir les chercher. ” Les policiers se rendent sur les lieux, arrêtent le trio et leur donnent un logis temporaire dans la prison locale avec quelques autres hommes en état d’ébriété. — Les policiers sont d’accord que c’est préférable que les femmes et les enfants ne voient pas ce spectacle surtout en revenant de l’église le dimanche sur la rue principale — en plus, c’est le printemps et les rues sont pleines de boue. »
« Hearst, la demeure de 2 000 citoyens décontractés et accueillants, est aussi probablement le village le plus achalandé de l’est du Canada. — Lorsque la coupe de bois bat son plein, le village devient le centre d’accueil pour 3000 bucherons employés par 17 différentes compagnies de bois de construction et de pâtes et papier dans la région. – Le traitement de salaire mensuel de 600 000 $ est presque tout dépensé au village. – Il y a souvent une lignée de clients qui s’étend jusque dans la rue devant la succursale locale de la Banque Impériale. On y voit souvent des billets de cent dollars. – Hearst est situé dans une position très stratégique. – Le village se trouve à la jonction des chemins de fer Algoma Central et Canadien National. – Malgré l’importance de son industrie forestière, la clé de sa prospérité est son isolement ; les endroits les plus proches où les bucherons peuvent s’amuser sont Sault Ste. Marie, 240 milles au sud ; Longlac, 135 milles à l’ouest ; ou Kapuskasing, 60 milles à l’est. Le bucheron choisit donc de se rendre à Hearst, y demeurer et y dépenser son argent. – Après quelques jours, il retourne au travail dans le bois avec un mal de tête, les poches vides, mais habituellement satisfait de son congé. »
« Il faut dire que malgré cette ambiance désordonnée, Hearst est une communauté de citoyens à la fois engagés et très participants. – Prenons l’exemple de la construction du nouveau centre communautaire : 350 citoyens ont donné de leur temps et labeur pour monter cet édifice de 90 000 $. – Les compagnies de bois de la région ont fourni du bois de construction. – La fondation du bâtiment a été érigée gratuitement par une compagnie de construction. – “ Nous sommes fiers de notre village et nous sommes fiers de notre centre communautaire ”, nous dit le maire George McNee. – Le maire McNee est un homme à la stature compacte avec des yeux brillants de sagesse et un sourire attrayant. – Il est bien connu à Queen’s Park, à Toronto, parce qu’il est toujours prêt à participer à une délégation pour défendre les droits des gens du Nord de l’Ontario. Le maire nie la rumeur que le monde des affaires a ralenti à Hearst depuis que les opérations forestières dans la région ont diminué. Attendez que les opérations forestières reprennent ce printemps. Toutes les compagnies nous disent qu’elles retournent au travail à plein rendement. Le village va fredonner. »
« Il y a très peu de crime à Hearst malgré qu’une partie considérable de la population est itinérante. Occasionnellement, un groupe de batailleurs va s’activer sur la rue avec les poings et les pieds dans les airs, jaillissant d’un hôtel où un bucheron s’est fait voler son argent, mais ça, c’est des choses auxquelles il faut s’attendre. “ Les meurtres ne sont pas permis dans les limites du village ”, nous dit un représentant.
« Hearst pourra continuer à grossir tant et aussi longtemps que les industries du papier journal et du bois de construction seront en demande. — Dernièrement, la ville de Hearst a pris possession de la ferme expérimentale à l’ouest et en a fait des lots municipaux pour des résidences. On est en train de défaire la grange présentement. — Le maire McNee espère aussi que l’Algoma Central continuera son trajet jusqu’à la baie d’Hudson comme prévu en 1913. »
En septembre 1953, je commence ma 1re année à l’École Ste-Thérèse. Cette école a été construite en 1929 avec quatre classes. La même année, on complète la construction de l’école St-Louis de l’autre côté de la 10e Rue et on y inscrit les élèves de la 5e à la 8e année. L’école Ste-Thérèse accepte les élèves de la 1re à la 4e année.
Entre 1929 et 1953, on a ajouté un étage et quatre classes à l’école Ste-Thérèse. Les élèves qui apportent leur lunch à l’école doivent se rendre dans la salle au sous-sol pour manger. La porte d’en avant avec perron et foyer est réservée aux visiteurs, aux parents et aux enseignantes. La directrice a son bureau tout près. À chaque début de classe, que ce soit le matin, la récréation ou l’heure du diner, les élèves doivent prendre leur rang face à leur professeur devant la porte au sud de l’école et, après les annonces, ils entrent en file et en silence pour aller à leur classe avec leur prof.
Parmi les élèves que je côtoie à l’école Ste-Thérèse (remarquez qu’ils et elles ne sont pas tous ou toutes dans ma classe), je me souviens de Albert Timmermans, Pierre Robert, Rachel Thériault, Suzanne Pion, Nicol Poirier, Bernice Charrette, Clodie Paris, Yolande Leclerc, Allen Lamontagne, Raymond Paquin, Pierrette Bond, Luc Leclerc, Adrien Bégin, Denis Laprise, Carol Barrette, Gérald Allard, Fernand Narbonne, Louise Vaillancourt, Cécile Collin, Ernest Cloutier, Gaston Baillargeon, Gaetan Lapierre, Jean-Baptiste Bond, Roland Girard, Claire Payeur, Denise Bisson, Pauline Camiré, Carmel Boisvert, Gilles Bureau, Gérald Calleweart, Claude Brochu, Jean-Marc Boisvert, Robert Lussier, Norman Labranche, Janine Boutin, Carole Lévesque, Jean-Paul Boulley, Charles Boucher, Tom Matte, Michel Lafrance, Fernand Vaillancourt, Claude Fortier, Marcel Gagnon, André Lecours, Gilles Bray, André Léger, Léo Roy, Henriette Bouchard, Rachel Huard, Guill Archambeault, Roch Lemay, Robert Duguay, Albert Turgeon, Normand Bourdages, et j’en oublie.
La plupart des enseignantes sont des sœurs de l’Assomption avec quelques enseignantes laïques. Un souvenir qui m’a beaucoup marqué. C’était en septembre 1954, la deuxième semaine, je crois. J’étais en 2e année. J’arrive à l’école tôt et je m’amuse dehors avec mes amis jusqu’au son de la cloche à 9 h. Je me mets en rang, mais je m’aperçois que notre maitresse, mademoiselle Toussaint, si je me rappelle bien, n’est pas là pour nous recevoir. On nous demande de suivre les autres élèves et de se rendre en classe. Rendu là, on accroche nos manteaux et on place nos bottes sous le banc dans le vestiaire derrière la classe (il n’y avait pas de casiers dans le temps) et on va chacun à notre pupitre. Nos sommes tous surpris de voir la directrice devant la classe avec une autre madame qu’on ne connait pas. La directrice nous annonce qu’il y a eu une tragédie en fin de semaine et que mademoiselle Toussaint s’est noyée en se baignant dans la rivière Mattawishkwia à Wyborn. Elle nous présente ensuite notre nouvelle institutrice, mademoiselle Blanche Boissonneault qui sera avec nous pour le restant de l’année. Je dois admettre que nous avons été sous le choc de cette nouvelle pendant plusieurs jours, mais grâce à la sensibilité et à la compréhension de cette nouvelle institutrice, nous avons réussi à faire face à notre chagrin et à reprendre nos études après quelque temps. Nous avons passé une très belle année scolaire avec mademoiselle Boissoneault (elle n’était pas encore tante Blanche Doucet dans le temps).
Il n’y a pas de gymnase ni de bibliothèque dans l’école. Le catéchisme, le français, l’anglais, la mathématique et les sciences naturelles occupent la majeure partie de l’horaire avec un peu d’hygiène, d’histoire et de géographie pour les plus vieux. Des garde-malades de la santé publique nous visitent régulièrement et la plupart des élèves sont vaccinés. Dehors, les enfants s’amusent le matin avant la cloche, pendant les récréations et sur l’heure du midi. Plusieurs filles jouent au hopscotch et sautent à la corde. Plusieurs amateurs de hockey profitent aussi de l’occasion pour échanger des cartes de hockey et des comics (bandes dessinées). À l’ouest de l’école, on joue au ballon-chasseur qu’on appelait dans le temps « jouer à se tuer ». Quelques-uns jouent aux « pas de géants » alors que d’autres se lancent une balle molle.
Le mur au sud de l’école est réservé à ceux qui veulent jouer aux billes (qu’on appelait des « alleys »). Il s’agit de lancer une bille sur le mur de l’école et si elle frappe une ou d’autres billes, celles-ci t’appartiennent. On joue aussi à deviner combien de billes j’ai dans ma main. Dans la cour de récréation, il y a deux machins pour amuser les élèves. Le premier est la glissade sur le coin de la 10e Rue et de la rue Edward. J’en ai parlé dans un article préalable.
Tout près, il y a aussi une swing. Il s’agit d’un gros poteau de fer avec sept ou huit chaines attachées au haut du poteau à un anneau de fer. L’autre extrémité de la chaine est rattachée à une poignée de bois d’environ un pied de long. Cette poignée se trouve à environ trois pieds du sol. Il s’agit de prendre la poignée, étirer la chaine, courir autour du poteau le plus vite possible et ensuite lever les pieds et laisser la rotation de la chaine te promener autour du poteau, tout en de donnant des poussées à chaque fois que tes pieds touchent par terre. Généralement, c’est comme ça que ça se passe. Cependant, lorsque trois ou quatre des grands se mettent à courir ensemble autour du poteau, la rotation peut se faire très rapidement et les jeunes plus courts peuvent s’élever trois à quatre pieds dans les airs. Nous avons passé des moments inoubliables dans cette école.
Dans les années 50, la vie quotidienne des villageois de Hearst se confrontait souvent aux mœurs des bucherons. Il y avait le sacrage et la boisson, bien sûr, mais il en existait aussi d’autres.
En octobre et novembre 1955, Le Petit Journal a fait enquête sur la traite des Blanches de Montréal. L’escouade de moralité de Montréal a mis beaucoup de pression sur les pourvoyeurs de services sexuels et plusieurs ont décidé de paqueter leurs bagages. Selon Le Petit Journal, cependant, ces pourvoyeurs se sont alors réorganisés en réseau interprovincial Québec-Ontario pour offrir la traite des Blanches de Montréal. Ce réseau aurait eu des quartiers généraux à Sarnia, Windsor et Montréal.
Selon une source bien informée (probablement des citoyens de Hearst), en 1955, ce « commerce » était bien établi à Hearst alors que plus de vingt jeunes filles faisaient partie d’une organisation de débauche. Certaines étaient amenées de force, d’autres pour fuir les agents de l’escouade de moralité de Montréal. À Hearst, selon Le Petit Journal, il y aurait eu quatre maisons de débauche fonctionnant à pleine allure.
Une roulotte allant d’une localité à une autre aurait été également utilisée à des fins immorales. Il n’y avait qu’environ 2 000 habitants à Hearst (selon Le Petit Journal), mais les meilleurs clients étaient les bucherons qui passaient beaucoup de temps au village lorsque la coupe de bois s’arrêtait et qu’ils avaient de l’argent dans leurs poches. Ces maisons de débauche appartenaient supposément à des Montréalais. Un homme aurait acheté une propriété où il exploitait son « commerce ». Il aurait fait installer un bar dans le sous-sol, qu’il gardait ouvert 24 heures sur 24. Lui et son associé étaient connus de la police de Montréal. Il parait que cet établissement était situé sur la rue George Ouest, près des bureaux de la police provinciale de l’Ontario et de la Gendarmerie royale. Un autre jeune homme aurait tenu un « commerce » du même genre à l’est de la rue George. Supposément que les deux groupes employaient des Montréalaises.
Il semble que deux autres avaient une résidence sur la rue Prince, mais ils ont dû déménager. Les membres d’une autre bande auraient averti les deux de s’en aller s’ils ne voulaient pas y laisser leur peau. La bataille se serait déroulée un samedi soir. Certains citoyens de Hearst ont dit que le lendemain matin on pouvait voir des portes et des fenêtres brisées et même arrachées comme si un ouragan avait frappé cette seule maison. Le Petit Journal rapporte que les pourvoyeurs ont tous pris un congé temporaire après la publication des articles.
Je n’avais que 8 ans en 1955 et je n’étais pas au courant de ce qui se passait, mais je me souviens d’une histoire qui m’a été racontée mille fois dans le temps. Il semblerait qu’un groupe de citoyens de Hearst s’est présenté à l’une de ces maisons et a donné aux propriétaires un ultimatum de 24 heures pour quitter le village. Je crois que c’était assez pour que les pourvoyeurs prennent des vacances. —————-
Voici à ce sujet certains commentaires des lecteurs de Hearstory. Louise : Une coiffeuse de Hearst m’a raconté que les pourvoyeurs lui apportaient leurs filles pour qu’elle les coiffe. À leur insu, cette coiffeuse organisait des lieux sécuritaires où les filles pouvaient s’évader…. et ensuite prendre un autobus pour retourner chez elles. Il y avait un réseau style underground train.
Bud (traduction) : J’me rappelle de beaucoup de choses qui se passaient à Hearst.
Jacqueline : Je me souviens. Mon oncle demeurait en face de cette maison.
Fernand : Mon père me racontait que les bars fonctionnaient à plein régime tous les soirs sans parler des bootleggers partout sur la rue Front et la rue George, qui faisaient de très bonnes affaires. L’argent roulait sur les trottoirs !! Je connais quelqu’un qui se souvient très bien de la roulotte ambulante !!!
Laurent : Merci de partager cette histoire du Petit Journal de Montréal. On a tendance à taire cette réalité. Heureux de voir qu’elle est documentée. J’ai connu un de ces pourvoyeurs.