Le gouvernement du Canada investit des millions de dollars dans la formation en santé en français dans le Nord de l’Ontario. L’objectif est d’améliorer l’accès à des services de santé en français, surtout dans les régions rurales et éloignées.
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Ju – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
L’Université Laurentienne reçoit 7 millions $, l’Université de Hearst reçoit 2 millions $, le Collège Boréal 4 millions $ et le Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario (RMEFNO) 1 million $.
Le ministre fédéral de la Santé, Jean Yves Duclos, était de passage au Collège Boréal de Sudbury pour annoncer la répartition des montants. L’argent provient du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028. « Le programme de santé pour les langues officielles en santé de Santé Canada est conçu pour améliorer l’accès aux soins de santé dans la langue officielle que l’on choisit », dit le ministre Duclos.
Le président du Collège Boréal, Daniel Giroux, souligne que ce financement est essentiel pour maintenir un niveau de services adéquat et essentiel. « Une personne vulnérable dont la santé est défaillante se doit de pouvoir compter sur des services de santé de qualité dans sa langue, peu importe l’endroit où la personne demeure. »
À l’Université Laurentienne, le montant sera géré par le Consortium national de formation en santé CNFS – Volet Laurentienne. Le CNFS appuiera les programmes de formation de santé en français, comme Sciences infirmières, de Service social, l’Orthophonie.
« Présentement, on travaille beaucoup sur le recrutement. On veut aller chercher plus d’étudiants qui vont pouvoir devenir nos futurs professionnels de la santé qui vont pouvoir offrir des services dans les communautés en situation minoritaire en français », explique la gestionnaire du CNFS-Volet Laurentienne, Chanelle Landriault.
Les fonds pourront entre autres servir à des stages pour que les étudiants découvrent les communautés en manque de personnel, précise Mme Landriault.
Le Collège Boréal utilisera les fonds pour ses programmes en santé : hygiénistes dentaires, préposés aux bénéficiaires, technologue en radiation médicale, ambulanciers et infirmières auxiliaires.
« Comme collège en situation minoritaire, les couts sont beaucoup élevés pour développer et maintenir la formation » , dit Daniel Giroux. Sans l’appui financier du gouvernement, il est aussi plus difficile d’offrir des cours et de la formation dans les communautés éloignées, ajoute-t-il.
Le président du RMEFNO, Collin Bourgeois, souligne que le million appuiera ce que l’organisme fait déjà. Le rôle du RMEFNO est entre autres de faire la promotion et de la formation pour que les diverses agences de santé offrent des services en français. « Former, informer et faire une distribution [des services] à parts égales. Chaque région doit avoir un complément de service de santé en français », rappelle M. Bourgeois.
À l’Université de Hearst, l’argent servira surtout à appuyer la formation offerte dans le programme de psychothérapie.
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La députée fédérale de Sudbury, Viviane Lapointe, le ministre fédéral de la Santé Jean Yves Duclos, le député fédéral de Nickel Belt, Marc Serré.
Le programme JeunInno est une initiative relativement unique en province. La Société économique de l’Ontario tente de convaincre ses bailleurs de fonds de financer une nouvelle version qui s’étendrait à toute la province pour tenter de limiter l’exode des jeunes des régions rurales et francophones.
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Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Malgré la pandémie, le programme de formation en entrepreneuriat et en art lancé en 2020 a pu organiser 110 activités qui ont attiré 1300 inscriptions. Des résultats qui dépassent d’environ 50 % les cibles qui avaient été fixées. Le programme devait profiter à la région du Grand Sudbury et Rivière des Français, mais en raison du confinement, la responsable, Mireille Dupuis, s’est concentrée sur cette dernière.
D’autres activités pourraient être présentées au cours de l’été, car le projet est financé jusqu’en octobre 2023.
JeunInno s’insère dans le mandat de renforcement économique des collectivités de la Société économique de l’Ontario (SÉO). De plus, il s’agit de leur seul projet en province visant l’exode des jeunes. Le directeur général, Patrick Cloutier, confirme que l’organisme aimerait « l’amener au niveau provincial ». « On veut garder cette richesse francophone là dans nos régions rurales. »
« Présentement, on travaille sur les demandes de financement justement pour aller chercher l’extension », ajoute-t-il.
Malgré le succès de cette première version, Mireille Dupuis retire des leçons de l’expérience. Comme « rester en contact régulier avec les directions des écoles ».
Contrer l’exode
Mme Dupuis croit que d’offrir des activités culturelles et entrepreneuriales est l’une des clés pour garder les jeunes dans les régions. « Quand ils grandissent dans un milieu enrichissant comme ça, ça devient naturel d’être porté à revenir ou de rester dans ta communauté. En créant ce sens d’appartenance, on espère pouvoir garder les jeunes dans nos petites communautés francophones. »
La responsable a vu l’effet de ce sens d’appartenance sur des personnes de la communauté qui sont allées étudier à Ottawa ou Toronto et qui sont revenues pour travailler.
« Je trouve que c’est important de motiver les jeunes à lancer des entreprises. » Un but qui peut être plus motivant que de trouver un emploi dans un commerce local, avance-t-elle. De plus, avec les nouveaux moyens de communication, les petites communautés deviennent des options réalistes pour le travail à distance.
La région du Moyen-Nord de l’Ontario fait présentement face à un déficit de formation après la perte de plusieurs programmes à l’Université Laurentienne. Patrick Cloutier de la SÉO croit que des programmes de ce genre peuvent combler un vide. « Je crois qu’il est important de créer un éveil entrepreneurial chez les jeunes. On travaille beaucoup avec les entrepreneurs, créer des entreprises, créer un écosystème francophone. Oui, l’école est importante. Mais au-delà de ça, créer son entreprise, c’est bien aussi. »
Le projet JeunInno s’adresse aux jeunes francophones de 15 à 18 ans et a comme objectif de renforcer l’engagement communautaire, l’économie sociale, d’encourager l’esprit entrepreneurial de la prochaine génération et à réduire l’exode des jeunes des petites communautés franco-ontariennes par une offre de diverses activités interactives.
Il a été développé par la Société économique de l’Ontario en collaboration avec le Conseil scolaire du Grand Nord et financé par la Fondation Trillium de l’Ontario.
Les responsables du programme JeunInno ont tenu un évènement de reconnaissance de la Fondation Trillium, le bailleur de fonds, le 24 mars à la Galerie de la Ruelle à Noëlville. Mireille Dupuis, responsable de JeunInno, animait la présentation. — Photos : Julien Cayouette
Le secteur des arts en Ontario craignait le pire la semaine dernière alors qu’une rumeur concernant le budget du gouvernement provincial, qui sera dévoilé le 23 mars, annonçait une diminution de 10 millions $ (15 %) du budget du Conseil des Arts de l’Ontario (CAO). Un désastre annoncé alors que le domaine artistique tente de se relever du confinement de la pandémie.
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Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Les organismes culturels avaient commencé à sonner l’alarme et se prépareraient à revendiquer. La pandémie a fragilisé plusieurs organismes et certaines personnes sont encore hésitantes à prendre part aux évènements publics.
Le vendredi 17 mars en après-midi, le Globe and Mail disait avoir confirmé avec le bureau du ministre des Finances, Peter Bethlenfalvy, que le budget de base de 60 millions $ du CAO ne serait pas touché, seulement un montant de 5 millions $, qui avait été temporairement ajouté pour aider à la relance de certains secteurs, serait retiré.
La catastrophe semble donc être évitée, mais la situation demeure précaire. Lorsque Doug Ford a pris le pouvoir en 2018, le budget du CAO était de 70 millions $.
« L’Ontario est l’une des provinces les plus pauvres en termes de financement de la culture. C’est certain que ça ne va pas aider », commence le directeur général de la Place des Arts du Grand Sudbury, Jean-Gilles Pelletier. Toute diminution du budget compliquera la relance en cours des activités artistiques, dit-il.
« Couper du financement quand on est en train de se remettre sur pied, quand c’est encore fragile, viendrait couper le peu de bases qu’on a. Il faut se rappeler que chaque dollar investi en culture rapporte 17 $ [à l’économie] », rappelle le directeur général du Centre franco-ontarien de folklore, Patrick Breton.
Le directeur général du Carrefour francophone et de La Slague, Stéphane Gauthier, aurait aimé que le gouvernement soit plus à l’écoute du milieu. Il rappelle que les couts pour présenter des spectacles n’ont jamais été aussi élevés. L’inflation, le cout du transport, les assurances ont monté en flèche au cours des dernières années.
Le directeur artistique suppléant du Théâtre du Nouvel-Ontario, Dillon Orr, rappelle qu’une diminution des subventions se fait toujours au détriment des minorités. « Déjà, nous avons moins d’argent que nos homologues anglophones. On n’a pas la force du nombre. Les coupes se verraient moyennement à Toronto, mais c’est dans les plus petites villes où ça se voit énormément. C’est dévastateur dans les régions plus éloignées. »
M. Orr voit une contradiction entre le fait d’avoir permis à la communauté francophone du Grand Sudbury de construire la Place des Arts, mais de ne pas lui donner les moyens de l’habiter.
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La Place des Arts du Grand Sudbury — Photo : Archives Le Voyageur
Un nouveau cours en bloc sur la nordicité sera offert conjointement par l’Université de Hearst et le Collège nordique francophone de Yellowknife. Ce partenariat permettra à l’université nord-ontarienne de prendre davantage sa place dans le monde de l’éducation postsecondaire et au collège des Territoire-du-Nord-Ouest de progresser dans son parcours pour devenir un établissement postsecondaire accrédité.
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Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Le cours en bloc de trois semaines s’intitule « La nordicité : approche transdisciplinaire des enjeux du Nord ». Les deux premières semaines de théories seront offertes en ligne à partir du 12 juin et la dernière semaine se déroulera sur place, à Yellowknife. Elle coïncidera avec les festivités de la St-Jean. Les étudiants de l’Université de Hearst (UdeH) peuvent s’y inscrire comme cours au choix, mais tous les francophones du Canada, y compris ceux de Yellowknife, peuvent faire une demande pour l’une des 25 places disponibles.
Photos : Archives Le Voyageur
« Un des points communs des deux organisations est d’appartenir au nord », explique le professeur de littérature et de sémiologie du programme interdisciplinaire en Études des enjeux humains et sociaux de l’UdeH, Stéphane Girard. Comme Hearst est considéré comme étant au sud par Yellowknife, cette différence de point de vue démontre que le nord est à la fois composé de définitions similaires et relatives, dans le sens où « le nord on le définit, on le comprend, on l’appréhende toujours en fonction de quelque chose d’autre », dit le professeur.
Le cours explorera justement ces différences par le biais de la transdisciplinarité. La nordicité sera étudiée par rapport à sa géographie, son histoire, ses communautés, sa culture, la politique… « Ce n’est pas uniquement à l’aune d’une seule discipline qu’on est capable de rendre compte de toute la complexité du nord », affirme M. Girard.
La troisième semaine répondra au critère expérientiel qui fait partie de la philosophie de l’UdeH. Sur place à Yellowknife, ils participeront aux célébrations de la St-Jean, visiteront l’Assemblée législative, des artisans autochtones, feront du canot sur le Grand lac des Esclaves, etc.
Les couts d’inscription sont les mêmes que pour un cours de l‘Université de Hearst. Il faut cependant prévoir débourser un montant supplémentaire pour le voyage à Yellowknife. L’Université utilisera un de ses fonds pour l’appui à l’apprentissage expérientiel afin de réduire le cout du déplacement et du logement pour les étudiants.
Sur la voie de l’accréditation
Le Collège nordique francophone (CNF) est, pour l’instant, un organisme à but non lucratif qui offre principalement de la formation en langues.
La première Loi sur l’éducation postsecondaire des Territoire-du-Nord-Ouest (T.-N.-O.) a été rendue publique en décembre 2022 et a ouvert la porte à la transformation du CNF. « On s’est fait confier le mandat par le gouvernement territorial de devenir un collège pleinement accrédité qui offre des diplômes et des certificats. C’est l’angle que l’on a utilisé pour obtenir notre financement », explique le directeur général du CNF, Patrick Arsenault.
Photo : Courtoisie
Le CNF a reçu près de 5 millions $ sur trois ans provenant du gouvernement des T.-N.-O et des 121,3 millions $ que le gouvernement fédéral a investi dans l’éducation postsecondaire en milieu minoritaire.
Des partenariats avec Hearst et d’autres établissements — comme l’Université de l’Ontario français pour un cours de langue autochtone tłı̨chǫ et le Collège La Cité pour un programme en petite-enfance — ont été créés afin que le Collège développe son expertise et « démontrer au gouvernement territorial dans la prochaine année qu’on a atteint le niveau et réussi à prouver qu’on était capable de prendre notre envol et de devenir indépendant », dit M. Arsenault.
Lorsque l’objectif sera atteint — idéalement en 2024 —, le CNF pourrait devenir le premier établissement postsecondaire francophone accrédité au nord du 60e parallèle au monde. Avec leur nouvelle notoriété, ils espèrent aussi mieux faire connaitre les réalités des Territoires-du-Nord-Ouest aux Canadiens. « On trouve qu’on est un peu méconnu. »
Le CNF surveille l’UdeH depuis quelques années déjà. « Ils font les choses différemment, ils innovent beaucoup. Ils sont petits aussi, on se reconnaissait mieux dans une petite structure plus agile. Et eux aussi font une transition en ce moment », dit M. Arsenault en référence à la nouvelle indépendance de l’Université de Hearst.
Une première pour l’UdeH
Aussi bien pour Stéphane Girard que pour le recteur de l’UdeH, Luc Bussières, le sentiment d’être considéré comme un établissement du sud est étrange, car ils ont l’habitude d’être l’établissement du nord par rapport aux autres.
Pour M. Bussières, ce partenariat avec un autre petit établissement postsecondaire était tout naturel. Il a permis de signer une première entente avec une institution canadienne hors de l’Ontario. Il révèle qu’une autre entente sera bientôt dévoilée avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
« C’est devenu un peu la norme que les institutions aient plusieurs partenaires un peu partout. Parfois, c’est juste pour un programme, parfois c’est pour la mobilité des étudiants ou des profs », précise M. Bussières.
Il croit que le principal avantage de ce partenariat pour l’UdeH se compte en gain de notoriété et de visibilité. « On est en train de se faire connaitre sous un nouveau jour. L’Université à 70 ans cette année, mais là, on vole de nos propres ailes, on développe nos propres partenariats. On montre qu’on est un joueur intéressé à collaborer », explique-t-il. Lorsqu’elle relevait de l’Université Laurentienne à Sudbury, l’établissement de Hearst n’avait pas ce niveau de liberté.
Ce cours ne sera pas le dernier offert par l’UdeH et le CNF. L’entente initiale prévoit trois cours; celui-ci au printemps, un à l’automne et un à l’hiver 2024 avec l’option de continuer ou de modifier le partenariat pour la suite. Le sujet des prochains n’a pas encore été choisi et ils seront très probablement seulement offerts en ligne.
Théâtre Action a été essentiel à l’expansion du théâtre en français en Ontario. Il ne l’a pas créé, mais il lui a permis d’être reconnu, d’obtenir du financement, de se distinguer et de se perpétuer. Atteindre 50 ans est d’autant plus impressionnant pour un organisme « caméléon », qui a réussi à se réinventer plusieurs fois.
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Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Théâtre Action a été essentiel à l’expansion du théâtre en français en Ontario. Il ne l’a pas créé, mais il lui a permis d’être reconnu, d’obtenir du financement, de se distinguer et de se perpétuer. Atteindre 50 ans est d’autant plus impressionnant pour un organisme « caméléon », qui a réussi à se réinventer plusieurs fois.
Il y avait du théâtre en français en Ontario avant 1972. Il était animé par des troupes amateurs, bénévoles et étudiantes qui travaillaient en silos, sans échanger. Dans cette forme, il ne pouvait pas évoluer.
Plusieurs actions décisives sont à l’origine de la création de Théâtre Action (TA). Plus particulièrement une réunion de l’organisme Theatre Ontario à l’été 1971 où « huit participants de langue française, ayant pris conscience de leur communauté d’intérêts, [ont] refusé de s’intégrer aux ateliers de langue anglaise », peut-on lire dans l’album des 35 premières années de Théâtre Action, écrit par Joël Beddows et Amelie Mercier.
Ce qu’avance le premier « French officer » du Conseil des Arts de l’Ontario (CAO), Richard Casavant, c’est que ces huit participants (Richard Casavant, Jeanne Sabourin, Pierre Bélanger, Luc Clouâtre, Denis Courville, Jacqueline Martin, Sr. Micheline Poirier et Nicole Tessier) ont formé leur propre groupe à sa suggestion.
Au début de la conférence, chacun des huit était à une table différente avec un groupe d’anglophones. « À la pause, j’ai dit à Jeanne : “ On va faire ça autrement. Réunis les francophones, on va se réunir dehors parce que je veux savoir quelles sont leurs réalités et s’il y a lieu de continuer cette réunion, cette conférence dispersés comme nous le sommes “ », raconte M. Casavant. Ainsi est né le Groupe Arc-en-ciel.
Casavant avait baigné dans le milieu théâtral, ayant participé aux activités d’un petit théâtre d’été dans les années 1960. Il a quitté la pratique pour entrer au CAO, mais l’un de ses objectifs a toujours été de faire avancer le théâtre franco-ontarien, de l’aider à se distinguer des pièces classiques et québécoises.
Mais lors de cette réunion, M. Casavant se devait de rester discret, de ne pas trop montrer ses cartes ou d’avoir l’air de revendiquer, puisqu’il était un observateur du gouvernement. «Les actions que je vais faire doivent être assez discrètes. Mais mon but à moi, c’est d’avoir une association, éventuellement, qui va offrir des services d’animation» et de communication entre les théâtres. Un organisme qui rencontrerait les critères de financements du CAO.
À ce moment-là, très peu de compagnies de théâtre franco-ontariennes se qualifiaient pour des subventions. Or, comme agent du CAO, c’était la meilleure façon pour M. Casavant d’arriver à ses fins.
Il dit s’être battu pour obtenir des fonds et demander à Pierre Beaulne de produire un rapport. Ce rapport a souligné le retard des troupes de théâtre francophone par rapport aux anglophones et la « nécessité de créer un organisme de développement en vue de stimuler une activité théâtrale de langue française », écrivent Beddows et Mercier.
Une action dans la mouvance
En entrevue, Joël Beddows rappelle que Théâtre Action est né dans « un grand mouvement interventionniste sur le plan culturel et identitaire ». Il y avait eu le Rapport Saint-Denis, à la fin des années 1960, qui niait l’existence d’une culture franco-ontarienne distincte et avançait que les francophones de l’Ontario ne pourraient jamais s’émanciper du Québec.
Les actions et les rapports suivants ont activement contredit cette prémisse. Surtout face au repli des francophones du Québec sur eux-mêmes.
« Théâtre Action est devenu le lieu qui proposait les activités, de ce qu’on dirait aujourd’hui, de médiation-culturelle, qui faisait en sorte que cette idée de mettre au monde une identité et une culture pour l’accompagner, trouverait preneur permis la population générale. Ce qui est également important je dirais, c’est que dès le départ, Théâtre Action a adopté le principe de la décentralisation », argumente M. Beddows. Cette décentralisation était importante selon lui en raison de la répartition de la population francophone.
Ce mouvement identitaire du début des années 1970, rappelle Joël Beddows, est « contreculturel, contestataire, ça se positionne dans les actions contre une conception traditionnelle conservatrice religieuse de la culture canadienne-française, aussi contre le bilinguisme institutionnel ». TA ne s’identifie pas directement avec ces valeurs, mais baigne dans cette atmosphère et est parfois menée par des gens qui y adhèrent.
« C’était un projet étrangement bien réfléchi pour une gang de jeunes. Étrangement bien articulé pour des gens à peine formés » en théâtre, ajoute M. Beddows.
Richard Casavant considère également que les Éditions Prise de parole ont eu un grand rôle à jouer dans la création du théâtre franco-ontarien en publiant très tôt les textes de pièces. « Le théâtre, une fois que c’est dit, c’est dit. Ça ne reste pas nécessairement comme quelque chose qui est écrit. Bien heureusement que Prise de parole a publié les textes d’André Paiement dès le début. » Pour lui, théâtre et littérature s’entremêlent et s’entraident.
Naissance à Sudbury ?
La création de Théâtre Action est associée à Sudbury. La décision a effectivement été prise à l’Université de Sudbury au début mai 1972, lors d’un forum provincial organisé par le Groupe Arc-en-ciel.
« Théâtre Action regroupait, pour la première fois dans l’histoire du théâtre franco-ontarien, tous les gens qui s’occupaient directement ou indirectement du théâtre dans la province », a écrit Pierre Beaulne dans son rapport sur la rencontre.
Le nom Théâtre Action, dont Richard Casavant réclame la paternité, y a été utilisé pour la première fois. Mais pour lui, TA n’a pas nécessairement été créé à Sudbury. L’idée était née plusieurs mois plus tôt, ailleurs. Les actions pour mener à sa création avaient été faites en consultant plusieurs troupes de partout en province. La promulgation de sa création a eu lieu à Sudbury, quelques mois après la présentation de Moé j’viens du nord, s’tie!, mais aurait très bien pu avoir lieu ailleurs.
Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Même si le nombre total de locuteurs français a augmenté au Canada (voir le premier tableau), ils représentent un plus petit pourcentage de la population. L’explication est simple : l’anglais et les autres langues ont progressé plus rapidement.
Le bilinguisme anglais-français suit une tendance similaire à l’extérieur du Québec. Il y a 53 000 personnes bilingues hors Québec, mais représentent 9,5 % de la population, comparativement au 9,8 % en 2016. La proportion est cependant restée stable, autour de 18 % dans le tout Canada, car la proportion de personnes bilingues a augmenté au Québec.
« Il y a vraiment une diminution du nombre de personnes qui vont connaitre ou utiliser uniquement le français. On constate qu’il y a plus de mixité», explique l’analyste principale chez Statistique Canada, Émilie Lavoie. «Dans le Nord de l’Ontario, on sait que les populations francophones sont plus âgées, donc ça peut être un facteur qui explique les changements. »
Émilie Lavoie
Photo : Courtoisie
Il y a bien une augmentation du nombre de locuteurs de langue étrangère dans toutes les régions. Par exemple, les langues hindi et pendjabi sont de plus en plus présentes dans les villes du Nord de l’Ontario. Un effet prévisible, puisque, selon le coordonnateur du Réseau du Nord pour le soutien à l’immigration francophone, Thomas Mercier, presque un tiers des immigrants canadiens hors Québec proviennent présentement de l’Inde.
Nord de l’Ontario
En Ontario, et dans la région du Nord plus précisément, le poids démographique des francophones a diminué ainsi que leur nombre absolu aussi (voir le 2e tableau).
Le critique officiel des Affaires francophones du Nouveau Parti démocratique de l’Ontario, le député de Mushkegowuk—Baie James, Guy Bourgouin, s’est empressé de critiquer le gouvernement de Doug Ford pour la dégringolade.
« Pendant son dernier mandat, le gouvernement Ford a éliminé le chien de garde de la langue française et laissé de grandes lacunes lorsqu’il a modernisé la Loi sur les services en français. Ces lacunes ont un impact sur nos services en français, facilitent l’assimilation à d’autres langues et découragent les efforts déployés par notre population de langue française en vue d’une immersion continue en français. »
Même les municipalités considérées comme des bastions francophones ne sont pas à l’abri. À Nipissing Ouest, le français est en baisse de 9,2 % comme langue prédominante à la maison. Kapsuskasing et Hearst ont aussi vu des diminutions, quoique moins importantes.
Le manque de nouveaux arrivants est pointé du doigt, mais il ne faut pas mettre de côté l’effet du vieillissement de la population et de l’assimilation, suggère Thomas Mercier.
Thomas Mercier
Photo : Courtoisie
Le Grand Sudbury
Le pourcentage de la population dont la langue maternelle est autre que l’une des deux langues officielles apporte un peu d’éclairage sur les raisons du recul du français. Dans le Grand Sudbury, la proportion est passée de 7,9 % en 2001 à 10,9 % en 2021.
Le bilinguisme diminue lentement aussi dans la ville du Nickel. En 2001, la région avait le plus haut taux de bilinguisme au Canada à l’extérieur du Québec à 39,9 %. En 2021, c’est 36,6 % de la population du Grand Sudbury qui dit connaitre les deux langues officielles.
La directrice générale de l’ACFO du grand Sudbury, Joanne Gervais, ne se laisse pas décourager par les données. «C’est tellement pointu que ça ne reflète pas nécessairement une réalité. On a un total avec les réponses, mais pas la logique derrière la réponse.»
Joanne Gervais
Photo : Archives Le Voyageur
Une donnée laisse entrevoir un effet de l’immigration sur le français dans le Grand Sudbury. Il y aurait maintenant 1465 personnes qui connaissent seulement le français comme langue officielle, comparativement à 1295 en 2016. Une augmentation de 170 personnes.
Pour l’instant, Mme Gervais n’est pas inquiète d’un impact sur les services en français dans le Grand Sudbury. Les nombres sont encore assez élevés et il y a une ouverture de la ville pour fournir les services dans les deux langues. Si la tendance se poursuit ou s’accélère, c’est là qu’il peut y avoir un risque.
Des cibles sans plans
Les observateurs remettent surtout la responsabilité de cette diminution au gouvernement fédéral et à son manque de vision et d’engagement pour l’immigration francophone. Avec le vieillissement de cette population et la baisse du taux de natalité et l’assimilation, cette stratégie demeure la meilleure solution pour contrer la descente.
« Les cibles aux niveaux provincial et fédéral ne sont pas réalistes pour toutes les régions. Cinq pour cent à Sudbury, même si on atteignait cette cible-là, elle n’est pas suffisante pour maintenir notre poids démographique », prévient Joanne Gervais. Elle note d’ailleurs que ces cibles ont été établies sans feuille de route ou plan pour les atteindre.
Le coordonnateur du Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS) va plus loin, soulignant que les stratégies de recrutement d’immigrants laissent de côté les pays les plus prometteurs pour les francophones.
« Le problème du projet Destination Canada, c’est qu’ils vont dans des pays francophones où il y a très peu d’immigration vers le Canada. Ils ne vont pas en Afrique de l’Ouest. Ils sont toujours en Europe et parfois au Maghreb, déplore M. Hassan. Ça doit changer. » Il se demande si on ne voit pas dans ces choix un autre effet du racisme systémique.
Thomas Mercier affirme que la communauté francophone sait ce dont elle a besoin : un programme d’immigration géré par et pour les francophones et localement. « Il faut aussi lier les cibles en immigration francophones à l’ensemble des programmes d’IRCC [Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada] ou de la province ou de la municipalité. C’est bien beau d’avoir une cible qui flotte en l’air, mais il n’y a rien qui force concrètement ces cibles-là à être atteintes. »
Gouled Hassan s’inquiète d’une tendance qu’il voit sur le terrain, mais qui ne se manifeste pas encore dans les données : la perte de la deuxième génération des immigrants francophones. « Il y a plusieurs [immigrants] qui mettent leurs enfants dans des écoles anglophones. Si cette tendance continue, on va perdre toute la deuxième génération. »
Il voit certains parents faire ce choix après avoir eu de la difficulté à s’intégrer dans la communauté en raison de leur manque de connaissance de l’anglais. Ils veulent éviter à leurs enfants de vivre les mêmes difficultés, «ce qui n’est pas le cas du tout».
En avril 2022, la Fédération des communautés francophones et acadienne a demandé aux gouvernements d’augmenter les cibles d’immigration francophone à 12 % dès 2024 et 20 % en 2036.
Des données plus difficiles à comparer
Nous avons utilisé les données sur la langue maternelle dans notre tableau, car cette donnée est en peu plus fiable pour comparer les résultats de 2016 et 2021.
Statistique Canada a modifié l’ordre de ses questions sur la langue la plus parlée à la maison afin de diminuer le fardeau de réponse de ceux qui en ont une seule, ce qui représente plus de 70 % de la population.
« Ça entraine une difficulté à comparer dans le temps pour la partie des autres parlées régulièrement », affirme l’analyste Émilie Lavoie. Ce qui peut inclure le français.
En comparant les chiffres pour la «langue maternelle» et «la langue parlée à la maison», on constate tout de même une diminution équivalente et tout aussi alarmante dans la région.
La COVID-19 a peut-être également eu un impact sur l’immigration, aussi bien francophone qu’anglophone. Le recensement a été mené pendant que le système fonctionnait au ralenti et que moins de nouveaux arrivants faisaient leur entrée au Canada.
« Le portrait a été pris à un moment où il y avait moins d’immigration. Donc il va probablement sous-estimer le nombre d’immigrants avec des langues autres que l’anglais et le français », estime Thomas Mercier.
Langues autochtones
Le recensement a permis de constater que 183 000 personnes parlent une langue autochtone à la maison au moins régulièrement. De plus, 243 000 personnes se disent capables de soutenir une conversation dans une langue autochtone. Un reflet de la reprise de l’enseignement de ces langues, selon Statistique Canada.
Il y a plus de 70 langues autochtones au pays; les langues ojibwées sont les plus courantes en Ontario.
Évolution de l’utilisation du Français comme première langue officielle parlée
Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Un groupe d’anciens professeurs de l’Université qui font partie des créanciers affectés — nom que donne l’établissement aux créanciers qui ne récupèreront pas tout leur argent et qui auront le droit de vote le 14 septembre — recommande de rejeter le plan de remboursement proposé.
Les signataires refusent de reculer devant la menace que l’Université fermera ses portes si la proposition est rejetée. Dans une lettre envoyée aux autres professeurs et aux médias, ils rappellent que la plupart des restructurations d’entreprises menées sous la protection de la Loi sur les arrangements des créanciers des compagnies (LACC) nécessitent plus d’une proposition — parfois jusqu’à quatre.
Le cas de la Laurentienne reste unique, puisqu’il ne s’agit pas d’une entreprise, mais d’une université financée en bonne partie par des fonds publics. « On est convaincu que c’est possible qu’il y ait un autre vote, mais ce n’est pas garanti », concède l’un des signataires de la lettre, Thierry Bissonnette.
Le juge qui supervise le processus à autant le pouvoir de demander un nouveau plan que de dire « c’est fini le party », dit-il.
L’ancien professeur croit tout de même qu’un rejet pourrait être perçu comme une incitation à être plus imaginatif et pousserait le gouvernement de l’Ontario a prendre ses responsabilités. « Ce que l’on croit, c’est que la province ne s’est pas avancée aussi loin pour sauver son investissement à long terme pour la laisser disparaitre. Ce sont des menaces. C’est une façon de négocier. »
Le président du Syndicat des employés de l’Université Laurentienne (SEUL), Tom Fenske, croit aussi que le gouvernement a besoin de regarder en face les problèmes qu’il a lui-même causés dans le secteur postsecondaire. « Il y a des canaries qui se meurent un peu partout. Après le sous-financement et les décisions du gouvernement provincial… ils doivent se réveiller. Je suis sûr que si on appelle les hôpitaux, ils nous diront la même chose. Les gens qui restent se noient dans leur travail. »
Peu d’autres avenues
Du côté des syndicats de l’Université Laurentienne, les 53,5 millions $ avancés par le gouvernement de l’Ontario pour l’achat d’édifices sont la seule lueur d’espoir. « L’argent que le gouvernement investira ira en totalité aux créanciers », explique le président de l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL), Fabrice Colin. Malgré cela, retrouver entre 14 et 24 % des sommes qui leur sont dues reste une pilule difficile à avaler.
L’APPUL n’est pas encore prête à recommander à ses membres de voter «oui» et tente d’obtenir deux clarifications pour le faire. Ils veulent la garantie d’être davantage consultés pour la mise en place des recommandations du NOUS Group en matière de gouvernance et un rétablissement des effectifs d’enseignement.
Il faut savoir que des employés et des professeurs ont quitté la Laurentienne de leur propre chef depuis les licenciements de masse d’avril 2021. Des employés mis à pied ont été rappelés pour les remplacés, mais aucun professeur, selon M. Colin.
Celui-ci comprend la frustration de ses anciens collègues. Si l’Université avait utilisé les clauses de l’entente collective, chacun aurait eu droit à un plein remboursement, rappelle-t-il.
Le SEUL tiendra une séance d’information pour ses membres à la mi-aout. Ils présenteront les conséquences des deux issues du vote. « Je crois qu’il y a beaucoup de risques à voter non. Collectivement, ça pourrait causer de plus gros problèmes que de voter oui. Mais nous allons laisser nos membres décider », indique Tom Fenske.
Ce syndicat a obtenu un gain important : la permission de poursuivre en justice des dirigeants une fois la protection de la LACC terminée. Ils comptent surtout poursuivre les administrateurs et directeurs responsables des pertes d’argent du plan d’assurance maladie des retraités. « Ils devaient garder cet argent en fiducie et ils ne l’ont pas fait », soutient M. Fenske. « Ces personnes doivent être tenues responsables de ce qu’elles ont fait. »
Le président a peu d’espoir qu’un rejet du plan entrainerait la conception d’un deuxième plan. « Dans le secteur privé, il y a habituellement une entreprise qui attend de reprendre le contrôle. Mais il n’y en a pas ici. Le gouvernement ne nous donne pas d’argent, nous leur vendons des propriétés. Pour avoir plus d’argent, il faudrait en vendre plus. Et il faudrait qu’ils nous en donnent beaucoup plus. »
Fenske n’est cependant pas un créancier, alors il se demande quelle serait sa réponse s’il était de l’autre côté de l’équation. « Si j’étais un retraité par exemple, le fait que je serais sur le point de perdre 25 % de ma pension, c’est un gros risque. »
Les ignorés
Le groupe d’anciens professeurs dénonce le manque d’empathie du plan en ce qui concerne les francophones et les anciennes universités fédérées.
Le document d’information envoyé aux créanciers qui auront droit de vote identifie la possibilité du transfert ou de fermeture de programmes francophones comme un risque à la réalisation du plan, même une fois accepté. « Cette clause contre les aspirations franco-ontariennes doit être supprimée. Il est évident que la Laurentienne ne reconnait toujours pas les préjugés et les méfaits de ses coupures de programmes et de ses suppressions de postes dans le cadre de la LACC », affirment-ils dans leur lettre.
Ce n’est pas le seul facteur de risque soulevé. Un montant plus bas pour l’achat d’édifices par le gouvernement — le plan de l’Université indique un minimum de 45 millions $ pour fonctionner —, une diminution des inscriptions, les actions de l’École de médecine du Nord de l’Ontario ou la perte d’autres sources de revenus pourraient compromettre les montants remis aux créanciers.
De plus, les remboursements pourraient s’étendre sur quatre ans. « Il n’y a rien qui me garantit que dans quatre ans, ils ne referont pas la même affaire », lance Thierry Bissonnette.
Il y aurait également peu de choses dans la réingénierie proposée par le NOUS Group pour ramener la collégialité des relations au sein de l’Université, croient les signataires.
Julien Cayouette – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Dans une étude menée par Orale Research pour le compte du SCFP, 60 % des répondants du Nord de l’Ontario ont rapporté avoir été victimes de violence physique commise par des patients; 65 % ont constaté une augmentation des incidents violents pendant la pandémie.
Photos : Initiative de journalisme locale
Le Nord de l’Ontario a vu la plus grande augmentation d’actes violents avec des armes; 28 % alors que c’est 18 % ailleurs en province. Dans l’Est, la discrimination a connu la plus forte augmentation en raison de la race qui a le plus augmenté. «Plus souvent, c’est avec des couteaux. Mais il y eu des incidents avec des fusils», rapporte la vice-présidente francophone du SCFP, Mélanie Viau, qui travaille aussi à l’Hôpital Montfort.
Photo : Julien Cayouette
Les constats ne se limitent pas à la violence physique. Cinquante-quatre pour cent des répondants disent être victimes de violence verbale — comme des insultes ou de l’intimidation — au moins une fois par semaine ou quotidiennement. Des situations de harcèlement sexuel se produisent à la même fréquence pour 26 % des répondants et les agressions sexuelles de nature physique pour 13 % d’entre eux.
Les travailleurs racisés sont aussi affectés autrement. Cinquante-neuf pour cent disent subir du harcèlement ou de l’abus en lien avec leur ethnicité au moins une fois par semaine ou quotidiennement.
Le sondage a été mené du 17 au 24 mai auprès de 239 infirmières et infirmiers auxiliaires autorités.es, préposés aux services de soutien à la personne de préposés au nettoyage et du personnel administratif du Nord de l’Ontario. De ceux-ci, 91 % sont des femmes. À la grandeur de l’Ontario, 2300 personnes y ont participé.
Il s’agit de la première étude sur le sujet dans les rangs du SCFP, alors il n’y a pas de point de comparaison, mais les représentants du syndicat affirment qu’ils discutent de la situation avec le gouvernement depuis une dizaine d’années.
Jamais de bonnes raisons, mais il y en a une
Le SCFP comprend le niveau de frustration des patients. Avec la pénurie de personnel et de lits dans les hôpitaux, le temps pour recevoir des soins est plus long. Leur patience et leur empathie sont mises à rude épreuve, mais le personnel ne peut pas en faire davantage. Ces actes restent inacceptables.
La solution passe donc par un meilleur financement du système de santé selon le syndicat. « Nous avons des équipes squelettiques et le personnel travaille parfois seul dans des conditions où ils sont très vulnérables aux attaques », affirme la représentante du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (CSHO) au sein du SCFP, Sharon Richer.
Photo : Julien Cayouette
« Qu’on l’accepte ou non, la société canadienne a un niveau de tolérance élevé face à la violence contre les femmes et contre le niveau malsain de racisme qui s’infiltre dans les établissements de soins de santé », ajoute Sharon Richer.
S’ajoutent à cette impatience les personnes intoxiquées.
Horizon Santé Nord a récemment annoncé qu’ils allaient embaucher plus de gardiens de sécurité. Une décision félicitée par SCFP.
La culture doit changer
Le système de santé de l’Ontario est en mauvais état et ce sondage démontre que la santé mentale de ses travailleurs est à risque. Soixante-quatorze pour cent des répondants affirment être anxieux ou extrêmement anxieux face à leurs conditions de travail.
« L’impact sur la santé mentale que dévoile le sondage est une bonne explication du nombre de travailleurs qui quittent le milieu de la santé de l’Ontario », indique Mélanie Viau. « Nous sommes ici pour demander que les directions des hôpitaux, le premier ministre et le ministre de la Santé cessent d’ignorer le problème et protègent nos travailleuses. »
« Les administrateurs ne priorisent pas la sécurité du personnel », souligne Sharon Richer. Ceux qui tentent de rapporter des abus se font parfois demander : « qu’est-ce que tu as fait pour le provoquer », au lieu d’être traité comme des victimes. Pour cette raison, ils appuient le projet de loi présenté deux fois par la députée de Nickel Belt, France Gélinas, qui vise à protéger les lanceurs d’alertes.
Les assauts physiques peuvent parfois mener à des blessures graves qui empêchent les gens de travailler. Mme Richer rapporte que, malgré les preuves et les témoins, les hôpitaux contestent trop souvent les demandes faites par les travailleurs auprès de WSIB. Une autre situation qui doit changer.
« Nos droits en tant que citoyens ne s’arrêtent pas quand on entre dans l’hôpital », illustre le président régional du CSHO, Dave Tremblay. Il croit qu’il recevrait plus d’aide de la police et des autorités s’il était attaqué dans la rue. « On blâme parfois la personne qui a été attaquée. »
Extendicare construira un nouveau foyer de soins de longue durée à Kapuskasing à partir de l’été 2023. Il offrira plus du double de lits, passant de 60 à 128, et propose de réserver 32 de ceux-ci pour des résidents et résidentes francophones. L’emplacement du nouveau centre n’a pas encore été déterminé.
Le cout exact et l’investissement total restent aussi indéterminés. Le ministre des Soins de longue durée de l’Ontario, Paul Calandra, précise qu’il s’agit d’une promesse d’investissement. Le financement de la province fonctionne par nombre de lits et d’autres variables, et le projet n’est pas suffisamment avancé à l’heure actuelle pour en connaitre le cout.
En conférence de presse le jeudi 24 mars, le ministre précise tout de même que le projet fait partie du 6,4 milliards $ promis par le gouvernement de l’Ontario pour améliorer 28 000 lits de soins de longue durée en province et en ajouter 30 000 nouveaux d’ici 2028.
Le président et directeur d’Extendicare, Dr Michael Guerriere, précise aussi qu’ils ont l’intention de doubler l’espace par résident dans le nouveau centre. Ce projet est en préparation depuis des années. « La pandémie a certainement démontré les difficultés des plus petits et plus vieux foyers. Ça a démontré l’urgence d’agir », dit-il.
Rappelons que le foyer a fait face à une grave éclosion de COVID-19 en février 2021.
Davantage de places signifie un besoin de plus de personnel, et des places garanties avec services en français demandent aussi du personnel bilingue, une ressource déjà rare. La ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, était également présente pour annoncer un investissement de 300 000 $ supplémentaires « pour aider à rendre les services et programmes de soins de longue durée plus accessibles aux résidents francophones ». Le financement permettra de créer des séances de formation et de la documentation en français pour offrir ces programmes et services.
Pour le foyer de Kapuskasing plus précisément, Dr Guerriere s’attend à ce qu’ils puissent aussi entrainer leurs propres employés à travers la formation continue au fil du temps.
Le ministre Calandra concède que cet ajout de lits ne sera pas suffisant pour répondre à tous les besoins de la région, mais considère que c’est un pas dans la bonne direction qui aurait dû être fait il y a 10 ans.
Pour repenser l’enseignement en français au Canada, la professeure agrégée en orthophonie à l’Université Laurentienne, Chantal Mayer-Crittenden, suggère d’utiliser le translangage. Cette technique d’enseignement permet à l’élève d’utiliser les connaissances de sa langue principale parlée pour sa réflexion avant de produire son travail en français. Une façon de faire qui n’est pas sans risques.
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Julien Cayouette
IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Pour repenser l’enseignement en français au Canada, la professeure agrégée en orthophonie à l’Université Laurentienne, Chantal Mayer-Crittenden, suggère d’utiliser le translangage. Cette technique d’enseignement permet à l’élève d’utiliser les connaissances de sa langue principale parlée pour sa réflexion avant de produire son travail en français. Une façon de faire qui n’est pas sans risques.
La notion de risque est d’ailleurs au cœur de l’article publié par Mme Mayer-Crittenden dans la revue The Conversation : Malgré les risques, il faut encourager l’usage de l’anglais et d’autres langues dans les écoles francophones au Canada. Elle utilise aussi le terme « dernier recours » dans son article.
« Le translangage pédagogique permet aux élèves d’utiliser toutes leurs langues afin de faciliter leurs apprentissages. Par exemple, l’élève pourrait explorer, dans sa langue dominante (l’anglais), un nouveau concept enseigné en français, de manière à assurer une compréhension approfondie de la matière. Par la suite, il passerait à la rédaction de ses idées dans la langue cible (le français) », explique-t-elle dans le texte.
En entrevue avec Le Voyageur, Mme Mayer-Crittenden prévient qu’il ne faut pas appliquer le translangage n’importe comment. Il y une technique à développer pour que ce soit bien enseigné et bien appliqué par les élèves. « Si on permet n’importe quoi, de parler dans n’importe quelle langue, c’est sûr que l’anglais va l’emporter. »
« Il ne s’agit pas nécessairement de permettre l’anglais ou d’enseigner en anglais pour ensuite tisser des liens en français. C’est comment bâtir sur les connaissances qu’ont déjà les enfants », poursuit-elle. Ça peut être l’anglais, mais pour les immigrants, ça peut être leur langue.
« Les élèves peuvent avoir de bonnes idées dans leur langue dominante, la langue dans laquelle ils pensent, mais avoir de la difficulté à les exprimer. Le résultat que ça donne, c’est peut-être une idée pas très développée, comme s’ils n’ont pas bien suivi les consignes », explique la professeure.
Elle avance que si une première version du travail est faite dans la langue dominante, il y aura des gains langagiers dans la production de la version finale en français.
« Lorsqu’on demande à un élève de laisser une de ses langues ou cultures à la porte d’entrée, on lui demande de laisser une partie de son identité derrière lui », fait-elle valoir dans l’article.
Les bases de la réflexion
Chantal Mayer-Crittenden observe le domaine du translangage depuis environ 5 ans. Elle croit qu’il y a aujourd’hui assez de recherches qui ont été faites pour en suggérer l’utilisation. Des recherches surtout faites au Pays basque espagnol, où la langue basque est beaucoup plus à risque. « On a une situation semblable à la nôtre où ça a fonctionné. »
L’anglais est depuis longtemps omniprésent dans les écoles de langue française, mais il l’est de plus en plus en partie en raison de la présence des enfants des parents ayant-droits; c’est-à-dire des parents qui peuvent envoyer leurs enfants dans les écoles de langue française parce qu’ils les ont fréquentés, et ce, peu importe la langue d’usage à la maison.
La professeure a écouté les classes de ses enfants pendant la pandémie. Elle a observé que les élèves franco-canadiens utilisent déjà le translangage, mais sans outils et sans un bon cadre. « Lorsque les élèves étaient dans des salles de conférence, qu’ils devaient faire des travaux de groupe, il y avait tellement de translangage. Ils se parlaient dans les deux langues et développaient leurs idées, mais le produit final était en français. »
Risques non négligeables
« Je pense que le plus gros inconvénient est le manque de compréhension », avance Chantal Mayer-Crittenden. Elle fait entre autres référence au Guide d’initiation aux approches plurilingues envoyé aux conseils scolaires par le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques (CFORP), à sa connaissance sans autres formes d’accompagnement. Elle n’est pas convaincue que le document de 100 pages a été lu au complet ou bien compris par tout le monde.
La professeure spécialisée en éducation à l’Université Laurentienne, Louise Bourgeois, est plus réfractaire au translangage et soulève plusieurs autres dangers. Elle rappelle d’entrée de jeu que le rôle des écoles de langue française est d’enseigner « en français », contrairement aux écoles d’immersion qui enseignent « le français ».
La professeure spécialisée en éducation à l’Université Laurentienne, Louise Bourgeois
Photo : Courtoisie
« Leur mandat est également de protéger, de valoriser et de transmettre la langue française et la culture francophone », ajoute-t-elle.
Elle s’inquiète que la technique, qui permettrait de faire la recherche et les réflexions en anglais, ne renforce avant tout l’acquisition de cette langue première.
Mme Bourgeois n’est pas non plus convaincue que le transfert des connaissances vers le français sera réussi. Même avec des instructions et une méthode en place, le recours aux outils de traduction est une voie trop facile.
« Les élèves le font déjà. Une enseignante m’a raconté avoir reçu un texte de 7e année intitulé Mon voyage en porcelaine. C’était finalement un texte qu’elle avait écrit en anglais, My trip to China, elle avait utilisé un logiciel de traduction et n’a jamais écrit un traite mot en français. »
Chantal Mayer-Crittenden avance plutôt que les logiciels de traductions peuvent faire partie des outils; il faut simplement montrer aux élèves à s’en servir intelligemment et corriger ce qu’ils donnent comme réponse.
« Pour maitriser une langue, il faut que tu la parles souvent, que tu l’écrives tout le temps. » Et comme beaucoup d’élèves parlent en anglais à la maison, les cinq heures d’école sont souvent la seule occasion qu’ils ont de la pratiquer.
Même avec des directives et une méthode en place, Mme Bourgeois s’inquiète des risques de dérapage. « Une fois que c’est dans les salles de classe, on ne le contrôle plus. »
Déjà imparfait
Louise Bourgeois ne nie pas que le système actuel n’est pas parfait, qu’il fonctionne plus ou moins. L’attirance pour l’anglais est omniprésente. Mais elle ne croit pas que le translangage soit la solution.
On sait par exemple que la forte proportion d’élèves qui ne parlent pas le français couramment « a un effet retardateur sur les élèves qui le parlent couramment », dit-elle. Elle entend aussi des élèves de 12e année dire qu’ils ne se sentent pas préparés pour poursuivre leurs études postsecondaires en français.
« C’est cahoteux, mais ça va de soi qu’enseigner une langue en milieu minoritaire, ça a beaucoup d’obstacles. Moi, mon inquiétude, c’est d’ouvrir la porte à cette idée d’utiliser la langue anglaise. Si on dit en science que tu peux aller explorer en anglais un concept, la langue d’enseignement, ce n’est plus le français. »
Ce qui aide le plus les élèves, dit Mme Bourgeois, c’est de parler en français à la maison. Mais c’est aussi l’endroit où il est plus difficile, voire impossible, d’intervenir.
Sans renier les risques, Mme Mayer-Crittenden rappelle que le français est une langue internationale moins à risque de disparaitre et qui restera une valeur ajoutée à ceux qui seront capables de la parler.
Photo principale : La professeure associée en orthophonie à l’Université Laurentienne, Chantal Mayer-Crittenden – Photo : Courtoisie