Le Parti libéral de l’Ontario aurait ignoré des candidatures de personnes issues de communautés sous-représentées pour favoriser une candidate choisie à l’avance afin de représenter la circonscription de l’ancienne première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, lors des prochaines élections provinciales.
Des personnes qui souhaitaient se présenter à la course à l’investiture libérale dans la circonscription de Don Valley West ont eu toute une surprise quand le Parti libéral de l’Ontario (PLO) leur a annoncé qu’une personne avait déjà été sélectionnée pour ce poste.
Des sources du Droit qui ont des liens étroits avec le parti affirment que les responsables du comité de sélection auraient fait savoir à ces candidats que la personne choisie, une banquière du nom de Stephanie Bowman, était la seule qui avait envoyé sa candidature à temps.
« On a de la documentation pour prouver qu’il y a des candidats qui ont présenté leur candidature en bonne et due forme, mais le parti veut nous faire croire qu’ils n’ont reçu aucun dossier », déplore notre première source, membre de l’Association du Parti libéral de l’Ontario.
Personne racisée, non-binaire et francophone, Haman Mamdouhi était parmi ceux qui espéraient pouvoir remplacer Kathleen Wynne dans Don Valley West.
Le PLO lui a fait savoir, la semaine dernière, que sa candidature n’avait pas été retenue puisque Stephanie Bowman était la seule qui avait un dossier complet, a-t-il fait savoir au Droit.
« Ce n’était pas du tout vrai », insiste Haman Mandouhi, ajoutant qu’on lui avait même confirmé que son dossier était bel et bien conforme aux règles du parti.
La circonscription réservée aux femmes ?
Une deuxième source du Droit, qui lui œuvre au sein du PLO, affirme que cette circonscription, où a siégé Kathleen Wynne pendant 18 ans, serait « réservée aux femmes ».
« Ce que j’entends, c’est qu’une personne en particulier voulait se présenter, et qu’il était très populaire dans la région, mais que ce n’était pas envisageable puisque c’est un homme, et qu’il fallait absolument une femme dans cette circonscription. Et on sait qu’il y avait déjà une candidate préférée par le parti. »
Notre première source soutient pour sa part qu’il n’était pas au courant d’une telle exigence, mais remarque que la candidate sélectionnée, Stephanie Bowman, qui a démissionné de son poste de membre du Conseil d’administration de la Banque du Canada en août 2021, « vient d’un milieu de pouvoir ».
Il parle de discrimination, et constate que certains des candidats qui étaient intéressés à l’investiture sont des personnes racisées, des francophones et des membres de la communauté 2SLGBTQ+. « Où est la démocratie? Je ne peux pas croire que dans la circonscription, il n’y a pas de femmes fortes racisées qui peuvent représenter les voix de la communauté. »
Rappelons qu’en 2013, Kathleen Wynne est devenue la personne homosexuelle à accéder au poste de premier ministre de l’Ontario.
Le processus douteux de sélection des candidats, qui serait également utilisé par les autres partis politiques, a mis plusieurs personnes au sein du PLO « en tabarn*k », selon notre deuxième source.
« Je ne pense pas que c’est une bonne façon de procéder si on veut donner plus de représentation aux femmes et aux personnes racisées. Il y a de meilleures façons de faire. (…) Je pense qu’il y a des processus comme celui-là qui sont là pour des raisons, mais on ne doit pas abuser de ces processus, et surtout quand on commence à refuser de donner une voix aux gens qui ont historiquement besoin de faire entendre leur voix. »
À ses dires, ce ne sera très certainement pas la dernière fois que l’on entendra parler de telles tactiques lors de la sélection des candidats. « J’entends des grondements selon lesquels d’autres nominations vont se faire ainsi. »
Haman Mandouhi espère que le parti pourra changer cette façon de faire, qu’il juge « discriminatoire », afin que les personnes issues de communautés sous-représentées puissent faire confiance à la démocratie et participer à la vie politique.
Le PLO a refusé de répondre aux questions du Droit, mardi soir, arguant que le chef libéral Steven Del Duca serait disponible en conférence de presse, mercredi matin.
Un sentiment de déjà vu
Ce n’est pas la première fois que le Parti libéral de l’Ontario favorise une personne en particulier au détriment d’autres candidats potentiels. La branche locale de l’Association libérale dans Glengarry-Prescott-Russell avait dû se rencontrer d’urgence, en janvier 2020, après que le parti ait annoncé, sans avertir qui que ce soit, que ce serait l’ex conservatrice devenue indépendante Amanda Simard qui prendrait les rênes de cette circonscription pour le PLO.
Quelques jours plus tard, celui qui était maire de Clarence-Rockland, Guy Desjardins, décédé en juillet 2021, avait admis au Droit être intéressé par l’investiture libérale au provincial, déplorant que les actions du parti lui avaient coupé l’herbe sous le pied.
Celui-ci croyait qu’il aurait encore beaucoup de temps avant de prendre sa décision et de déposer sa candidature, et il avait affirmé que tout dépendrait de son état de santé.
L’ex-député libéral provincial de Glengarry-Prescott-Russell, Jean-Marc Lalonde, alors engagé au sein de l’association locale, avait fait part de sa déception. « Je peux te dire que l’association locale est très, très déçue. On ne peut pas dire que Mme Simard n’est pas une bonne candidate, mais les procédures n’ont pas été suivies. »