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Francyn Leblanc habite Casselman depuis plus de 50 ans. À son souvenir, le maire du village a toujours été francophone. Pour la première fois, la mairesse parle presque uniquement en anglais dans les réunions du conseil.

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Charles Fontaine – IJL – Réseau.Presse Le Droit

Le village de Casselman est un bastion francophone dans l’Est ontarien. Même si le taux de francophones a baissé de 80 % à 73 % de 2016 à 2021, le nombre de francophones a tout de même augmenté.

« Casselman est un des villages gaulois de l’Est ontarien, définit avec enthousiasme l’animateur culturel et résident de Casselman, Félix Saint-Denis. Il y a une immense fierté franco-ontarienne ici. »

La nouvelle mairesse, Geneviève Lajoie, élue en octobre dernier, s’exprime à peine en français lors des réunions du conseil. Mise à part quelques mots ici et là en français, elle mène les conversations en anglais.

Lorsqu’elle a été élue, elle s’est donné un an pour apprendre la langue.

« Il faut que j’apprenne le français pour mieux servir les personnes. Ça sera ma priorité », disait-elle au Droit lors des dernières élections municipales.

Après sept mois à la gouverne, ses collègues francophones voient qu’elle fait des efforts pour améliorer son français, ce qui les soulage.

« Je pense qu’elle a la volonté de s’améliorer, je l’ai même félicité lors de la dernière réunion, souligne Francyn Leblanc, conseillère à Casselman depuis 2006. Ça me dérangerait si elle parlait seulement en anglais, mais je vois qu’elle fait un effort. J’espère qu’elle va parler plus en français dans le futur. »

Le conseiller Paul Groulx est né et a grandi à Casselman, comme il le dit si fièrement. Il souhaite également que le français de la mairesse s’améliore.

« Elle nous parle en français, mais c’est très limité, dit celui qui en est à son deuxième mandat comme conseiller. Depuis le début, elle nous a toujours dit qu’après un an, elle allait apprendre le français. C’est son devoir de mettre les bouchés doubles. »

L’enseignant dans une école secondaire observe un certain déclin du français dans son village.

« La francophonie est très importante à Casselman. Il faut se prendre en main. Je vois dans mes classes qu’il y a une certaine baisse. Il faut garder les autres langues, tout en priorisant le français. »

« On favorise le bilinguisme, mais je vais toujours prioriser le français à la table du conseil », ajoute Mme Leblanc.

Suzanne Charette est une citoyenne qui assiste à toutes les réunions du conseil. Comme les autres, elle observe la volonté de la mairesse.

« Au début, je n’étais pas satisfaite, mais elle a parlé plus en français dans les dernières réunions, remarque-t-elle. On voit un gros changement et j’espère que ça va s’améliorer. Quand l’effort est là, ça vaut pour beaucoup. »

Ne pas oublier les anglophones

Geneviève Lajoie assure qu’elle poursuit ses cours de français en ligne et que la francophonie est un élément important de Casselman.

« Le français ne va pas partir de Casselman », soutient-elle.

À ses yeux, la manière dont elle communique en ce moment – presque uniquement en anglais – ne pose cependant aucun problème.

« Je ne trouve pas qu’il y a un problème avec ma langue à Casselman, je n’ai pas reçu de plaintes. Les gens me comprennent et c’est la communication qui importe. C’est important de se rappeler qu’il y a des anglophones aussi ici. »

La langue française serait un atout et non un prérequis officiel chez un maire, selon l’Association canadienne-française de l’Ontario de Prescott et Russell (ACFO PR).

« Ça n’enlève en rien à ses capacités à gouverner la ville, tranche le directeur général Jacques Héroux. On encourage les élus publics à apprendre les deux langues, mais le maire pourrait très bien être unilingue anglophone. »

Immigration en hausse

Le nombre d’immigrants a presque triplé de 2016 à 2021 à Casselman. Cette hausse engendre du même coup un plus grand nombre de personnes ne parlant pas le français.

« Ça reflète un peu les changements dans la démographie, relate M. Héroux en parlant de la mairesse Lajoie. On est tellement bon pour accueillir des immigrants qu’on ne peut pas s’attendre que ça soit juste des francophones qui votent. »

Pour Félix St-Denis, l’immigration enrichit sa ville. « Mes voisins sont brésiliens et habitent au Canada depuis quatre ans. Ils parlent portugais, anglais et le père parle français. Ils ont choisi Casselman pour avoir un esprit de communauté dans un village francophone. Ils ont fait un effort d’apprendre le français par amour d’émanciper leurs enfants. Ça maintient une vitalité du français dans le village. »

Le directeur artistique du spectacle l’Écho d’un peuple est un peu déçu que la mairesse s’exprime rarement en français et l’invite à tenter d’éviter l’anglais le plus possible.

« Qu’elle ne se gêne pas ! L’importance du geste sera reconnue, et je parle plus qu’un « bonjour » et un « merci ». C’est une marque d’appréciation minimale dans un village qui a une histoire francophone importante. Je l’invite avec cœur à rejoindre la grande famille francophone. »

Photos

La nouvelle mairesse, Geneviève Lajoie, élue en octobre dernier, s’exprime à peine en français lors des réunions du conseil. Mise à part quelques mots ici et là en français, elle mène les conversations en anglais. (Ani-Rose Deschatelets/Archives Le Droit)

La langue française serait un atout et non un prérequis officiel chez un maire, selon l’Association canadienne-française de l’Ontario de Prescott et Russell. (Archives, Le Droit/Archives, Le Droit)