Cornwall, ville touche à tout

La cohabitation pacifique entre francophones et anglophones explique en grande partie le caractère hospitalier de Cornwall.

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Charles Fontaine – IJL – Réseau.Presse Le Droit

 Le territoire de Cornwall touche un peu à tout. L’île de Cornwall, sur le fleuve Saint-Laurent, a une partie en Ontario et une autre au Québec. Le territoire riverain, sur le bord du fleuve Saint-Laurent, appartient conjointement à Cornwall et à la communauté mohawk d’Akwesasne aux États-Unis depuis 2016. Selon le gouvernement fédéral, c’est un des seuls endroits qui appartient autant à une municipalité qu’à une Première Nation.

De fait, même si la grande majorité de la population est blanche, la communauté est habituée à cohabiter avec les Premières Nations.

Lusine des francos

L’historien et auteur Bernard Chevrier se rapporte à l’époque de la Nouvelle-France, au temps des grandes explorations au-delà du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs pour expliquer la caractéristique accueillante de la ville.

Sous l’Ancien Régime, plusieurs familles françaises étaient déjà installées dans la région. Après la conquête des Britanniques, la majorité des familles se sont anglicisées. À l’ouverture du canal maritime, un grand nombre de francophones du Québec s’installent entre 1871 et 1891. Les francophones représentent à ce moment plus du tiers de la population. Leurs travailleurs francophones sont concentrés à l’usine de coton sur le bord du fleuve.

La population francophone persévère et revendique sa volonté de vivre en français. Il y a « un esprit de coexistence pacifique avec les autres groupes ethniques, les Écossais, les Anglo-Saxons et les Irlandais. Ensemble, ils forment le tissu social et ils acquièrent la réputation de ville accueillante par excellence. Plus tard, d’autres ethnies viendront se greffer à ce tissu social originel », mentionne le résident de Cornwall.

Même si la création des écoles et des conseils scolaires francophones s’est déroulée sous tension, l’accueil réciproque demeure.

 Maire juif et vêtement

L’élection de personnes en minorité à Cornwall remonte au début du 20e siècle, quand le juif Aaron Horowitz est élu maire. En 18 ans à ce poste, il est celui qui a occupé cette fonction le plus longtemps de l’histoire de la ville.

D’origine romaine, lui et son frère arrivent à Cornwall en 1910 et établissent une manufacture de vêtements dans l’est de la ville. Au temps de la Grande Dépression, plus de 300 employés y travaillent. Le succès perdure même longtemps après la Deuxième Guerre mondiale, rapporte Bernard Chevrier.

Durant son mandat comme maire, « il encourage la construction d’un plus grand nombre de logements, la création de lois en mesure d’assurer une plus grande protection de la population ainsi qu’une diminution de la délinquance juvénile par la formation scolaire et technique. »

L’héritage de Bob Turner

Dans les années 1950, Bob Turner obtient le poste de directeur récréatif de Cornwall. C’est le premier noir de la province, peut-être même du pays, à occuper ce poste. Il a souvent été victime de commentaires racistes, mais il a grandement marqué cette ville, soutient le conseiller Claude McIntosh.

« Il a connu des moments difficiles à Cornwall, rappelle M. McIntosh. À un moment, il a presque été forcé de quitter la ville. Il recevait des appels dans la nuit de gens qui lui disaient de s’en aller. Une nuit, quelqu’un a essayé de rouler sur lui en voiture. À un moment, il était prêt à partir, mais le maire de l’époque, Archie Lavigne, l’a forcé à rester à Cornwall. Il a alors réalisé que c’était seulement un petit groupe qui ne l’aimait pas et non la majorité des gens. »

Le conseiller qui vivait à Cornwall au moment où Bob Turner était en poste désire depuis plusieurs années l’honorer d’une quelconque manière.

« Nos programmes récréatifs n’étaient pas bons à l’époque et il les a réformés, affirme-t-il. Il a fait beaucoup de bonnes choses pour les sports. »

Après sa mort soudaine en 1961, un aréna a été nommé en sa reconnaissance. En 2014, la bâtisse a été démolie, et depuis, rien dans la ville n’honore cet homme historique.

« Je pousse ça depuis plus de dix ans. Nous devons l’immortaliser, mais rien ne se concrétise. C’est frustrant. Les autres membres du conseil sont d’accord, mais personne n’a assez d’entrain pour poursuivre le projet. »

Actuellement, une vitrine à l’entrée du Centre Benson lui est dédiée et retrace son histoire.

Lors de l’étude du budget en février prochain, la Ville va étudier si de l’argent pourra être alloué à une statue ou à une autre forme d’immortalisation pour Bob Turner.

 Photos

Vitrine en hommage à Bob Turner premier noir à être responsable des sports dans une ville au Canada. (Charles Fontaine, Le Droit)