Dans le temps comme dans le temps Vivre dans les années 50 : Le centre récréatif et la glace naturelle

Au milieu des années 50, le centre récréatif avait une patinoire et elle était faite avec de la glace naturelle. Tous les soirs, quelques jeunes allaient aider M. Stoltz à arroser la patinoire. Je ne sais pas encore comment il s’y prenait, mais il réussissait toujours à avoir une glace très lisse et sans bosse. Plus tard, j’ai essayé d’en faire de même, mais je n’ai jamais réussi.

La glace artificielle est faite sur un plancher de ciment avec une tuyauterie dans laquelle coule de l’eau, ce qui aide à geler la glace en très peu de temps. Puisqu’on peut augmenter la température de l’eau dans les tuyaux, on peut donc régler la température à l’intérieur de l’aréna. La glace naturelle, cependant, dépend beaucoup de la température dehors. L’aréna n’est pas chauffé parce que la glace fonderait. Lorsque la température dehors est très froide, la glace naturelle est très dure et elle peut avoir tendance à casser en petits morceaux lorsqu’on met les freins avec nos patins. Lorsque la température dehors est douce, la glace naturelle amollie et il est plus difficile de se pousser avec les patins. Sur la glace artificielle, il est facile d’arroser la patinoire avec une Zamboni ; ça prend une dizaine de minutes et on est prêt à recommencer la joute. Sur la glace naturelle cependant, même avec une Zamboni, s’il fait chaud dehors, l’eau prendra plus de temps à geler et on risque d’avoir de longues intermissions entre les périodes.

De toute façon, on n’avait pas de Zamboni dans les années 50 et M. Stoltz arrosait la patinoire le soir parce que l’eau ajoutée avait toute la nuit pour geler. Un autre problème avec la glace naturelle survient lorsqu’on patine dessus. Les lames des patins se trouvent à gratter continuellement la glace et ceci produit de la neige. Après un certain temps, on doit enlever cette neige pour patiner convenablement. Mon père s’était porté volontaire pour déchirer les billets à l’entrée du centre récréatif. De cette façon, nous, ses enfants, avions le droit d’entrer gratuitement au patin public qui était très populaire dans le temps. Après environ une heure de patinage, on sifflait et tout le monde devait quitter la patinoire. Un groupe de jeunes sautaient alors sur les grattes et tout en patinant autour de la patinoire, poussaient la neige vers le milieu. À un certain moment, ils séparaient la patinoire en deux pour ne pas qu’il y ait trop de neige à pousser. Lorsque la neige avait été mise en deux ou trois rangées, quatre ou cinq jeunes se plaçaient l’un à côté de l’autre pour gratter la rangée de neige jusqu’au fond de la patinoire ou deux portes s’ouvraient (elles faisaient partie des bandes autour de la patinoire) et ils envoyaient la neige dehors. Les Lumberkings donnaient des passes à un groupe de sept à huit jeunes pour gratter la glace et enlever la neige entre les périodes. Lors des parties des Lumberkings (nos héros, en passant), on n’avait pas nos patins comme durant le patin public. Il fallait tout faire avec nos bottes sur la glace et finir notre travail dans une quinzaine de minutes, la durée de l’intermission entre les périodes. Tu peux être sûr qu’on partait en courant et on n’arrêtait pas avant que toute la neige soit enlevée. Plusieurs joueurs de hockey se gelaient les pieds sur la glace naturelle en jouant au hockey. Les patins n’étaient pas aussi bien rembourrés que ceux d’aujourd’hui. J’ai souvent vu des joueurs, même chez les Lumberkings, qui revenaient en pieds de bas durant l’intermission, pour marcher sur la patinoire afin de se dégeler les pieds tranquillement. Comme bien d’autres de mes amis, mes premiers patins avaient été portés par mes deux grands frères et je vous assure que j’me sentais souvent comme si j’étais en pantoufles sur deux lames rouillées. Mes chevilles allaient de tous côtés parce qu’il n’y avait plus de soutien dans les patins et les lames glissaient souvent sur la glace parce qu’elles n’étaient pas affilées.

C’était surtout difficile de convaincre mes patins d’aller là où je voulais et j’ai souvent remercié le bon Dieu de m’avoir donné un hockey pour me tenir debout. Comme j’ai dit auparavant, l’aréna n’était pas chauffé. Au printemps, la glace était plutôt molle, mais le pire de tout c’était la neige sur le toit de l’aréna lorsqu’elle fondait. L’eau coulait alors le long des chevrons qui supportaient le toit et tombait sur la glace en faisant des lignes de bosses à tous les quatorze ou seize pouces. Cette eau gelait en très peu de temps et il était impossible de gratter les bosses durant les intermissions. Je me rappelle que les anciens Canadiens de Montréal sont venus jouer contre les Lumberkings avec Maurice Richard comme arbitre. Je vous assure que c’est avec les yeux grand ouverts comme des cinquante sous et un menton que j’ai dû ramasser par terre que j’ai vu mon héros, Maurice Richard, trébucher sur ces bosses de glace et tomber sur le dos.