Demain c’est maintenant… : la stratégie du bouc émissaire

Depuis longtemps, les personnes qui détiennent le pouvoir ont compris que pour maintenir ce pouvoir, il fallait s’assurer que les gens ne le remettent pas en question. Déjà, les Romains savaient que si l’on donnait à la population du pain et des jeux (panem et circenses en latin), elle serait facile à manipuler. Cette stratégie est encore utilisée dans la plupart des pays industrialisés. Regardez, par exemple, la place des sports professionnels dans nos vies, des médias sociaux, etc. Si nous avons assez à manger et que nous avons suffisamment de divertissements, nous serons d’heureux citoyens dociles.

Mais, de temps en temps, sentant la soupe chaude ou des opportunités d’accroitre son pouvoir, une autre méthode devient très utile : la stratégie du bouc émissaire. Une telle pratique a souvent été utilisée par des politiciens et l’univers corporatifs. Il s’agit simplement d’affirmer que tout ce qui va mal dans nos vies est la responsabilité de X, et X est généralement une personne qui a le moins de pouvoir dans notre société. Si, comme moi, vous écoutez les gens tenter d’expliquer pourquoi ça ne va pas bien dans notre monde, voici ce que vous risquez d’entendre :

● les jeunes ne veulent plus travailler ;

● les immigrants volent nos emplois et refusent notre mode de vie ;

● la communauté LGBTQ2+ attaque la santé mentale de nos enfants ;

● les gens sur l’aide sociale sont des paresseux. Et si ce n’est pas assez et bien en voilà deux autres :

● les femmes et les intellectuels (aux É.-U., ceci a déjà débuté).

En fait, historiquement, les immigrants sont toujours la cible facile. De même que les communautés LGBT. On n’a qu’à regarder ce qui se passe aux É.-U. : violence et menaces sont maintenant devenues la norme. Et, je ne veux pas dire ici que l’immigration, la façon dont on traite l’identité de genre, etc. ne sont pas des questions importantes, mais que, ici, la stratégie utilisée, c’est de s’assurer que les gens normaux s’attaquent à des cibles faciles plutôt qu’à ceux et celles qui détiennent le pouvoir réel qui, dans nos sociétés occidentales, sont le trio corporations – gouvernement – banques (je le nomme souvent le « triumvirat »). La plupart de tout ce que nous vivons découlent de décisions prises par ces trois joueurs qui travaillent main dans la main. Donc, si nous jugeons que nous sommes laissés pour compte dans ce monde, pourquoi ne pas poser des questions à ceux qui le dirigent ? Trop dangereux vous diront-ils. Plus facile de dire que ce sont les trans, les immigrants, les X…

Et pendant ce temps, les gens au pouvoir en profitent. Et les causes réelles à la fois des inégalités sociales et économiques continuent de demeurer et notre vie devient de plus en plus difficile… Il ne faut pas se laisser manipuler par la stratégie du bouc émissaire, car elle a tendance à faire ressortir ce qu’il y a de plus mauvais en nous… Elle nourrit le racisme et l’intolérance… Et va nous amener lentement (ou rapidement) à détruire le peu de cohésion sociale qu’il nous reste…

Marc Bédard, B.A.A, M.Sc.

Chroniqueur Le Nord

Professeur en administration des affaires et gestion à l’Université de Hearst