Un vent d’espoir pour le prix de l’épicerie

Depuis quelques années, les gens sont préoccupés par différentes situations qui se passent dans le marché agroalimentaire. Après les tablettes vides et l’insécurité alimentaire associée à l’accès à la nourriture, la hausse fulgurante des prix en épicerie et l’inflation touchant l’alimentation amènent un lot de questions chez les Canadiens qui s’inquiètent du prix des aliments au pays.

Sylvain Charlebois est professeur à l’Université Dalhousie d’Halifax, responsable du laboratoire en recherche agroalimentaire. Il remarque que les gens lui demandent de moins en moins si les prix retourneront à ce qu’ils étaient, réalisant que c’est irréaliste et déraisonnable de faire une telle demande. « C’est comme demander si les salaires vont revenir à ce qu’ils étaient il y a dix ans. L’inflation fait son œuvre, nous avons besoin de l’inflation pour une économie forte, le problème c’est que l’inflation est trop élevée en ce moment, malgré qu’elle diminue de plus en plus. »

Il est important, selon lui, de faire attention aux comparatifs qui sont parfois établis entre des produits n’ayant pas du tout la même valeur. Par exemple, lorsqu’interrogés, les gens croient que le prix des viandes a augmenté de 25 % à 75 % lorsqu’en réalité la hausse dans les dernières années est de 7 %.

« On présentait notre rapport sur les prix alimentaires il y a un mois, et puis on est assez confiant. Les prix vont se stabiliser d’ailleurs, le taux d’inflation alimentaire devrait diminuer autour de 2,5 %, ce qui est à peu près le prix souhaitable dans cette industrie. » Un élément qui se veut rassurant pour la population qui s’inquiète des hausses que la prochaine année leur réserve.

Le portait qui est dépeint de grandes entreprises d’alimentation qui s’enrichissent attise le mécontentement des clients qui, parfois, ne connaissaient pas bien le fonctionnement des chaines d’apprivoisement alimentaire et l’économie globale. « En réalité, les couts ont augmenté, et pour le commun des mortels c’est toujours difficile de comprendre ce qui s’est passé. Dans le fond, c’est un peu ça, le cadre financier des entreprises agroalimentaires a complètement changé depuis il y a environ 12 mois. »

Le professeur Charlebois explique que le transport peut avoir une incidence sur les prix, surtout en région. L’importance d’avoir une société écoénergique est plutôt la raison principale de la hausse des couts de transport.

Les facteurs qui sont soi-disant influenceurs de la hausse de certains aliments varient selon les situations ou les conflits dans certains pays. Pour le moment, ce qui inquiète, selon lui, c’est la situation au Moyen-Orient : « Si tout ça éclate éventuellement, le baril de pétrole pourrait être affecté et si le baril de pétrole est affecté et bien les denrées agroalimentaires aussi. »

Les feux de forêt peuvent avoir une incidence sur certaines cultures, mais ce qui préoccupe cet hiver c’est le manque de neige. Le manque d’accès à l’eau est une inquiétude palpable depuis plusieurs années dans l’Ouest canadien, mais qui s’intensifie de plus en plus, selon M. Charlebois. De nos jours, plusieurs produits communs et couramment achetés proviennent d’autres pays, mais leurs disponibilités ne sont pas menacées, d’après le professeur. « C’est certain que les importateurs recherchent les meilleures aubaines un peu partout dans le monde. Mais prenons l’exemple du Mexique et de ses cantaloups en décembre : ils peuvent être plus prudents avec ce pays. Toutefois, le malheur des uns faisant le bonheur des autres, il y a toujours une place pour acheter certains produits et je crois que c’est ce qui va se passer avec l’achat des cantaloups du Mexique. Pour ce qui est de la Californie, c’est certain qu’on se pose des questions sur l’avenir de la laitue, de la laitue romaine, etc. »

Le panier d’épicerie en 2023 a couté plus cher dans l’est du pays, incluant l’est de l’Ontario, le Québec et les Maritimes, tandis que dans l’Ouest, les prix se sont stabilisés depuis les 18 derniers mois.

Sylvain Charlebois était présent à la réunion entre les chefs d’entreprises agroalimentaires et le gouvernement ; il affirme que la rencontre a été productive. « Est ce que ça va contrôler les prix ? Moi je ne pense pas. Mais, au moins, il y avait un dialogue. On a discuté et ce n’est jamais mauvais de faire ça. Évidemment, l’avenir nous dira si Ottawa jouera un rôle dans la stabilisation des prix. Moi, je crois que les prix vont se stabiliser sans l’intervention d’Ottawa. »

La rencontre était très inhabituelle, selon lui, car demander aux grandes entreprises de discuter de prix va à l’encontre du principe de concurrence. Les chefs de ces entreprises restent en compétition l’un envers l’autre et ne forment pas d’alliance pour faire monter le prix des paniers d’épicerie. « Les gens pensent qu’il y a beaucoup de collusion, etc., mais ce n’est pas tout à fait ça. Ce sont des entreprises qui sont bien gérées qui comprennent bien leurs marges et le marché. C’est assez facile pour eux puisque les marges sont élevées au Canada, mais ce ne sont pas des amis. »

En conclusion, M. Charlebois croit que le pire est derrière nous et que les prix dans les marchés agroalimentaires se stabiliseront. Il pourrait même y avoir des guerres de prix.