CAH : voyager pour apprendre des autres et se comparer

La directrice générale et artistique du Conseil des Arts de Hearst (CAH), Valérie Picard, est allée en France pour connaitre les réalités artistiques dans ce pays. Travaillant depuis plus de 15 ans dans le domaine des arts, elle a reçu l’invitation de se joindre à Marcel Morin, directeur général de La Maison de la francophonie à Ottawa et Stéphane Gauthier, directeur général et artistique du Carrefour francophone de Sudbury. Grâce au programme de réseautage international, le trio s’est entre autres rendu au Festival Changez d’Air, à Lyon, en France.

Quand on se compare, on se console. C’est le constat que la Hearstéenne a fait au retour de ce voyage. Les invités ont été soulagés de constater que la qualité de leurs infrastructures, l’accueil et les choix de présentation qu’ils font ressemblent beaucoup à ce qui se fait en France.

Le festival n’était pas le seul arrêt du voyage. « Le projet d’exploration et de découverte internationale du Festival Changez d’Air a commencé il y a quelques années, avant la pandémie. Le but de ça, c’était d’apprendre des réseaux de diffusion culturelle en Europe. Donc oui, c’est en France, mais il y avait aussi des invités de la Belgique et de la Suisse. On a pu avoir des discussions vraiment très approfondies au niveau des structures, non seulement financières, mais aussi des différents réseaux incubateurs d’artistes, de la présentation des artistes, de comment ça se passe différemment en Europe. On a aussi eu la chance de parler avec des maires et représentants politiques de là-bas pour discuter de la valorisation des arts en France puis comparer la donne ; vraiment c’était extrêmement révélateur ! » explique Mme Picard.

Dès les premiers échanges avec nos cousins français, Mme Picard ainsi que MM. Morin et Gauthier ont remarqué que la valorisation des arts en France se fait pour et par les arts. Au Canada, les demandes de subventions et leurs justifications sont faites sur une base de raisonnement extrinsèque, c’est-à-dire que les fonds ne seront pas obtenus pour développer une oeuvre, mais plutôt pour faire du développement économique ou bien pour encourager le rayonnement des communautés francophones dans des zones minoritaires, etc. « Il y a aussi le langage qu’on utilise et l’approche. Ici au Canada ou dans le nord de l’Amérique, on va dire “ développer les publics ” pour certaines disciplines, comme le CAH a fait pour la danse contemporaine. En France, on dit plutôt “ prendre de l’action culturelle ”, donc c’est vraiment une conscientisation du développement artistique d’une population en général pour les arts. C’est dans une optique de bien-être et vraiment au quotidien », dit-elle.

Pour développer l’art, les services culturels français sont soutenus par les municipalités et par la métropole de Lyon. Pour mieux comprendre et faciliter les comparaisons, les diffuseurs canadiens étaient unis avec des programmeurs desservant des populations semblables.

C’est avec la mairesse de la commune de Dardilly que Valérie a échangé. Cette commune d’environ 10 000 habitants compte sur le même budget annuel que le CAH, soit environ 700 000 $ par année.

La différence est que le montant est financé à 100 % par la Municipalité de Dardilly, tandis que l’équipe du CAH travaille avec 0,5 % du montant total du budget annuel qui est financé par la Ville de Hearst. « Tout le reste est financé par la vente de billets, par les 20 demandes de subventions qu’on fait dans une année. Donc, tous les efforts administratifs que nous pouvons mettre représentent presque 50 % de la charge de travail ; eux ils ne l’ont pas. De même que la personne qui est en charge, qui a le même emploi que moi à Dardilly, c’est un employé de la Municipalité », explique-t-elle.

Un tel soutien de la part d’une Municipalité ne serait pas possible au Canada et Mme Picard en est bien consciente. Elle ne désire pas non plus une pareille implication de la Ville de Hearst. La réflexion porte plutôt sur l’importance donnée aux arts et à la culture au Canada et le sous-financement public qui en découle. Par exemple, depuis 2010 le montant des subventions octroyées au CAH n’a pas augmenté. Il est le même, et ce, malgré le fait que l’indice des prix à la consommation augmente.

En ce qui a trait à la participation de la population aux évènements, elle semblait plus grande en France, mais le CAH se trouve chanceux d’oeuvrer dans une communauté déjà engagée envers les arts. « Nos chiffres sont quand même assez impressionnants au niveau de la participation générale, mais imaginez si nos prix de billets étaient moins chers, si une bonne part de nos activités étaient gratuites, je pense qu’il y aurait encore plus de gens qui viendrait consommer les arts. »

Il y a des circuits de développement des artistes qui sont beaucoup plus établis. L’équipe canadienne a fait des rencontres avec des gestionnaires de salles qui sont complètement liées à des résidences artistiques. Les employés de ces centres sont eux-mêmes des artistes de longue date ; ils sont rémunérés pour la mise en scène et le développement artistique de la relève.

Les apprentis artistes peuvent passer des mois dans ce genre de centre pour travailler sur certains aspects précis et continuer la mise en scène d’un spectacle dans un autre endroit, ce qui donne un spectacle rodé et prêt à être présenté. Selon la directrice générale et artistique, c’est quelque chose qui manque au Canada, mais surtout en Ontario.

Un autre aspect du festival était aussi d’échanger des artistes, donc deux artistes canadiens y étaient pour présenter des vitrines, et la même chose se fera dans la région d’Ottawa.

Ce voyage a permis à Valérie de revenir la tête pleine de bonnes idées et de nouveaux concepts. Elle a ajouté que le Conseil des Arts de Hearst travaillera pour changer son vocabulaire et à ne pas se laisser intimider par des représentations un peu éclatées.

Valérie Picard est allée en France afin de savoir comment les organisations artistiques opèrent de l’autre côté de l’Atlantique du Nord.

Photo : conseildesartsdehearst.ca