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Par Émilie Gougeon-Pelletier, Le Droit|12 juin 2023

Le vieil édifice qui abrite l’école élémentaire publique Louise-Arbour ne devait être qu’une solution temporaire. Or, la promesse d’une école toute neuve dure depuis maintenant six ans et les parents s’impatientent.

André Poulin-Denis se souvient très bien du bonheur qu’il avait ressenti, en 2017, en apprenant qu’une nouvelle école serait construite dans son quartier et qu’elle serait prête au moment où son enfant allait avoir l’âge de commencer la maternelle.

À l’époque, le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO) avait annoncé que l’école élémentaire publique Louise-Arbour aurait 450 places et allait être érigée sur un terrain de sept acres, dans la Petite-Italie, au coin de la rue Preston et de l’avenue Gladstone.

Il s’agissait d’un partenariat avec la Société de logement communautaire d’Ottawa (LCO). On devait aussi y trouver des logements, des espaces verts et des commerces de détail.

Étant donnée la surpopulation dans d’autres écoles en périphérie, le CEPEO avait signé un bail de location pour que l’école Louise-Arbour occupe un bâtiment de la rue Beech, appartenant au Conseil scolaire catholique anglophone d’Ottawa (OCSB), en attendant.

L’an dernier, l’enfant d’André Poulin-Denis a fait son entrée à la maternelle, mais ce n’était pas dans le bâtiment flambant neuf qui devait être construit dans la Petite-Italie.

C’est plutôt dans l’édifice temporaire où le taux d’utilisation de capacité surpasse les 100 % dont le terrain doit accommoder quatre classes portatives, soit le maximum permis par le zonage municipal.

À l’heure du dîner, les enseignants mangent dans leurs voitures. (Etienne Ranger)

Piteux état

Les locaux sont en piteux état. Cet édifice datant des années 1960 n’a pas de gymnase. Les élèves doivent donc traverser la cour d’école pour se rendre à l’école avoisinante pour assister à leurs cours d’éducation physique.

Il n’y a ni bibliothèque, ni salle pour les cours de musique. Le secrétariat n’a pas d’espace pour y installer une imprimante.

C’est dans les corridors que se tiennent parfois les rencontres avec les spécialistes.

À l’heure du dîner, les enseignants se rendent sous l’escalier pour ramasser leur repas, puisque c’est là que se trouve leur frigo – à côté de l’imprimante – et ils mangent dans leurs voitures.

Vincent Martin-Schreiber et son conjoint sont des travailleurs de la santé qui ont immigré de la France en 2020.

Ils ont choisi de s’installer à Ottawa, notamment parce que c’est une région bilingue et parce qu’ils voulaient offrir une éducation en français à leur enfant.

« Il y a des grands discours à propos du besoin d’attirer les immigrants francophones, de l’importance du développement économique, et cetera, mais on ne s’attendait pas à ce qu’il y ait des problèmes comme ceux-là », affirme Vincent Martin-Schreiber.

Il craint que la situation soit « invivable dans cette école ».

« Comme il y a cette hypothétique nouvelle école, du coup, il n’y a pas d’investissements nouveaux dans le bâtiment actuel. C’est un peu fâcheux », soutient Vincent Martin-Schreiber.

Les délais

Depuis l’annonce initiale de la construction de la nouvelle école, en 2017, la LCO a écarté le CEPEO de son projet de développement puisqu’elle n’avait pas reçu la confirmation du ministère de l’Éducation de l’Ontario qu’il financerait le projet.

Le vice-président du CEPEO, Pierre Tessier, qui est aussi président du comité des biens immobiliers du conseil scolaire, explique que même si Louise-Arbour est à la tête de sa liste de projets prioritaires, le ministère de l’Éducation n’approuve qu’un nombre limité de projets chaque année.

« Je suis d’accord que c’est frustrant, parce que ça prend beaucoup de temps pour avoir des approbations, soutient-il. Moi, je vois aussi le gros portrait, c’est-à-dire que je vois tous les projets devant moi. […] Il y a des secteurs de notre territoire qui ne sont même pas desservis, où il n’y a tout simplement pas d’école. »

En avril 2022, le ministère de l’Éducation a enfin annoncé un financement de 14,5 millions de dollars pour la construction de la nouvelle école.

Mais ce montant n’est plus suffisant, et selon Pierre Tessier, « on parle peut-être d’un autre 10 millions de dollars de différence qui nous empêche de commencer ».

Or, il assure qu’il y a quand même certains progrès, et que la Ville d’Ottawa, avec qui le CEPEO collabore pour la construction de cette école, devrait tenir des consultations publiques « très bientôt » à ce sujet.

N’empêche, le projet ne devrait pas être prêt avant 2026-2027.

Rendu là, l’enfant d’André Poulin-Denis sera en quatrième année.

« C’est désolant que le gouvernement n’ait pas pris ses obligations au sérieux », déplore-t-il.

Le père de famille cite l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit le droit à une instruction dans une école de langue française. « Il ne semble pas avoir de reconnaissance qu’il y a un problème grave. Les droits des parents qui décident de faire éduquer leurs enfants dans école publique francophone, langue première, sont bafoués. L’expérience éducative est moindre, et ce n’est certainement pas en raison des professeurs. »

À l’heure du dîner, les enseignants mangent dans leurs voitures. (Etienne Ranger)