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La compagnie locale de camionnage Dark Entreprise a recruté des chauffeurs à l’international afin de combler le manque de main-d’œuvre. Malgré des affichages d’emploi continus, les postes restaient vacants. Les dirigeants de l’entreprise ont donc opté pour l’international.

En premier lieu, la direction de Dark embauchait une entreprise offrant un service de camions et de chauffeurs. En observant le fonctionnement de ce sous-traitant, les propriétaires, Roxanne et Dany Bolduc, se sont adaptés afin de recruter leurs propres chauffeurs provenant de l’international. « Ça fait trois ans que nous avons commencé à faire ça. Pour trouver les candidats, c’est le bouche-à-oreille qui nous aide le plus. En traitant bien nos chauffeurs, ça en a apporté d’autres. Même sur le chemin, on s’occupe de nos chauffeurs et il y en a plusieurs qui aimeraient avoir notre recette. En ce moment, près de 50 % de nos chauffeurs proviennent de Dubaï et des Indes, soit 12 au total », explique Stéphane Potvin, répartiteur et responsable à l’embauche. Selon Mme Bolduc, ils se sont fait ridiculiser quelque peu au début parce qu’ils étaient les premiers à Hearst à recruter des chauffeurs d’une autre nationalité.

Processus de formation

Avant d’arriver à Hearst, un processus doit être complété. La direction de Dark a expliqué que lorsqu’un candidat accepte l’emploi, il arrive à l’aéroport de Brampton. C’est à ce moment que le cours de conduite est complété. « La durée du cours est de trois mois, et plusieurs d’entre eux ont des membres de leur famille établis dans cette ville. Une fois que les exigences du ministère sont remplies, les gens sont prêts à venir dans le Nord. Nous autres aussi on continue la formation : il y a de l’adaptation à faire, il n’y a pas d’hiver là-bas, pas de forêts, pas de copeaux ou de billots de bois. Ils ont tous de l’expérience en camionnage, mais dans leur pays », explique M. Potvin.

La plupart arrivent à Hearst avec la documentation nécessaire, comme le permis de travail et le visa. Toutefois, Dark Entreprise doit accomplir ces démarches pour certains. « Il nous faut passer par l’immigration. C’est tout un processus, ça peut prendre trois ou quatre mois avant d’obtenir leur permis de travail et leur visa de deux ans. Ensuite, c’est à eux de décider s’ils veulent continuer à travailler au Canada et de demander le statut de résident permanent », soutient Roxane Bolduc.

Après l’obtention de ce statut pour le travailleur, les démarches afin d’accueillir femme et enfants peuvent débuter.

Pénurie de logements

La pénurie de logements a forcé les propriétaires à prendre des décisions financières. « Il y a trois ans, on louait une maison. Au début, ils étaient plusieurs à vivre dedans, donc ça ne marchait pas ! Il manquait de place, de chambres, et huit gars avec juste une salle de bain, ça ne fonctionnait pas. On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose ou bien nous allions les perdre. Donc, on a trouvé un immeuble à vendre, on en loge une partie là et on a loué des appartements pour en loger d’autres », indiquer Mme Bolduc.

Accommodements

Ces nouveaux employés pratiquent tous la religion sikhe, une religion provenant du nord du sous-continent indien. Leurs croyances et leur culture ont apporté des défis à la direction puisque les hommes portent, pour la plupart, un bracelet en argent au poignet ainsi qu’un turban. Ils portent aussi un kirpan à la taille. C’est un petit poignard dont la lame est à double tranchant qui leur est remis lors du baptême, signifiant la capacité à défendre sa foi.

L’équipe a également constaté que les lois en santé et sécurité de l’Ontario ne sont pas adaptées pour accommoder le port du turban et d’un casque de sécurité, par exemple, sur certains lieux de travail. Il existerait plusieurs exemptions dans d’autres provinces canadiennes et M. Potvin étudie les différents cas pour trouver une comparaison qui s’appliquerait à ses travailleurs.

Langue et culture

Les camionneurs sont capables de communiquer en anglais, et de se faire comprendre par l’équipe de gestion chez Dark Entreprise. « Les gars trouvent ça dur, ils ne sont pas acceptés. Comme dans le milieu de travail, il y a du monde qui ne respectent pas leurs coutumes et leur religion. (…) Quand ils sont dans les moulins ou dans les cours, ils ne sont pas acceptés », se désole M. Potvin.

Les propriétaires, Stéphane Potvin et son équipe, ont pris le temps de connaitre leurs nouvelles recrues et d’en apprendre plus sur leurs coutumes et valeurs, chose qui prend plus temps à faire pour le reste de la communauté. « La ville n’est pas prête à ça, les gens n’ont pas encore l’esprit ouvert, on a déjà perdu des gars parce qu’ils ne se sentaient pas acceptés et sont repartis. C’est triste parce qu’à un moment donné, où est-ce qu’on va les prendre les camionneurs ? », se questionne M. Potvin.

Il affirme toutefois avoir été témoin de camionneurs de la région prenant le temps d’aider l’un de leurs chauffeurs ou encore offrir des trucs au passage, ou lors d’un chargement. « Ils reconnaissent qu’on a besoin de ces gars-là et ça commence à changer. Si tout le monde prenait un petit deux minutes avec eux, ça serait encore plus facile pour eux autres de s’intégrer. »

Climat

L’adaptation au climat et à l’état des routes hivernales a fait en sorte que six chauffeurs ont démissionné. « Maintenant, on est plus ferme, quand ils sont partis, on avait six camions stationnés dans la cour parce qu’on n’a pas été capable de les remplacer par des gens locaux. Les chauffeurs sont avertis qu’ils ne peuvent pas juste partir et revenir, on reçoit des appels presque tous les jours de gens qui veulent s’en venir », dit-il.

Une autre chose qui présente un problème aux nouveaux employés, c’est la nourriture. Roxanne explique qu’il n’y a pas de restaurants qui servent des mets indiens sur les parcours. « Après une journée de travail, ils doivent cuisiner pendant des heures selon les recettes. De plus, les aliments nécessaires sont difficiles à trouver à l’épicerie locale. »

Malgré de nombreux défis, les propriétaires de l’entreprise recommenceraient n’importe quand si c’était à refaire. « On reconnait que c’est une réussite, maintenant il faut l’entretenir. Tout le monde peut commettre des erreurs, mais dans notre culture d’entreprise, il n’y a pas de place pour des folies. On travaille fort, on garde nos standards hauts, la vigilance, la supervision, et on sait qu’ils vont s’en aller par eux-mêmes ceux qui n’y adhèrent pas », conclut Stéphane Potvin.