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Extraits d’un article de l’abbé J.T. Nadeau publié dans le journal Action catholique, le 18 juin 1921 – Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

L’auteur et ses collègues arrivent à Hearst après un long trajet de Québec.

« Onze heures et demie, Hearst. On est tous fiers de mettre pied à terre au bout de 700 milles de voie ferrée. Vite, descendons. Mgr Hallé attend ses visiteurs et nous nous en allons, la nuit rayonnante d’étoiles, en causant des amis de là-bas… Et nous voici, à l’extrémité du village où une lumière rouge vacille dans une fenêtre : c’est la lampe du sanctuaire qui veille dans la chapelle-cathédrale de Hearst. Et puis, nous apercevons la lumière des cierges, ce sont les Quarante-Heures. En face de la cathédrale, une statue du Sacré-Coeur (modèle Montmartre), inauguré le jour même de la fête du Sacré-Coeur, tend, du haut de son socle, ses bras de bronze aux passants. Nous voici à la résidence épiscopale.

Le dimanche 5 juin, grand-messe pontificale à la cathédrale de Hearst. Mgr Hallé donne le sermon. Il parle de l’appel du Sacré-Coeur et du bonheur de ceux qui y répondent. La clôture des Quarante-Heures a lieu après la messe. Le soir, à sept heures et demie, cérémonie solennelle de la confirmation pour les enfants de la paroisse. La cathédrale est remplie à déborder. Il y a du monde à genou jusque sur le perron.

Hier soir, à onze heures, nous partions de l’évêché de Hearst. Mgr Hallé et moi, et deux heures plus tard, l’express du Transcontinental nous déposait à 25 lieues plus à l’ouest, à Pagwa River. Je descends le premier. Je suis reçu par la fanfare et les embrassements d’une tribu innombrable de maringouins. Vlan ! Vlan ! J’en écrase une bande. En voilà certains qui n’auront pas de postérité.

Au train nous attend monsieur Roméo Gauthier, le gérant du poste de la Compagnie Revillon qui nous amène chez lui. C’est un bon Canadien et un bon catholique, encore jeune et père de cinq beaux enfants à la robuste santé. Ce matin, messe au salon. Toute la famille assiste et communie de la main de Mgr Hallé.

Maintenant, il me faut mettre un point. Le canot est prêt à partir, monseigneur crie après moi. Nos trois compagnons, le R.P. Carrière, et messieurs Boily et Bergeron canotiers émérites sont là, l’aviron prêt à nous mettre en marche vers la baie d’Hudson.

Nous en avons pour cinq semaines, parait-il. — Bon, attrape ça toi ; en voilà un qui ne piquera plus personne.

— Pendant ce temps, quoi qu’il advienne, nous ne pouvons ni rece-voir de nouvelles ni en donner. Pour la baie James, il y a un courrier en mai et un autre en septembre. À part cela, rien. Si vous voulez nous écrire là-bas, faites passer par la lune.

Le voyage que nous entreprenons est long et dur. Il n’est pas sans dangers. Sur des rivières assez grosses comme l’Albany, qui a les dimensions d’un fleuve, il faut sauter des rapides. Il faut coucher sur la terre froide ou humide, harcelés par les moustiques. Il faut affronter les tempêtes de la baie, patauger dans les vases de glaise de ces immenses battures de dix à 20 milles. Monseigneur demande à tous les lecteurs de l’Action catholique de prier pour que notre voyage soit fructueux pour le bien des âmes et s’accomplisse sans accident. Priez pour que Dieu envoie ses anges devant nous afin que notre canot ne heurte pas les pierres des rapides.

J’ai bien l’intention de tenir au jour le jour un journal dont les lecteurs de l’Action catholique auront la primeur. »