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Les années après la Deuxième Guerre mondiale (de 1945 à 1950) représentent une période très prospère pour le village de Hearst. Les soldats reviennent par milliers et l’économie du pays prend de l’élan. La province commence finalement à permettre la coupe de bois de construction sur les limites publiques. À Hearst c’est le début des propriétaires locaux Selin, Fontaine, Levesque, Lecours et Gosselin. Les produits des industries de pâte et papier ainsi que ceux du bois de construction sont en grande demande et les compagnies de la région voient leurs profits augmenter. Puisque les compagnies de bois sont en expansion, il faut aussi augmenter la population itinérante de bucherons, mais ceux-ci n’ont pas toujours les mêmes normes que les habitants de Hearst. Ce problème s’accroit lorsque la coupe de bois s’arrête au printemps et en automne et que les camps de bucherons ferment à cause des chemins qui ne sont plus navigables. Le village est envahi de milliers de bucherons étant donné qu’il n’y a pas de grande ville autour et tous ces hommes ont beaucoup d’argent de poche à dépenser dans le village (les bars, les bootleggers, mais aussi les restaurants, les magasins, les hôtels, etc.). Il existe une entente très fragile entre les citoyens et les bucherons ; plusieurs citoyens sont aussi des bucherons.

Le 21 avril 1950, le journaliste Don DeLaplante du Globe and Mail de Toronto écrit un article sur cette ambiance qui existe toujours au sein du village. En voici quelques extraits (traduction par Serge Morissette) : « Le son perçant du téléphone déchire la monotonie du bureau de police un dimanche matin. C’est le maire de Hearst. “ Il y a trois hommes qui se promènent à quatre pattes dans le milieu de la rue. La messe vient juste de finir et je ne crois pas que les familles veulent voir ces hommes se trainer dans la rue. Vous devriez peut-être venir les chercher. ” Les policiers se rendent sur les lieux, arrêtent le trio et leur donnent un logis temporaire dans la prison locale avec quelques autres hommes en état d’ébriété. — Les policiers sont d’accord que c’est préférable que les femmes et les enfants ne voient pas ce spectacle surtout en revenant de l’église le dimanche sur la rue principale — en plus, c’est le printemps et les rues sont pleines de boue. »

« Hearst, la demeure de 2 000 citoyens décontractés et accueillants, est aussi probablement le village le plus achalandé de l’est du Canada. — Lorsque la coupe de bois bat son plein, le village devient le centre d’accueil pour 3000 bucherons employés par 17 différentes compagnies de bois de construction et de pâtes et papier dans la région. – Le traitement de salaire mensuel de 600 000 $ est presque tout dépensé au village. – Il y a souvent une lignée de clients qui s’étend jusque dans la rue devant la succursale locale de la Banque Impériale. On y voit souvent des billets de cent dollars. – Hearst est situé dans une position très stratégique. – Le village se trouve à la jonction des chemins de fer Algoma Central et Canadien National. – Malgré l’importance de son industrie forestière, la clé de sa prospérité est son isolement ; les endroits les plus proches où les bucherons peuvent s’amuser sont Sault Ste. Marie, 240 milles au sud ; Longlac, 135 milles à l’ouest ; ou Kapuskasing, 60 milles à l’est. Le bucheron choisit donc de se rendre à Hearst, y demeurer et y dépenser son argent. – Après quelques jours, il retourne au travail dans le bois avec un mal de tête, les poches vides, mais habituellement satisfait de son congé. »

« Il faut dire que malgré cette ambiance désordonnée, Hearst est une communauté de citoyens à la fois engagés et très participants. – Prenons l’exemple de la construction du nouveau centre communautaire : 350 citoyens ont donné de leur temps et labeur pour monter cet édifice de 90 000 $. – Les compagnies de bois de la région ont fourni du bois de construction. – La fondation du bâtiment a été érigée gratuitement par une compagnie de construction. – “ Nous sommes fiers de notre village et nous sommes fiers de notre centre communautaire ”, nous dit le maire George McNee. – Le maire McNee est un homme à la stature compacte avec des yeux brillants de sagesse et un sourire attrayant. – Il est bien connu à Queen’s Park, à Toronto, parce qu’il est toujours prêt à participer à une délégation pour défendre les droits des gens du Nord de l’Ontario. Le maire nie la rumeur que le monde des affaires a ralenti à Hearst depuis que les opérations forestières dans la région ont diminué. Attendez que les opérations forestières reprennent ce printemps. Toutes les compagnies nous disent qu’elles retournent au travail à plein rendement. Le village va fredonner. »

« Il y a très peu de crime à Hearst malgré qu’une partie considérable de la population est itinérante. Occasionnellement, un groupe de batailleurs va s’activer sur la rue avec les poings et les pieds dans les airs, jaillissant d’un hôtel où un bucheron s’est fait voler son argent, mais ça, c’est des choses auxquelles il faut s’attendre. “ Les meurtres ne sont pas permis dans les limites du village ”, nous dit un représentant.

« Hearst pourra continuer à grossir tant et aussi longtemps que les industries du papier journal et du bois de construction seront en demande. — Dernièrement, la ville de Hearst a pris possession de la ferme expérimentale à l’ouest et en a fait des lots municipaux pour des résidences. On est en train de défaire la grange présentement. — Le maire McNee espère aussi que l’Algoma Central continuera son trajet jusqu’à la baie d’Hudson comme prévu en 1913. »