Le Projet Palliatif + de l’hôpital Sensenbrenner de Kapuskasing prend forme. Grâce au financement du comité coopératif régional de la Caisse Alliance, une chambre de soins palliatifs et de soins bariatriques est en cours de préparation.
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Andréanne Joly – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Il s’agit de deux services en demande croissante, précise l’infirmière en chef de l’hôpital Sensenbrenner, Lucie Lamontagne.
Dans la dernière année, la chambre a accueilli graduellement l’équipement bariatrique (lève-personne, lit et chaise plus larges). Lucie Lamontagne estime que cet équipement occupe la moitié d’une chambre à quatre lits. La chambre a permis deux séjours, chacun de 4 à 6 semaines.
Il reste à veiller à l’élargissement de la salle de bains et de la porte, pour l’instant trop étroites. L’aménagement de la chambre pour « la rendre plus accueillante » est aussi à la liste des choses à faire, ajoute Lucie Lamontagne.
Soins palliatifs
La chambre bariatrique sera donc, aussi, une chambre de soins de fin de vie — la deuxième pour l’hôpital de 53 lits.
Une première chambre vouée aux soins palliatifs a été ouverte en 2017 à l’hôpital de Kapuskasing « grâce aux généreuses contributions du Club Rotary », a rappelé l’infirmière en chef lors de l’annonce du projet, en décembre.
Cette seule chambre ne suffit cependant plus à la demande. Dans la dernière année, précise Mme Lamontagne, 28 patients sont décédés dans la chambre et 37 ailleurs dans l’hôpital. Certains auraient pu aussi se retrouver dans la chambre, plus grande, pour accueillir les proches.
De telles situations forcent le personnel à décider quel patient en fin de vie — et quelle famille — y aura accès. Un processus lourd « pour les patients, les familles et le personnel », et qui engage le personnel médical, infirmier et administratif.
« C’est très difficile de départager », a admis Mme Lamontagne en entrevue au Voyageur. Heureusement, « il y a des familles qui décident de ne pas y aller. Ça rend la décision plus facile. »
La Caisse, alliée de la Fondation
La Fondation de l’Hôpital Sensenbrenner a annoncé le projet Palliatif + en décembre à la Caisse Alliance de Kapuskasing, qui a injecté les 111 000 $ nécessaires pour mener le projet à bien.
Ce don s’ajoute aux des 200 00 $ engagés depuis 2018 par l’entremise du comité coopératif régional de la Caisse Alliance. Ce nouveau don fait de la Caisse le second donateur en importance de la Fondation, derrière un bienfaiteur anonyme qui a jusqu’ici versé plus de 2 millions $ aux campagnes de l’hôpital et de sa Fondation, selon la gestionnaire de projets pour la Fondation, Mireille Dubosq.
« De telles contributions financières ont permis d’offrir de nouveaux services à nos patients ainsi que d’améliorer la qualité des soins », a rappelé en conférence de presse la directrice générale de l’hôpital France Dallaire, citant la tomodensitogramme, l’appareil de mammographie, le nouvel équipement d’échographie, le nouveau bloc opératoire, les services de chirurgie du cancer du sein et les rénovations de la pharmacie pour continuer d’offrir les services de chimiothérapie.
Maintenant, la Fondation s’attaque à l’aménagement d’une salle de naissance, qui prévoit un lit chauffant Panda et de la pouponnière, plus près des chambres de maternité.
BOITE DE TEXTE
« Une chambre palliative est généralement conçue pour offrir confort, soutien et dignité au patient pendant ses derniers moments de vie, à sa famille et ses amis. Elle permet aux familles de se réunir en privé. »
– Lucie Lamontagne, infirmière en chef, hôpital Sensenbrenner
BOITE DE TEXTE
Selon Statistiques Canada, 26,1 % des Ontariens de 18 ans et plus étaient considérés comme des personnes obèses selon les données de 2018. Au Canada, plus des deux tiers des adultes souffrent d’embonpoint ou d’obésité.
À l’approche des Fêtes, quelles denrées devrait-on donner aux banques alimentaires du Nord ? Selon Banques alimentaires Canada, le prix des poitrines de poulet est passé de 12,58 $ à 15,35 $ le kilo de 2021 à 2022, une hausse de 21,7 %. Le kilo d’ognons, lui, a gonflé de 27 %. Un sac de 500 g de pâtes est passé de 2,54 $ à 3,00 $, une augmentation de 18 %.
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Andréanne Joly – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Les organismes parapluies des banques alimentaires dressent des listes d’aliments à donner pour soutenir les familles et les personnes qui doivent avoir recours aux banques alimentaires.
On retrouve des articles communs : beurres d’arachides, fruits, légumes et fèves en conserve, viandes ou poisson en conserve, soupes en poudre ou en conserve, ragouts et sauces en conserve, céréales, pâtes et riz.
L’expérience kapuskoise semble donner raison à ces listes générales. Mais il y a une réalité propre aux communautés du Nord. « Il n’y a pas beaucoup de familles avec des enfants qui visitent notre banque alimentaire », explique le bénévole Rick Bartlett, qui veille au fonctionnement de la banque alimentaire de Kapuskasing.
Que mange-t-on dans le Nord ?
Ici, outre les produits frais, les articles les plus populaires sont les plats préparés, comme les pâtes en conserve de type Chef Boyardee, le macaroni au fromage Kraft et la soupe Habitant — ou la « chunky », à Hearst.
Ces soupes sont chères, remarque Annie Rhéaume, du Bon Samaritain du nord à Hearst. « Je les achète en spécial. C’est 3 ou 4 $ la canne, sinon. »
Photo : Aaron Doucett sur Unsplash.
Au sommet de la liste apparait le ragout, à Kapuskasing comme à Hearst. « Surtout pour les personnes seules, indique Annie Rhéaume. Il y en a qui ne sont pas très cooks, ça les aide bien », illustre la bénévole.
« Beaucoup de nos clients [couples, étudiants ou personnes vivant d’une pension] ne préparent pas de mets complets, nutritifs, poursuit Rick Bartlett. Ces mets préparés ont une teneur élevée en protéines. Au moins, nous savons que nous leur fournissons des aliments qui offrent des éléments nutritifs qu’ils n’auraient pas, autrement. »
Photo : Ismael Paramo sur Unsplash
À Hearst aussi les pâtes, les sauces pour pâtes et le jus de tomates s’envolent. S’ajoute toute viande et tout poisson — en particulier le thon — dit-on du côté d’Espanola. Ce sont des produits, ici, qui s’inscrivent à la liste des besoins les plus importants.
À Kapuskasing, les déjeuners sont aussi à la liste des articles recherchés : les céréales, la confiture de fraises, le beurre d’arachides. À Espanola et à Nipissing Ouest, une autre réalité se profile : celle des enfants — ils représentent, au Canada, le tiers des utilisateurs des banques alimentaires. C’est pourquoi toute collation et aliment pouvant se glisser dans une boite à lunch sont les bienvenus.
De l’argent
Les dons en argent sont appréciés par les banques alimentaires. Cet argent sert à acheter les produits périssables. À Hearst, on parle en particulier de viande, d’œufs, de lait, de pain et de pommes de terre. « Beaucoup de gens préfèrent nous donner de l’argent. Ils nous disent : “ vous autres vous savez ce dont vous avez besoin ” », rapporte Annie Rhéaume.
Par ailleurs, le Bon Samaritain de Hearst a choisi, l’automne dernier, de modifier son système de distribution. La clientèle peut maintenant choisir ce qu’elle mettra dans son panier, les produits sont disposés sur des tablettes. « Jusqu’à septembre, on donnait des boites, explique le Bon Samaritain. Les clients n’avaient pas le choix [des produits]. »
L’initiative est positive, pas seulement pour réduire le gaspillage alimentaire, ce qui était le principal objectif de cette adaptation. « Ça crée de l’interaction entre bénévoles et clients, et entre eux. C’est presque une rencontre sociale », précise le bénévole Louis Corbeil.
Andréanne Joly – IJL – Réseau.Presse – Le Voyageur
Julien Boucher, qui est arrivé au conseil de Kapuskasing avec une liste en poche, s’est vite rendu compte que les changements ne s’opèreraient pas du jour au lendemain. Dans les premiers mois, il estime avoir fait beaucoup, « mais on n’accomplit pas tant de changements parce qu’il faut apprendre beaucoup de dossiers. Après, on peut commencer à faire bouger certaines choses. »
Julien Boucher
Conseillère sortante à Timmins et aspirante maire, Michelle Boileau, s’intéressait aux dossiers environnementaux lorsqu’elle a été élue en 2018. Elle a rapidement découvert de nombreuses initiatives étaient en cours.
Michelle Boileau
Ses collègues nouvellement élus ont aussi constaté tout le travail qui se fait dans les bureaux de la Ville. « On a tous pris un recul», partage-t-elle. Plutôt que de penser qu’on va rentrer là, tout changer, peut-être qu’on devrait apprendre ce qui se fait déjà, quels sont les plans par département. »
Pour sa part, la Kapuskoise Guylaine Scherer s’est rendu compte que la machine municipale est complexe. « L’ampleur des structures m’a surpris. » Elle le voit d’un bon œil. « Tout est régit par un code de conduite, des politiques, des directives, des by-laws, des processus. […] Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour la discussion, la réflexion, pour faire des changements. C’est juste un peu plus compliqué quand on veut faire les choses différemment et légalement. »
Un lien entre la communauté et le personnel
« Les gens s’imaginent qu’on a une grande flexibilité dans ce qu’on peut faire. C’est plus compliqué que ça », poursuit la candidate.
À Moonbeam, Jessica Demers souligne que le rôle d’un conseiller est bien différent aux yeux de la loi qu’aux yeux du grand public. « On pense souvent qu’un conseiller est impliqué dans les opérations d’une communauté, dans les décisions sur l’embauche et l’utilisation du budget, illustre-t-elle. Mais notre rôle, c’est plus d’élaborer des politiques, de mettre des grandes lignes en place et de laisser les employés faire les choses. »
Michelle Boileau utilise l’analogie du fil conducteur : le conseil est là pour « faire les liens entre les priorités du personnel municipal et les ressources dont il a besoin ».
Le défi des communications
Jessica Demers estime cependant que ce rôle de liaison n’est pas à une contradiction près. Le public aime être informé, mais ne s’intéresse pas vraiment à la politique municipale. À Moonbeam, par exemple, seules deux ou trois personnes assistent aux rencontres du conseil, pourtant ouvert au public. « Alors il y a des décisions qui se prennent et le public n’est pas nécessairement informé », remarque-t-elle. Selon la candidate, ce n’est ni dans le mandat du personnel, ni dans celui des conseillers, d’assurer la communication.
Julien Boucher cite l’exemple des taxes sur l’eau, à Kapuskasing. Au début du mandat, la facturation se fondait sur la valeur foncière. Aujourd’hui, l’eau est payée à l’utilisation, et ce, dans toute la municipalité. « C’est plus juste, mais les gens voient une augmentation et ne voient pas nécessairement que ça a été enlevé de leurs taxes municipales. Ça a beau être partagé aux médias, sur la page Facebook, on voit que c’est un challenge de communiquer ces choses-là », explique-t-il.
Un engagement à sa mesure
En plus des rencontres régulières du conseil, il y a beaucoup de comités auxquels les conseillers sont affectés. Et chacun s’engage à sa mesure.
Michelle Boileau et Julien Boucher font le même constat : « Tu peux juste te présenter au meeting, faire le meeting et rien d’autre, dit l’un. Des fois ça en prend plus que ça pour être vraiment au courant des décisions que tu prends », dit le conseiller Boucher.
Mme Boileau ajoute : « Si tu demandes des informations, des mises à jour, ça peut être beaucoup plus exigeant, mais on peut en faire beaucoup plus aussi. »
Des ressources
Les élus ne sont pas sans ressources. Chacun des mandats commence avec des formations sur le traitement des eaux, entre autres. Julien Boucher rappelle les cas de Flint au Michigan et de Walkerton en Ontario, où l’eau a été contaminée. On a fait comprendre aux élus municipaux qu’ils sont les ultimes responsables de chacune des décisions du conseil et qu’elles peuvent les mener devant les tribunaux ou en prison. « Il y a certaines choses auxquelles on ne s’attend pas et, quand tu es élu, tu te dis : “ Ok. Il ne faut pas faire n’importe quoi et [en] arriver là ”. »
Aux formations qui viennent armer les élus, s’ajoutent les grandes conférences municipales. Michelle Boileau a eu la chance d’y rencontrer des élus d’ailleurs. «Ça m’a ouvert les yeux : les localités du Nord ont des réalités très semblables, on a des gros défis très semblables. Si on se concerte, on pourrait trouver de bonnes solutions. Il faut saisir ces occasions», croit l’aspirante maire.
Les élections municipales et scolaires se dérouleront le 24 octobre en Ontario. Les intéressés ont jusqu’au 19 aout pour poser leur candidature.
Les conseils d’un conseiller sortant
Julien Boucher a décidé de ne pas renouveler son expérience au conseil municipal de Kapuskasing — du moins pas pour l’instant. Quels conseils donnerait-il à une personne qui souhaite se lancer en politique municipale?
Dresser une liste de choses à faire
« Si je me représente, je vais dresser une liste pour ne pas perdre de vue ce que je veux accomplir. Il ne faut peut-être pas avoir en tête que tout va changer [selon notre volonté]. Même si on est convaincus que c’est la bonne chose à faire, il faut prendre en considération les choix des autres conseillers. C’est arrivé plusieurs fois que l’idée que j’avais n’était pas partagée. Mais il faut avoir une liste et la modifier selon qui est autour de la table. »
Prendre son temps
« Quand j’ai été élu, Al Spacek [le maire sortant de Kapuskasing] m’avait dit de prendre le temps de me mettre au courant avant de faire des changements drastiques. Il y a toujours plus de facteurs à considérer que ce qu’on pense qui est le gros bon sens. »
FRANCOPRESSE – Avant de faire l’objet de critiques véhémentes, le film Nanook of the North a reçu un accueil chaleureux à sa sortie en 1922. Si son réalisateur a contribué à établir le style documentaire, il l’aurait fait, d’après certains, sur la base de la fausse représentation, de l’appropriation culturelle et de l’ethnocentrisme. Rien de tout cela n’empêche Inukjuak, la communauté où a été tourné le film, de célébrer le centenaire de Nanook.
Dans l’esprit de réconciliation et par respect pour les peuples autochtones, le présent texte privilégie les formes étymologiques un Inuk pour indiquer le singulier et des Inuit pour indiquer le pluriel.
Le 11 juin 1922, Robert Flaherty présente en première son film Nanook of the North au Capitol Centre de New York. Pendant 80 minutes, le spectateur côtoie « Nanook l’ours », un Inuk « gentil, brave et simple », comme on le présente dans l’introduction du film muet.
Nanook vit avec sa femme Nyla « la souriante » et leurs enfants. Il visite le poste de traite où il découvre le gramophone, mène une longue, ardue et dangereuse chasse au morse, et construit un iglou.
« C’est la précarité de l’existence de ces Premiers Peuples, leur lutte constante pour survivre dans cet environnement des plus rudes qui est le moteur du récit » [trad.], décrivait la professeure Shari Huhndorf de UC Berkeley dans un article publié en 2000.
Aux yeux de nombreux chercheurs, Nanook est effectivement un récit, une fiction dans un cadre réaliste. Ce qui n’a pas empêché le public de recevoir ce film comme un documentaire ethnographique — un concept tout nouveau à l’époque. Il a ainsi contribué à ancrer bien des stéréotypes.
Pour plusieurs universitaires, Nanook of the North est une « supercherie » se situant « entre le documentaire ethnographique et la caricature burlesque[i] » — comme lorsque toute la famille de Nanook débarque d’un seul et même kayak ou que le protagoniste tente de mordre dans un disque.
L’affiche du film Nanook of the North, réalisé par Robert Flaherty en 1922. (Source : Robert Flaherty et Pathé Frères [U.S.], Library of Congress – Aucune restriction connue sur la publication)
« Flaherty ne représente pas les Inuit de 1922 », croit Isabella Huberman, chercheuse postdoctorale associée à l’Université du Manitoba qui s’intéresse aux littératures et aux cinémas autochtones. « Il représente les Inuit d’une période antérieure [à la sienne]. C’est un choix délibéré de sa part de créer une sorte de machine à voyager dans le temps. »
Shaomik Inukpuk, qui habite à Inukjuak, où le film a été tourné, voit plutôt en Nanook une capsule temporelle contenant des traditions ancestrales et les paysages de l’Inukjuak de 1922. Il rappelle le mode de vie nomade qui dominait encore au moment du tournage.
Les compagnies Revillon Frères et la Baie d’Hudson venaient à peine d’établir des postes à Port Harrison (Inukjuak), au 58e parallèle. C’est plus tard qu’un établissement permanent a pris forme, précise le membre du comité organisateur du centenaire de Nanook of the North.
« Je suis arrivé dans cette communauté quand j’avais quatre ans et demi, raconte Shaomik Inukpuk. Mes parents étaient nomades et je devais aller à l’école. J’ai dû laisser mes parents. » C’était au début des années 1960.
L’école de jour fédérale à l’intention des Autochtones de Port Harrison a été construite en 1949[ii] et est devenue un pensionnat en 1961. Alors, « ils ont commencé à construire des établissements, poursuit-il. Les [ Inuit ] étaient en processus d’assimilation, mené par le gouvernement », poursuit le résident d’Inukjuak.
« Ce film-là veut dire quelque chose de différent pour [les Inuit] que pour les auditoires blancs ou n’importe quel autre auditoire », observe Genevieve Yue, professeure associée à la New School de New York. « Pour eux, c’est une des premières images animées encore existantes de cette communauté, ce sont aussi des membres de leurs familles. »
La professeure Genevieve Yue de la New School de New York. (Photo : Genevieve Yue)
Dans sa thèse de doctorat, Karine Bertrand, aujourd’hui professeure à la Queen’s University à Kingston en Ontario, en venait à une conclusion semblable : « L’interprétation du film par les Inuit et sa réception chez les non-Autochtones diffèrent de façon significative, les premiers visionnant avec humour et curiosité des scènes qui, à première vue, pourraient paraitre condescendantes. »
Genevieve Yue fait valoir que si Robert Flaherty a scénarisé un film « pour aider le film à atteindre l’auditoire », des contemporains ont mis de l’avant d’« épouvantables pratiques», comme un explorateur qui a amené des Inuit à un musée américain d’histoire naturelle. « Flaherty a fait un travail bien différent, comparativement à quelqu’un qui amène des personnes dans une exposition — un zoo humain, au fond… »
Elle reconnait toutefois les imperfections de Nanook of the North. « Clairement, il y a beaucoup de problèmes, surtout quand on le regarde avec notre point de vue contemporain, autour de la race, de la représentation », résume la professeure Yue. Mais malgré ses défauts, il demeure aux origines du genre du film ethnographique.
3 raisons de visionner Nanook of the North
De magnifiques images.
« Je suis toujours frappée par la beauté des prises de vue, des paysages. Dans sa progression, le film devient plus contemplatif », remarque Genevieve Yue.
Premier « documentaire ».
« Ça montre aux gens le mode de vie nomade de l’époque, fait valoir Shaomik Inukpuk. Il est très informatif. Tous les gens qui font des documentaires aujourd’hui disent que [Nanook of the North] est le premier documentaire. »
Représentation de l’Autre.
« C’est un outil pour voir comment les cinéastes blancs d’une certaine époque ont choisi de représenter les peuples autochtones », évalue Isabella Huberman.
« Représenter l’Autre : c’est un problème qui ne s’effacera jamais. Mais je ne crois pas qu’on devrait cesser d’essayer », plaide pour sa part Genevieve Yue.
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Se réapproprier Nanook
La chercheuse postdoctorale Isabella Huberman salue la réappropriation culturelle qui se dessine aujourd’hui autour de l’œuvre.
Par exemple, l’artiste et interprète Tanya Tagaq, originaire d’Ikaluktutiak, au Nunavut, a composé une nouvelle bande sonore pour Nanook en 2013-2014. « Quand elle était à l’école, Tanya Tagaq a été obligée de voir le film de Flaherty, relate Isabella Huberman. Elle a ressenti un grand malaise. »
Pour la chercheuse, la mise en musique par Tanya Tagaq et la tournée pancanadienne qui a suivi représente un moment clé dans l’histoire du film. D’autant plus que les bandes sonores contribuent à la caricature, comme le laisse entendre un Inukjuamiuq (habitant d’Inukjuak) dans un court film préparé pour le centenaire de Nanook of the North.
« C’était un geste de souveraineté culturelle, croit Isabella Huberman. Elle a repris le matériel et l’a resignifié. C’est très puissant ce qu’elle a fait. »
Un centenaire souligné
Le débat qui entoure Nanook of the North n’empêche pas Inukjuak de célébrer, ces jours-ci, le centenaire de son résident le plus célèbre. Un festival attire des musiciens et artisans du Groenland et du Nunavut. « Des gens montreront le mode de vie traditionnel des Inuit pour que ce soit éducatif », précise Shaomik Inukpuk.
L’organisme The Flaherty, qui encourage l’échange et l’introspection chez les cinéastes et les universitaires, et dont Genevieve Yue est administratrice, soulignera aussi l’anniversaire du film en publiant un recueil sur l’héritage complexe de Nanook et en menant un projet archivistique.
La professeure new-yorkaise invite à se poser la question : « À qui appartient le film ? Qui réclame ce film? Flaherty ? Les Inuit ? Les descendants des acteurs ? Qui peut dire comment un film peut être compris ? J’aime cette question parce qu’on ne peut pas y répondre », conclut-elle.
[i] Y aurait-il eu une école, avant ? Bibliothèque et Archives Canada date certaines photos à 1890, mais le Centre national pour la vérité et la réconciliation ne mentionne pas de prédécesseur.
[ii] Karine Bertrand, « Le cinéma des Premières Nations du Québec et des Inuit du Nunavut : réappropriation culturelle et esthétique du sacré », Thèse de doctorat, Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques, Faculté des Études Supérieures de l’Université de Montréal, avril 2013, p. 234
Les 10 et 11 juin, la Place des arts de Hearst présentera un premier Cabaret Queer, animé par un duo de drag queens — l’une venant de Nipissing Ouest. « Ça va être un évènement full of love », selon la directrice du Conseil des arts de Hearst, Valérie Picard. L’heure sera à la fête, dit-elle, mais aussi à la sensibilisation.
« C’est un show drag avec quelques sketches, décrit Valérie Picard. On va avoir des activités, des concours, des tirages, on va faire participer les gens. » Ce sera aussi une ambiance du tonnerre, enchaine la directrice.
Lorsqu’elle a fait ses études à Toronto, elle a fréquenté les clubs et la communauté 2SLGBTQ+. « Il y a un feeling d’acceptation unanime. Je ne sais pas comment l’expliquer. J’ai hâte de me retrouver dans cette énergie-là. »
« En rentrant dans la salle, poursuit-elle, on veut que les gens entrent dans un autre univers, où tout est possible. »
Dès l’accueil, Scarlett BoBo, finaliste lors de la première saison du concours télévisé « Canada’s Drag Race », donnera le ton : elle prendra un bain de foule d’une heure.
Puis, pendant que les drag queens Jenna Seppa (de Nipissing Ouest) et Quinta Sential animeront la soirée, en français et en anglais, deux personnes de Hearst se transformeront en drag queens et king.
Michel Gervais, alias Jenna Seppa, a vraiment hâte de monter sur une nouvelle scène. « C’est une chance pour moi d’explorer l’Ontario et de célébrer avec les gens du Nord. »
L’effet de nouveauté y est pour quelque chose : « J’adore performer à Toronto, mais il n’y a pas le niveau d’excitation qu’il y a dans le Nord. » Iel l’a testé l’année dernière chez iel, à Nipissing Ouest. Maintenant, « les gens m’arrêtent en ville pour me demander c’est quand le prochain show », illustre la drag queen de 22 ans.
Célébrer la diversité
L’idée germe depuis plusieurs années, à Hearst. En 2017-2018, Valérie Picard avait proposé au conseil d’administration une soirée dont le cœur serait la communauté 2SLGBTQ+. L’idée avait reçu un accueil inespéré. Jusqu’ici, la communauté répond généreusement à l’invitation et la région aussi : le Conseil des Arts a vendu des billets à Sudbury, à Timmins et à Kapuskasing.
Selon Valérie Picard, Hearst est mûr pour ce genre d’évènement. « On ne peut plus rester stagnant, croit-elle. Il faut foncer, ouvrir toutes les portes pour voir comment ça va se passer. »
Un cabaret annuel
Pour cette première, l’équipe du Conseil des arts de Hearst a choisi de doser. « On ne veut pas faire trop osé, too much, trop vite », explique Valérie Picard.
Le Conseil des Arts entend bien faire du Cabaret Queer un évènement annuel. « Chaque année, ça va s’incarner sous une autre forme. Il va peut-être y avoir du burlesque. »
Le cabaret est une occasion de sensibilisation, fait-elle valoir. « Ce ne sera pas juste un gros party. On va donner une petite trousse avec des drapeaux et des épinglettes pour pouvoir afficher pride un peu plus dans la ville. » Aussi, le Bureau de santé Porcupine sera présent, avec un kiosque sur la santé sexuelle.
« C’est important que les gens se voient », croit Valérie Picard.
FRANCOPRESSE – Un jour, pour souligner l’entrée à l’école de sa petite-fille, une grand-mère lui offrit un gilet orange. Confisqué dès son arrivée au pensionnat, le gilet devint pour la petite Phyllis Webstad un symbole d’espoirs déçus. Quarante ans plus tard, le chandail refit surface lorsqu’elle décida de raconter son histoire.
Aujourd’hui, le gilet arraché est devenu un symbole de la Journée nationale sur la vérité et la réconciliation, observée pour la première fois ce 30 septembre.
Francopresse a parlé à deux femmes qui ont contribué à faire du 30 septembre un jour de réflexion : Phyllis Webstad, fondatrice de l’Orange Shirt Society, et l’ex-députée saskatchewanaise Georgina Jolibois, qui a présenté le premier projet de loi pour créer un jour férié qui commémorerait les victimes et les survivants des pensionnats autochtones.
Un geste symbolique longtemps attendu
Lorsque la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) a déposé son rapport en 2015, Georgina Jolibois venait tout juste d’être élue à la Chambre des communes.
Constatant rapidement qu’au Parlement, « les peuples autochtones sont une réflexion après-coup », la Saskatchewanaise a voulu faire bouger les choses.
Elle a ciblé l’appel à l’action numéro 80 de la CVR : «Nous demandons au gouvernement fédéral d’établir comme jour férié, en collaboration avec les peuples autochtones, une journée nationale de la vérité et de la réconciliation pour honorer les survivants, leurs familles et leurs communautés et s’assurer que la commémoration de l’histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation.»
La députée a déposé le projet de loi C-369 en octobre 2017 ; il est arrivé au Sénat en avril 2019, y a trainé, puis est mort au feuilleton avec le déclenchement d’élections générales en septembre.
Le projet de loi a refait surface un an plus tard, cette fois-ci à l’initiative du gouvernement. Il a vivoté dans les couloirs du Parlement jusqu’à la découverte d’un charnier près d’un ancien pensionnat à Kamloops.
Alors, en moins d’une semaine, le 30 septembre est devenu la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, un jour férié fédéral.
La route a été longue, du dépôt du premier projet de loi à la création de cette Journée. Pour Phyllis Webstad, qui dès 2013 a contribué à fonder la Journée du chandail orange du 30 septembre pour rappeler la réalité des pensionnats autochtones, c’est clairement « les ancêtres, les 215 enfants retrouvés à Kamloops qui ont accéléré la chose ».
L’une pour célébrer, l’autre pour se souvenir
Dans la première mouture de son projet de loi, Georgina Jolibois avait demandé que le jour férié soit le 21 juin, Journée nationale des peuples autochtones. Le gouvernement, sous recommandation du Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR), a préféré aligner cette commémoration avec la rentrée et, surtout, avec la Journée du gilet orange, « qui gagne les écoles du pays pour sensibiliser à la réalité des pensionnats autochtones. »
Avec le recul, Mme Jolibois salue le changement : « En cours du processus, ça avait de plus en plus de sens de créer une journée spéciale pour la vérité et la réconciliation. »
Un chandail remarqué
Ce chevauchement du nouveau jour férié sur la Journée du chandail orange honore celle qui a perdu ledit gilet, il y a près de 50 ans. Mais ce congé ne viendra pas effacer la Journée du gilet orange, foi de Phyllis Webstad : « Il y a de la place pour les deux », assure-t-elle.
En novembre 2018, le CNVR a déposé un mémoire dans le cadre des audiences du comité permanent de Patrimoine canadien entourant le projet de loi C-369. Il y plaide pour que le jour férié ait un lien direct avec la Journée du chandail orange, puisque « partout au pays, la Journée du chandail orange, dédiée à l’éducation et à la commémoration, gagne en popularité. Le travail important qui est accompli ce jour-là en milieu scolaire ne devrait pas être interrompu, mais poursuivi ».
« Le 30 septembre sera toujours la Journée du chandail orange, croit Mme Webstad. Le jour férié comme la Journée du chandail orange ont été créés pour discuter de tous les aspects des écoles résidentielles, honorer les survivants et leurs familles et se souvenir de ceux qui n’ont pas survécu. Ce sera tout ça, maintenant. »
Un gilet orange comme un coquelicot rouge?
En peu d’années, ce gilet à la couleur vive est devenu un symbole de vérité, un peu comme le coquelicot souligne le jour du Souvenir.
La campagne du coquelicot, coordonnée par la Légion royale canadienne, est encadrée par un protocole ; le coquelicot est utilisé depuis 1921 et est même devenu une marque déposée. Seuls des bénévoles de la Légion royale canadienne peuvent le vendre et les fonds, à l’utilisation strictement règlementée, servent à des subventions de nourriture, de chauffage, de vêtements, d’appareils médicaux, de transport et des programmes de soutien pour les vétérans, visés par le jour du Souvenir.
Phyllis Webstad n’est pas encore certaine du rôle que pourra jouer l’Orange Shirt Society dans le déploiement de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, même si l’organisme fait figure de référence. « Nous allons nous mettre à l’œuvre et faire ce que nous devons faire », laisse-t-elle simplement entendre.
L’organisme n’a pas eu l’occasion d’ajuster le tir. « Nous devons trouver quel est notre rôle, quelle est notre position, quelle sera notre stratégie et toutes ces choses », ajoute Phyllis Webstad.
L’organisme a été bousculé, il faut dire. « Nous travaillions sur un plan stratégique lorsque les 215 enfants ont été retrouvés, explique la porte-parole. Ça a tout changé. » La cadence a augmenté dans les bureaux de Williams Lake, en Colombie-Britannique.
Son plan : « Prendre du recul, respirer un bon coup et trouver ce qu’il faut faire. »
La part des provinces
L’un des chevaux de bataille sera d’assurer que les provinces emboitent le pas au fédéral. Georgina Jolibois et Phyllis Webstad comptent toutes deux sur la participation des provinces pour honorer le 30 septembre. « Il y a encore beaucoup à faire, estime l’ex-députée. Sur le plan fédéral, oui, il y a une législation. Sur le plan provincial, c’est une autre histoire. Quelques provinces n’acceptent pas encore les appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation », se désole-t-elle.
C’est notamment le cas de sa Saskatchewan natale. Il y a du mouvement ailleurs. Au Manitoba, les écoles seront fermées le 30 septembre. La Colombie-Britannique proclame la journée annuellement depuis 2018. En Alberta, la néodémocrate Rachel Notley s’était engagée à investir dans les programmes d’éducation en 2017, alors qu’elle était première ministre de la province.
«Les provinces sont responsables de développer les programmes éducatifs, relève Mme Jolibois. Si les écoles ne reçoivent pas l’appui de la province, elles ne le participeront pas autant.»
D’autres attentes pour le fédéral
Il y a aussi d’autres chats à fouetter ; l’instauration de la journée nationale « n’est que l’application d’une recommandation, rappelle Phyllis Webstad. Un pas dans la bonne direction ».
Le gouvernement fédéral a en effet une longue liste d’enjeux à aborder. Lors de la discussion suivant la troisième lecture du projet de loi pour instaurer la Journée de la vérité et de la réconciliation, le 28 mai 2019, les députés en ont cité quelques éléments : salubrité de l’eau, financement de l’éducation, situation des filles et des femmes autochtones, mise en place du Bureau du commissaire aux langues autochtones, mise en œuvre de la Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et d’autres recommandations pour la réconciliation.
Mme Jolibois, aujourd’hui mairesse de La Loche, dans le nord de la Saskatchewan, est optimiste : « Le Canada reconnait qu’il a du travail à faire, que le temps est venu de faire les bonnes choses et de rebâtir les relations avec les peuples autochtones. »
« C’était encourageant de savoir que des parlementaires étaient très attachés à la cause et qu’ils feraient leur part pour que le 30 septembre devienne une journée nationale, poursuit-elle. Il reste beaucoup à faire. Je vais continuer à travailler pour faire une différence pour les personnes autochtones. »
En ce sens, il semble que même chaque geste peut peser dans la balance. Même acheter un gilet à sa petite-fille pour la rentrée.