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(Traduction des extraits de l’article par Serge Morissette) Le chemin de fer Transcontinental vient de trancher un autre morceau du terrain qui appartenait jusqu’à maintenant aux commerçants de la Compagnie de la Baie d’Hudson et ses alliées des Premières Nations — Poor Lo débarque de son canoë près de la route principale du commerce de la fourrure, c’est-à-dire la rivière Missinaibi, et est émerveillé devant le spectacle de deux ingénieurs du chemin de fer, habillés en blanc et jouant au tennis (à Mattice). 

Hearst est le dernier centre divisionnaire à être créé entre Cochrane et Winnipeg et c’est ici que les anciennes coutumes confrontent continuellement l’industrie moderne. Hearst se trouve à 130 milles à l’ouest de Cochrane, qui est le carrefour ferroviaire des chemins de fer Transcontinental et Timiskaming and Northern Ontario — c’est la seule communauté organisée depuis Cochrane. D’autres communautés auraient pu être créées si le gouvernement ontarien avait voulu, mais celui-ci a constamment refusé. 

Le terrain s’étend par niveau comme les prairies. Ici on retrouve des bouleaux et des peupliers, ce qui signifie un terrain élevé et sec ; là, un mur de pins gris dénote un terrain sablonneux où les ingénieurs du chemin de fer prennent le ballast nécessaire (gravier) afin de former une base solide pour les rails et les traverses ; et finalement une verdure épaisse d’épinettes dans un terreau profond qui représente le meilleur sol possible, mais le plus difficile à défricher. Sur la distance de 130 milles, environ 100 milles se trouvent à être du bon sol arable. Les marécages ne sont pas fréquents. 

La plupart des villages dans le Nord de l’Ontario ont été construits trop rapidement au début, mais à Hearst, c’est le contraire : l’un des contracteurs a un traitement de salaire de 60 000 $, mais il n’y a pas de banque. Pour qu’une entreprise locale se développe, le propriétaire doit constamment avoir assez de monnaie courante pour encaisser les chèques des travailleurs. Il n’y a pas de magasin pour l’ameublement, mais un homme d’affaires de North Bay vient tout juste de commencer à ériger une quincaillerie. On construit présentement deux hôtels à Hearst, mais le besoin existait déjà depuis un certain temps. 

Il est difficile de prédire l’avenir de Hearst après le départ des deux-mille hommes employés pour la construction des chemins de fer ; le village devra se débrouiller par ses propres moyens. Il est certain que Hearst sera un centre d’agriculture, mais on sait que les communautés agricoles grandissent lentement. 

À l’ouest de Hearst se trouvent environ 100 milles carrés de terrain presque dénudé d’arbres dû à un feu de forêt antérieur. Le terrain est presque aussi facile à défricher que celui des prairies de l’Ouest. Le gouvernement ontarien aménage présentement quatre cantons le long de la rivière Nagagami, une des meilleures rivières pour la pêche à la truite mouchetée dans le Nord et il y a déjà eu plusieurs demandes d’information pour des fermes. 

Hearst sera aussi un carrefour ferroviaire pour le chemin de fer Algoma Central qui offrira un lien de 200 milles entre le chemin de fer Transcontinental et le lac Supérieur tout en traversant les chemins de fer Canadien Pacific et Canadian Northern. Le charbon coutera moins cher à Hearst qu’à North Bay parce qu’il peut être transporté à partir du lac Érié jusqu’à Michipicoten pour 40 cents la tonne et peut-être ensuite dirigé au Transcontinental par chemin de fer. Ceci s’applique aussi à l’acier et aux autres produits qui sont moins dépendants de la rapidité du transport. L’Algoma Central possède aussi une chartre qui lui permet de continuer son parcours jusqu’à la baie James, mais ceci est fort improbable en ce moment. 

Le chemin de fer National Transcontinental dépense près de 200 000 $ pour la construction d’une rotonde ferroviaire avec 12 travées d’atelier à être complétée cet automne, en plus de la gare, de deux maisons de sections ferroviaires et d’une glacière (ice house) qui seront toutes près du chemin de fer. La rotonde ferroviaire contient une grande véranda à côté de laquelle les hôtels du village ressemblent à des boites d’emballage. La glacière à elle seule coutera plus cher que deux maisons de chambres et pension. 

Officiellement, Hearst n’a aucune boisson alcoolisée, et il faut dire aussi que le wagon d’eau n’est pas très populaire. Mais il est préférable de ne rien faire d’illégal à Hearst : la loi pèse exactement deux-cent-soixante livres et s’il y a un peu de graisse sous la peau, ce n’est pas évident ! John Crawford, policier fédéral, gère un magasin de produits séchés en plus d’agir comme policier et chauffeur de la voiture à essence de John B. O’Brien (frère et contremaitre pour Michael J. O’Brien). Il n’y a pas de prison, alors M. Crawford enchaine ses prisonniers au comptoir du magasin, à la vue des clients – personne ne s’est évadé à ce jour. La boisson fermentée est tellement rare que le moonshine est en vigueur. On dit que pour s’assurer que le moonshine ne contient pas de gazoline, il suffit d’approcher une allumette en feu près du bouchon et si le tout n’explose pas, c’est du moonshine ! De toute façon, ça amène un peu d’effervescence dans la vie monotone des pionniers.

Photo : Fonds John T. Gorman et Bibliothèque et Archives Canada