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ÉMILIE GOUGEON-PELLETIER

Initiative de journalisme local — Le Droit

La Ville d’Ottawa, la province et le gouvernement fédéral ont tous indiqué au Droit n’avoir reçu aucune demande de financement pour le projet de refuge de l’Armée du Salut dans le quartier Vanier.

Le complexe, qui doit inclure 32 logements avec des services de soutien et un refuge d’urgence avec 99 lits, a obtenu le feu vert du Comité de l’urbanisme en juin 2022, presque six ans après la toute première présentation du projet.

L’établissement, qui sera bâti en forme de « H » au 333, chemin Montréal, sera composé d’une aile de quatre étages à l’ouest et de trois étages au côté est, et ces deux ailes seront liées par un espace partagé.

Or, le projet de l’Armée du Salut, dont le coût de construction était estimé à 50 millions de dollars en 2020, n’aurait fait l’objet d’aucune demande auprès des différents paliers gouvernementaux.

« À ce jour, l’Armée du Salut n’a fait aucune demande de financement auprès de la Ville d’Ottawa et n’a pas reçu de fonds de la Ville pour son nouvel établissement sur le chemin de Montréal », affirme le gestionnaire des Programmes de lutte contre l’itinérance et des refuges de la Ville d’Ottawa, Paul Lavigne.

Une source haut placée au sein du gouvernement Ford a affirmé au Droit que le ministère des Affaires municipales et du Logement n’a pas connaissance de quelconque demande à propos de ce projet.

Par ailleurs, le plan, dans sa forme actuelle, ne cadre pas tout à fait avec les objectifs du ministre Steve Clark. « L’époque de l’ancien système de refuges est révolue », avait-il déclaré en 2021, affirmant que les fonds provinciaux offerts aux municipalités doivent financer des projets de logements abordables et de logements avec services de soutien.

« À ce que je sache, l’Armée du Salut n’a pas fait de demande de financement au niveau fédéral », a déclaré en entrevue la députée fédérale d’Ottawa-Vanier, Mona Fortier.

Bloquer le financement

Lorsque le plan de site du refuge a été approuvé l’été dernier, Mathieu Fleury, alors conseiller municipal de Rideau-Vanier, avait noté, en entrevue avec Le Droit, que l’organisme n’avait « jamais voulu répondre clairement s’ils ont les fonds [pour la construction du complexe] ou s’ils feront des demandes aux différents niveaux de gouvernement ».

Selon le leader de SOS Vanier et propriétaire du Finnigan’s Pub (voisin du futur complexe) Drew Dobson, le nouveau conseil municipal aura des décisions importantes à prendre bientôt.

« Le dernier conseil a résolu les problèmes de zonage entourant le projet de refuge de l’Armée du Salut au 333, chemin Montréal. Ce [nouveau] conseil doit maintenant décider si le financement doit être consacré au logement abordable, au logement supervisé et au logement d’abord ou s’il sera redirigé vers l’entreposage des sans-abri dans un refuge. Si nous décidons de continuer à entreposer les sans-abri, nous devons avoir une discussion sur combien il en coûtera à la ville pour financer le fonctionnement de ce nouveau refuge et où nous obtiendrons ces fonds. »

Mathieu Fleury avait souligné que la Ville d’Ottawa « n’a pas les moyens de financer les logements abordables qui seraient offerts par l’Armée du Salut et que l’organisme devrait probablement devoir se tourner vers les gouvernements fédéral et provincial ».

Mais même si l’organisme finit par déposer une demande auprès des gouvernements municipal, provincial ou fédéral, la députée provinciale Lucille Collard dit avoir la ferme intention de faire ce qu’elle peut pour bloquer un éventuel financement.

« Je fais mon démarchage politique, je parle à tous ceux qui ont le pouvoir là-dedans. […] Je veux essayer d’obtenir la collaboration pour s’assurer que l’on finance des modèles viables », affirme la députée libérale.

Rencontre

Jeudi dernier, le maire d’Ottawa Mark Sutcliffe a organisé une rencontre avec les représentants de l’Armée du Salut Glenn van Guilk et Marc Provost, la conseillère municipale de Rideau-Vanier Stéphanie Plante et le leader du mouvement SOS Vanier, Drew Dobson.

« Je milite pour le logement supervisé dans mon quartier de Rideau-Vanier et à l’échelle de la ville et je n’appuie pas les hébergements d’urgences sur la rue Montréal ou à Vanier », a déclaré Stéphanie Plante dans une déclaration suivant cette réunion.

La conseillère « recommande fortement » que l’Armée du Salut consulte les résidents du quartier et ses organismes communautaires « afin de discuter de ses projets et de répondre aux préoccupations majeures relatives à la sécurité qui ont été soulevées par la communauté, les entreprises et les organisations touchées par le projet ».

Logement d’abord

Les opposants au projet insistent pour dire qu’ils ne sont pas contre l’Armée du Salut et qu’ils ne prônent pas le « pas dans ma cour », mais qu’ils croient que l’organisme doit revoir son projet qu’ils jugent désuet.

Des représentants de la Zone d’amélioration commerciale de Vanier, du Centre Pauline-Charron et de l’Ottawa Aboriginal Coalition ont déjà signifié leur opposition au plan de site.

« Le modèle des refuges, c’est dépassé. Il faut regarder vers le logement, avec une clé, et du soutien pour aider les personnes sans abri », réitère Lucille Collard.

Mona Fortier fait écho aux propos de sa collègue. « Mon message, c’est que je pense toujours que c’est un mauvais projet pour la communauté entière. Il faut continuer à mettre nos efforts vers le principe de logement d’abord. »

Les deux élues invitent l’Armée du Salut à s’inspirer des modèles de logements abordables préconisés par des organismes comme les Bergers de l’espoir et la John Howard Society, dont les projets ont été approuvés à la Ville d’Ottawa au cours des deux dernières années.

Si l’Armée du Salut retourne à la planche à dessin et modifie son projet pour le rendre conforme au principe de « logement d’abord », le gouvernement fédéral pourrait le financer, souligne la députée Fortier.

L’Armée du Salut n’a pas accepté notre demande d’entrevue et n’a pas répondu à nos questions envoyées par courriel.

— Avec Charles-Antoine Gagnon