En faisant de la recherche sur l’histoire de Hearst, je découvre un article de quelques lignes qui me fait gonfler le coeur de fierté. Il s’agit d’un exploit extraordinaire accompli par l’un des nôtres. L’article est publié le 21 aout 1944 dans le Ottawa Evening Citizen. Il ne s’agit que de quelques lignes, mais si on voyage dans le temps et s’imagine les dangers possibles de vols au-dessus des forces ennemies avec des bombes (missiles sol-air) qui explosent tout autour de l’avion en plus des centaines de balles de mitraillettes et des avions ennemis, comment ne pas admirer le courage de ces pilotes canadiens et comment peut-on ne pas être fier devant le fait que l’un d’eux est un p’tit gars de Hearst ?
Voici l’article (traduction – Serge Morissette). 21 aout 1944 – « Les pilotes canadiens d’avions Spitfire et Typhoon ont détruit et endommagé plus de 400 véhicules allemands en fin de semaine lors d’attaques contre la 7e armée allemande. Le lieutenant B.T. Gilmour de St. Thomas, Ontario, et l’officier James McVeigh Flood de Hearst, Ontario, ont chacun réussi huit attaques sur ces véhicules avec succès. »
Je décide alors de publier cet article et je retourne rapidement dans mes notes afin de trouver une photo pour l’accompagner. Ce que je trouve, cependant, jette un froid glacial sur mon enthousiasme et en même temps m’aide à comprendre les hauts et les bas qu’ont dû vivre les soldats et leur famille durant la guerre. James McVeigh Flood, pilote de Spitfire, est porté disparu cinq jours après la publication de cet article, soit le 26 aout 1944.
Selon une enquête ouverte par les Forces aériennes canadiennes, James McVeigh Flood s’est envolé avec son escadron de la base en Angleterre le 26 aout 1944 à 8 h 33 dans le but de faire une reconnaissance armée de Fleury sur Forêt/Andelle dans la région de Lyon. L’officier Flood est rapporté disparu après avoir attaqué une section de 20 avions ennemis. Le pilote de l’avion 125 Wing rapporte qu’un avion Spitfire portant les lettres AU’C’ avait été frappé et qu’il s’était écrasé à environ cinq milles au sud-est de Dieppe. Le chef d’escadron avait mentionné plus tôt que, lors de leur vol vers Lyon, ils avaient été témoins d’une attaque aérienne envers des avions alliés par des forces supérieures ennemies. Ils sont allés à leur rescousse, mais n’ont rien vu. De retour en formation, il a été noté que l’avion de l’officier Flood était absent. Plus tard, on rapporte que le corps de l’officier James McVeigh Flood a été trouvé près de son avion par le maire de Rivelle-la-Baignarde, situé à environ cinq milles au sud-est de Dieppe, France.
On décide alors que James McVeigh Flood est décédé le 26 aout 1944, à l’âge de 22 ans. Rappelons que le père de James McVeigh Flood, James Flood, est maire de Hearst dans le temps. La photo de John McVeigh Flood qui accompagne cet article publié par Ernie Bies sur le site Hearstory provient du Musée canadien de la guerre.
Pour le 100e de la Ville de Hearst, plusieurs activités en lien avec l’histoire de la capitale de l’orignal ont été organisées par des sous-comités. L’un d’entre eux a soumis l’idée de faire un parcours, style rallye, dans lequel les gens pourraient découvrir l’origine historique des noms donnés à certaines rues de la municipalité.
Le choix des rues qui allaient figurer dans le rallye a été fait dans l’optique de toucher des catégories différentes de l’histoire de la ville, qui font ce qu’elle est aujourd’hui.
Place Lambert,pour le clergé
Le clergé occupe une place importante dans la fondation de la ville ainsi que dans la vague migratoire des Québécois à partir des années 1920. Zöel Lambert voit le jour à Saint-Nicolas au printemps de 1895. Ayant déterminé sa vocation religieuse il sera ordonné en 1920 et l’abbé Lambert est attendu par le préfet apostolique de la Ville de Hearst. « Mgr Joseph Hallé en fait rapidement son bras droit, en lui confiant de nombreuses responsabilités diocésaines, religieuses, éducatives, sociales et politiques. (…) L’abbé Lambert s’implique sans compter dans le projet de colonisation de Mgr Hallé et du clergé canadien-français qui rêve de créer un diocèse agricole francophone dans le Nord-Est ontarien », écrit Danielle Coulombe dans son ouvrage Coloniser et enseigner.
Pour réussir leur projet, ils mettaient l’accent sur deux choses : la religion catholique et la langue française, essentielles pour la survie de la communauté francophone en situation minoritaire. L’abbé Lambert connaissait l’importance d’une éducation francophone pour les jeunes catholiques de Hearst ; il s’investit beaucoup auprès des enfants du couvent Saint-Joseph. Par la suite, il aide grandement au projet de la construction d’une école séparée bilingue, l’école Sainte-Thérèse.
Son dévouement l’amène à la nomination, en 1929, de la superintendance, avec pleine juridiction et l’autorité absolue de voir à tous les détails et toutes les démarches relatives à la construction de l’école.
L’abbé Lambert aimait les sports et les activités de plein air, il ne manquait pas de faire profiter les enfants des joies de l’hiver en construisant une glissoire ou une patinoire dans la cour d’école. Il organise aussi des équipes sportives qui joignent les enfants anglophones aux francophones, et rivalisent avec les équipes des villages voisins.
Il se fait régulièrement le porte-parole du diocèse auprès des autorités politiques, tant fédérales que provinciales. Il se rend souvent à Toronto pour promouvoir la colonisation agricole et faire connaitre les revendications de la communauté franco-ontarienne.
Malgré le décès de son mentor, Mgr Hallé en 1939, l’abbé Lambert reste dans la région et continue à servir le diocèse. Il est reconnu pour son travail et son dévouement en 1943 par le pape Pie XII qui lui donne le titre honorifique de Monseigneur. En 1952, il quitte Hearst, mais revient 20 ans plus tard, pour y mourir en 1985.
Danielle Coulombe écrit : « Figurant à juste titre comme l’un des fondateurs du diocèse de Hearst et l’un des piliers dans l’émergence et le développement de la communauté francophone de Hearst, Mgr Lambert témoigne par son engagement et son dévouement de l’importante contribution du clergé catholique de langue française dans l’histoire de la ville de Hearst. Contribution que cette dernière reconnait à sa façon, grâce à la Place Lambert, située dans le quartier St-Pie X. »
Juste à côté de la Place Lambert, il y a la Place Charbonneau, en l’honneur de Mgr Joseph Charbonneau, le premier évêque de Hearst. Cet évêque a pu compter sur l’appui de Mgr Lambert tout au long de son passage ici.
Phot0 de l’abbé Lambert, Facebook de l’Écomusée de Hearst
La rivière Mattawishkwia, le lien avec les Premières Nations
« Mattawishkwia. Le nom de cette rivière qui longe et traverse la ville de Hearst est d’origine autochtone et signifie, selon l’interprétation officielle établie par l’arrêté municipal no. 20-02 Bends in the Mouth of the River. D’autres sources proposent parfois comme interprétation “ eaux peu profondes ” ou encore “ Ville de la rivière ” », écrit Mélissa Vernier, historienne et archiviste au Centre d’archives de la Grande Zone argileuse.
Cette rivière a servi pendant longtemps de route pour accéder au nord de l’Ontario, aux communautés des Premières Nations. Ils l’empruntaient pour aller sur leurs territoires de chasse et de trappe et, un peu plus tard, aux comptoirs de traite des fourrures de la Compagnie de la Baie d’Hudson ou la Compagnie Révillon Frères.
De nos jours, la rivière est toujours utile, c’est la source d’eau potable de la ville et un endroit pour pratiquer de nombreux loisirs, été comme hiver.
Mélissa Vernier, historienne et archiviste, décrit le cours d’eau comme suit : « Le bassin hydrographique de la Mattawishkwia déverse ses eaux sur les terres ancestrales des Cris et des Ojibwés, signataires du Traité no 9. Cette entente négociée en 1905, non pas avec les Premières Nations concernées, mais plutôt entre Ottawa et l’Ontario, avait pour objectif de libérer le nord de l’Ontario du droit d’usage autochtone et d’ouvrir le territoire à la colonisation, à la construction de chemins de fer et à l’exploitation des richesses naturelles ».
Les ententes ne laissaient aucun droit aux nations autochtones de participer aux prises de décisions. Ces groupes de personnes recevraient une indemnité financière, un système scolaire pour les assimiler, des réserves situées à des kilomètres parfois de leur territoire de chasse et des droits de chasse, de pêche et de trappe dans des limites établies.
Les premiers arpenteurs et cartographes à visiter la région écrivaient le nom de la rivière de plusieurs manières, en utilisant seulement la phonétique pour finalement l’écrire comme elle est connue aujourd’hui.
Plan de la ville de Hearst en 1919, Centre d’archives de la Grande Zone argileuse
L’arpenteur-géomètre et historien dans l’âme Ernie Bies fait une lecture fort intéressante du plan d’aménagement urbain de Hearst de 1911. Selon son analyse, le lotissement de Hearst a d’abord brièvement porté le nom de Mattawishguia. Il fait remarquer, entre autres, la rayure sur le mot Mattawishguia Townsite et l’inscription superposée de « Hearst », vraisemblablement à partir de 1912, afin de souligner le rôle de William Howard Hearst, alors ministre du Département des Forêts, des Terres et des Mines de l’Ontario.
Il n’est pas rare que les rues ou des endroits soient renommés en mémoire de personnes importantes de la communauté, mais pour la rivière ou d’autres lacs et cours d’eau de la région, l’appellation traditionnelle autochtone perdure. On pense aux noms Kabinakagami, Minnipuka, Missinaibi, Nagagamisis, Pivabika, etc.
Au début du 20e siècle, le père missionnaire Ovila Paquette était bien connu des gens du Nord de l’Ontario. Faisons un retour sur sa vie. Tout d’abord, mentionnons que Ovila François Paquette est né à Ripon au Québec en 1877. Il a fait ses études universitaires à l’Université d’Ottawa et au noviciat des oblats à Ville LaSalle. Il fut ordonné père oblat en 1905. Il est curé de la paroisse de Mattawa de 1907 à 1917.
Pendant son séjour dans le Nord de l’Ontario, il agit comme missionnaire pour le diocèse de Haileybury, surtout dans la région de Hearst. En 1917, il fonde la première paroisse de Hearst et en est le curé de 1917 à 1918. La messe du dimanche est célébrée deux fois par mois à Hearst, à Moonbeam et à Kapuskasing. À l’arrivée de Mgr Joseph Hallé à Hearst en 1919 et des religieux séculaires, le père Paquette demande aux oblats de s’occuper des villages naissants à l’est du vicariat apostolique.
Le père Paquette déménage donc à Moonbeam et fonde la paroisse en 1920. Elle est cédée au clergé diocésain le 20 février 1921. Le père Paquette est ensuite placé à Kapuskasing ; il y fonde la première paroisse Immaculée Conception de Kapuskasing en 1921.
En 1925, le père Paquette retourne à Ottawa pour devenir aumônier du monastère du Bon-Pasteur. En 1928, il est appointé curé de la paroisse Sainte-Famille d’Ottawa-Est. En 1930, il devient supérieur des oblats à Maniwaki.
Le père Ovila François Paquette est décédé à l’Hôpital Général d’Ottawa le 15 janvier 1936, à l’âge de 58 ans.
La photo provient du bouquin du 50e anniversaire de la paroisse Notre-Dame de l’Assomption.
Pour le 100e de la Ville de Hearst, plusieurs activités en lien avec l’histoire de la capitale de l’orignal ont été organisées par des sous-comités. Les membres de l’un d’entre eux ont eu l’idée de faire un parcours, style rallye, dans lequel les gens pourraient découvrir l’origine historique des noms donnés à certaines rues de la municipalité.
Le choix des rues qui allaient figurer dans le rallye a été réalisé dans l’optique de toucher des catégories différentes de l’histoire de la Ville qui font ce qu’elle est aujourd’hui.
Veuillez noter que la source des textes est indiquée en bas de page. Les auteurs ont permis le partage des informations recueillies dans le cadre de l’activité. Les textes ont été soumis par le Centre d’archives de la Grande Zone argileuse de Hearst.
Les femmes d’affaires
« La rue Rose, qui est située dans l’arrondissement connu sous l’appellation Hearst Trailer Park, souligne l’importante contribution à la Ville de Hearst de la femme d’affaires qu’est Rose Lecours », écrit son fils, Gilles Lecours.
Rose Veilleux arrive à Hearst de Sainte-Lucie-de-Beauregard en 1924 à l’âge de 3 ans. Son père était un homme de bois, c’est donc dans ce domaine qu’il travaille, amenant avec lui sa femme et leurs enfants dans les camps de bucherons. Rose a été envoyée au couvent qui prenait des pensionnaires puisqu’il n’y avait pas d’école dans les camps. À sa sortie, elle fréquenta un peu l’école du rang Casgrain, mais décida d’abandonner parce que la marche était trop longue. Malgré le fait qu’elle n’a pas pu étudier plus que la 4e année, Rose s’est occupée de l’éducation de ses frères à la maison pendant que ses parents travaillaient à l’extérieur.
Rose avait 19 ans lorsque son père achète une maison plus près de la ville et elle rencontre son époux pour la première fois à Carey Lake. Maurice Lecours et elle se marient en 1944, lui avait 21 ans et elle 23 ans.
Au début du mariage, le couple habitait à Calstock, puisque Maurice travaille pour l’entreprise forestière de son père, Arthur. Après trois ans de vie commune, Rose et son mari déménagent à Hearst et deviennent les propriétaires de l’entreprise Maurice Lecours Ltd.
Le magasin situé au 817 rue George approvisionne les gens de la communauté en tabac, peinture et produits essentiels à la maison. Un peu plus tard, la vocation du magasin change et Rose vend plutôt des vêtements et des chaussures pour tous.
Rose y travaille pendant 37 ans. Elle employait deux personnes et une autre qui s’occupait des enfants dans la cuisine adjacente au magasin.
En 1977, les Lecours acquièrent une deuxième entreprise : Hearst Trailer Park Ltd. « Maurice y travaille avec son fils Gilles pour ajouter des rues, des maisons mobiles et améliorer leur propriété ; Rose gère les finances, les loyers et tout le reste. Aujourd’hui, Rose agit toujours comme consultante en gestion auprès des propriétaires… ses enfants », raconte Gilles.
Femme d’affaires et de famille, Rose Lecours s’est impliquée dans plusieurs organismes communautaires, notamment les Filles d’Isabelle, la Fédération des femmes canadiennes-françaises, le Club de l’âge d’or, etc.
Mme Rose Lecours a eu 100 ans en 2021. Elle a eu droit à plusieurs belles célébrations pour souligner son passage vers un nouveau centenaire, qui s’adonnait à être en même temps que les célébrations du 100e de la Ville de Hearst. Encore aujourd’hui, Mme Lecours crée et fabrique des courtepointes qu’elle fait parvenir à des familles dans le besoin de la région et de la République dominicaine.
Rue Alexandra –1er Lotissement
« Hearst doit son emplacement géographique et son lotissement fondateur aux ingénieurs des compagnies ferroviaires. En effet, les rues furent tracées selon les limites de la cour de triage et, dès 1915, elles sont baptisées des noms qu’elles portent encore aujourd’hui. La rue principale, appelée Front, est celle qui longe le chemin de fer d’est en ouest. Habituellement, les rues dénommées “ Front ” correspondent à un port ou à un front de mer. Dans le cas de Hearst, la gare qui est construite à cette époque va jouer ce rôle de port d’arrivée. » (Laurent Vaillancourt)
Les rues qui y sont parallèles portent le nom de membres de la famille royale britannique du début du 20e siècle, une pratique courante à l’époque.
Laurent Vaillancourt explique dans son texte comment chaque nom de rue a été choisi dans le premier lot à Hearst : « La rue George porte le nom du roi George V (1910-1936). La rue Prince fait nommément référence à la royauté alors que la rue Alexandra salue Alexandra de Danemark, princesse danoise et épouse d’Edward VII qui fut roi d’Angleterre (1901-1910). Quant à la rue Kitchener, elle doit son nom à Lord Horacio Herbert Kitchener, un militaire et ministre britannique. Les rues transversales, qui s’alignent sur un axe nord-sud, sont numérotées de la Première, à l’est, où se trouve le cimetière Riverside, jusqu’à la Douzième, à l’ouest où se trouvait autrefois la ferme de démonstration. »
Entre les années 1920 et 1970, les limites de la ville s’en tenaient au premier lotissement, pour finalement allonger ses artères principales jusqu’à la 15e Rue. Il y avait tout de même des maisons au nord du chemin de fer à partir des années 1930, ce quartier était surnommé McManusville, pour enfin devenir le quartier St-Pie X, tel qu’il est connu de nos jours. L’autre quartier sur la rive sud de la rivière Mattawishkwia était surnommé Louisbourg, les deux ont été annexés à la ville de Hearst en 1976.
« En 1972, le programme de Ontario Housing, de la Corporation immobilière de l’Ontario, permet la construction le long de la 15e Rue de maisons à prix abordable, ce projet va contribuer à lancer le développement de nouvelles rues. (…) Depuis ce temps, le quartier ne vieillit plus. On l’appelle “ le coin des maisons neuves ”.
Le secteur de Wyborn a été loti la même année que la rue Alexandra, portant le nom de Hazel en 1915, et renommé en l’honneur du premier maitre de poste. Il s’annexe à Hearst seulement en 1989 et depuis, les limites de la ville sont restées les mêmes.
En septembre 1957, après quatre ans à l’École Sainte-Thérèse, je passe en 5e année à l’École Saint-Louis qui se trouve juste de l’autre côté de la 10e Rue, entre l’aréna et la rivière. L’École Saint-Louis (voir photo) est ouverte depuis 1953 et reçoit les élèves de la 5e à la 8e année. Il y a six classes dans l’école, quatre au deuxième étage et deux au rez-de-chaussée. Les élèves sont répartis comme suit : une classe de 5e année, une de 6e, une de 7e, une de 8e et deux classes doubles, soit une 5e et 6e ainsi qu’une 7e et 8e. Il n’y a pas de sous-sol à Saint-Louis, mais on retrouve une grande salle au rez-de-chaussée pour les réunions avec tous les élèves, les journées d’intempérie, les réunions avec parents et pour de multiples autres occasions. Comme à Sainte-Thérèse, la porte d’entrée que vous voyez sur la photo, au coin des rues Edward et 10e, est réservée aux professeurs, parents et tout autre invité. Le bureau de la soeur « principale » se trouvait tout près de cette porte. Il y a des salles de toilette pour garçons et pour filles à chaque étage et, je crois, une salle des profs au deuxième. Pas de gymnase ni de bibliothèque.
Le matin (la cloche sonne à 9 h), lors des récréations et après le « lunch » (la cloche de l’après-midi sonne à 13 h 30) nous nous amusons surtout au sud et à l’ouest de l’école. Lorsque la cloche sonne, nous prenons nos rangs près de la porte sud-ouest. Après les annonces de la journée, nous suivons nos profs en traversant un petit corridor. Juste à notre gauche, il y a un escalier pour aller au deuxième étage. Quatre groupes d’élèves montent l’escalier avec leur enseignante. Devant l’escalier, au rez-de-chaussée, se trouve l’entrée pour la grande salle, que les deux autres groupes d’élèves traversent pour se rendre à leur classe. La cloche pour la fin de la journée scolaire sonne à 16 h (4 h).
Les élèves que je côtoie à l’École Saint-Louis sont sensiblement les mêmes qu’à Sainte-Thérèse. Vers la fin des années 50, le gouvernement provincial encourage la centralisation et les conseils scolaires se voient dans l’obligation de fermer, l’une après l’autre, les écoles de campagne, notamment Ryland, Hallébourg, Lac Sainte-Thérèse et quelques autres le long des concessions. Dans les années 60, on continue à fermer les écoles de campagne et après un certain temps, il ne reste que les écoles élémentaires à Jogues (qui fermera plus tard), Mattice, Louisbourg et Saint-Pie X. Vers la fin des années 60, tous les élèves de 7e et 8e année doivent se rendre à l’École Saint-Louis (ou à Saint-Jacques en attendant la construction de nouveaux locaux à Saint-Louis). Lorsque j’ai commencé à enseigner en 1970, il y avait six classes de 7e et six classes de 8e année, mais l’école avait aussi un beau gymnase et une bibliothèque ainsi qu’une douzaine de salles de classe de plus.
Les jeux dans la cour de l’école incluent toujours les billes, le hopscotch, le saut à la corde, et les échanges de cartes de hockey et des comics), mais il n’y a pas de swing ou de glissade en bois à Saint-Louis. Au début, on se fait des glissades naturelles vers la rivière, mais après quelques années les autorités interdisent ce jeu à cause du danger possible. En 1958, lorsque je suis en 6e année, je suis choisi pour faire partie de la chorale pour la messe de minuit dans le gymnase du Collège de Hearst. La cathédrale a certainement sa propre chorale d’adultes, mais la messe de minuit fait tellement partie de la tradition des gens de Hearst qu’il n’y a pas assez de place pour tous les paroissiens qui veulent assister. Les autorités décident alors d’avoir une deuxième messe de minuit dans le nouveau gymnase du Collège de Hearst. Wow ! Quelle belle expérience que de chanter l’Agnus Dei, le Kyrie, le Venez divin Messie, Les anges dans nos campagnes et tous les autres chants de la messe de minuit devant une salle comble (hé oui, la cathédrale aussi était pleine) à l’âge de 12 ans. Je crois fermement que la plupart des paroissiens se sou- viennent encore de plusieurs mots de ces cantiques.
Le concours de français est aussi très populaire à cette époque ; certains de nos étudiants ont remporté plusieurs prix locaux, régionaux et même provinciaux. Plusieurs des enseignants et enseignantes sont des Soeurs de l’Assomption, mais on y voit de plus en plus de laïcs, incluant des hommes.
J’ai passé de très belles années à l’École Saint-Louis de 1957 à 1961. J’y suis revenu plus tard comme enseignant de 1970 à 1984 et j’ai eu la chance de connaitre des profs et des élèves formidables. On a souvent tendance à contester notre système d’éducation parce que nous sommes tellement isolés et nos ressources sont limitées, mais lorsque je considère le nombre de professionnel(le)s qu’on a produit pour le monde des affaires, l’éducation, la médecine et les services juridiques, pour les métiers ainsi que pour les services publics et gouvernementaux, il me semble qu’on peut se féliciter du travail bien accompli.
Pour ma part, la formation et l’expérience que j’ai acquises durant ces années à l’École Saint-Louis, ajoutées à l’expérience de grandir dans un village comme Hearst avec des parents et des amis qui m’ont toujours appuyé, ont servi de support immesurable dans ma carrière. J’en suis très reconnaissant et je remercie tous les gens qui ont oeuvré en éducation à Hearst.
Photo principale : livre du 50e anniversaire de la paroisse de Notre-Dame de l’Assomption
La radio CFCL – La première station de radio française en Ontario, CFCL Timmins, commence à diffuser des émissions en décembre 1951. La création de CFCL par Conrad Lavigne, fondateur-propriétaire, marque un tournant dans le développement culturel des collectivités franco-ontariennes du Nord de la province. Diffusé sur la fréquence 580 de la bande MA, la radio porte les lettres CFCL, soit Canadien-français Conrad Lavigne. La station met en vedette des artistes talentueux de la région et assure une couverture des évènements locaux. La programmation de la station est généralement en français, mais elle diffuse aussi des émissions en anglais, en italien et en ukrainien.
Je me souviens que dans les années 50, toute la famille se rassemblait devant la radio après le souper pour réciter Le chapelet en famille, ceci était suivi, souvent, du programme Un homme et son péché et, si les Canadiens jouaient ce soir-là, de La Soirée du hockey. Il y avait aussi des émissions telles que Les Joyeux Troubadours, Chez Miville, Les nouvelles de chez nous, Les deux Jeanne, Yvan l’intrépide, René et Georgette, Les Gais Lurons, Les Hirondelles ainsi que plusieurs spectacles de musique.
Le Rendez-vous sur la colline – Après l’euphorie suscitée par la création de la station, les auditeurs appellent de très loin pour présenter des demandes spéciales et pour faire des dédicaces. Les dédicaces personnelles deviennent tellement populaires qu’on crée l’émission Curb Service, permettant aux passants de faire des dédicaces en direct, en français ou en anglais. L’hôte de l’émission se tient sur le trottoir devant la station, un microphone à la main. La réaction de la population est tellement pleine d’enthousiasme que des agents de la police doivent diriger la circulation aux abords de la station. En 1956, on construit une nouvelle station sur la côte de la rue Pine et l’émission devient Rendez-vous sur la colline. En 1971, André Boisvert est l’animateur de l’émission. On se permet de visiter les différentes municipalités du Nord de l’Ontario, de Hearst à Kirkland Lake.
Je me rappelle qu’au début de cette émission plusieurs jeunes gens de Hearst se rendaient à Timmins pour participer au Rendez-vous sur la colline. Les dédicaces des jeunes gens étaient souvent loufoques : « pour mon père, ma mère, mes frères, mes soeurs, mon chum, mon chien… », « pour tout le monde que je connais et tout le monde que je ne connais pas… », « pour les gens dans le char d’en avant et the ones in the car in the back… ». L’émission est venue quelques fois à Hearst et a toujours été très populaire auprès des jeunes. Malheureusement, le Rendez-vous sur la colline s’est éteint lorsque la station a été vendue.
La télévision CFCL – La télévision CFCL a débuté avec le nouvel édifice en 1956. La programmation se faisait dans les deux langues. Au début des années 60, Conrad Lavigne installe un transmetteur d’ondes près de Hearst et voilà que plusieurs dans la région de Hearst se procurent un téléviseur. Cela me fait sourire étant donné qu’au début, certains de nos pionniers se méfiaient de cet appareil qui amenait des photos de la vie des autres dans leur maison. Ils allaient même jusqu’à mettre leurs costumes du dimanche au cas où ce machin pourrait aussi prendre des photos d’eux.
En français, à Hearst, on rencontre le commentateur tant respecté de La Soirée du hockey, René Lecavalier. Puisqu’on ne diffuse que la troisième période de la partie le samedi soir, les gens attendent avec impatience que la « neige » disparaisse à la télévision et que l’action commence. Un homme et son péché de la radio devient Les Belles Histoires des pays d’en haut . On y ajoute plus tard Les Beaux Dimanches, Les couche-tard, Le Bye bye de la fin d’année et plusieurs autres émissions. Skippy le kangourou, Grujot et Délicat, notamment, visent le divertissement des enfants.
En anglais, c’est la lutte du samedi avec Mad Dog Vachon, et les programmes Little Beaver, Gino Brito, Untouchables, Bonanza, Perry Mason, Wagon Train, Gunsmoke, My Three Sons, Leave It to Beaver…
Pour le 100e de la Ville de Hearst, plusieurs activités en lien avec l’histoire de la capitale de l’orignal ont été organisées par des sous-comités. L’idée de produire un parcours, style rallye, dans lequel la population et les touristes pourraient découvrir l’origine historique des noms donnés à certaines rues de la municipalité a été retenue et devient en quelque sorte un legs du 100e.
Le choix des rues qui allaient figurer dans le rallye a été fait dans l’optique de toucher des catégories différentes de l’histoire de la ville, qui font ce qu’elle est aujourd’hui.
Les services de santé
La rue Arkinstall, ce petit cul-de-sac situé sur la rue West, a été nommée en l’honneur du couple de médecins William et Margaret Arkinstall.
William, communément appelé Bill, est né en 1899 dans une collectivité rurale est-ontarienne. Prédestiné à reprendre la ferme laitière familiale à l’âge adulte, il décide d’opter pour des études en médecine. Une fois diplômé de l’Université Queen’s en 1930, sa spécialisation en chirurgie l’amène à prendre le poste de chirurgien à la United Women’s Missionary Society à Hearst.
Avant de s’installer dans la région, il fait la connaissance de Margaret Smith, une Écossaise, fille du révérend de l’église St Elmo, dans le comté de Glengarry. La jeune femme était sa cadette de sept ans et elle aussi voulait poursuivre des études en médecine. En 1931, Margaret accepte la proposition en mariage de Bill et vient le rejoindre à Hearst.
Dr Margaret Arkinstall est une pionnière en ce qui concerne l’accès des Canadiennes à la pratique de la médecine, qui à l’époque était plutôt réservée aux hommes. Elle obtient son diplôme de l’Université de Toronto.
Leur impact dans la communauté s’est fait sentir à plusieurs égards, car en plus d’être des médecins à temps plein, le couple s’impliquait dans plusieurs levées de fonds. C’est grâce à leurs efforts que plusieurs projets sont nés, comme un agrandissement de l’hôpital, la construction d’une résidence pour les infirmières et aussi celle d’une nouvelle école publique. Le presbytère de l’église Unie de Hearst avait une place importante dans le coeur des Arkinstall ; ils y étaient très impliqués et ont même aidé dans ce projet.
Le couple de médecins quitte la région de Hearst en 1945 pour s’installer à Kapuskasing, Bill ayant déroché le poste de médecin en chef de la Spruce Falls Power and Paper Company. Après seulement deux ans, les Arkinstall déménagent encore et s’installent à Newmarket jusqu’à la retraite.
Une fois retraités, Bill et Margaret reviennent dans la région de Hearst pour faire de l’élevage bovin, ce passe-temps devient finalement une exploitation agricole puisqu’on dénombre plus de 1400 bêtes.
Dr William Arkinstall décède en 1978, tandis que la Dre Margaret lui survit jusqu’en 2001. Elle a reçu plusieurs honneurs à la fin de sa vie, notamment l’Ordre du Canada qui célèbre ceux et celles qui ont apporté une contribution extraordinaire à la nation.
Composé par Ernie Bies, révisé et enchéri par Marie Lebel (la rue Arkinstall, Les Docteurs Arkinstall publiés dans Clayton’s Kids, 2009)
Politique municipale
La rue West où se situe la rue Arkinstall, a été nommée en l’honneur de Harvey West, un homme d’affaires bien connu à l’époque à Hearst. Il débarque du train un soir glacial de février 1919 à Hazel, situé à un kilomètre du centre-ville de Hearst, et qui correspond à la partie de la ville communément appelée Wyborn, près du chemin de fer.
Quelques années plus tard, le jeune entrepreneur ouvre le magasin général West & Co. sur la rue Front. Malgré le fait que la population de ces années était de moins de mille résidents, son entreprise a du succès puisque les travailleurs et les colons le fréquentent souvent.
À titre de maire de la Ville de Hearst, Harvey West a su répondre à diverses crises, comme lors de la Grande Dépression de 1933. « Hearst a d’ailleurs été la première ville au pays à recevoir de l’aide. La décision fut prise par le gouvernement provincial à la suite d’une manifestation d’une cinquantaine d’hommes révoltés devant le magasin général West & Co. Ils exigeaient de la nourriture pour nourrir leur famille et étaient déterminés à s’en procurer de force s’il le fallait. Le maire West, appuyé par l’évêque et le médecin, a alors envoyé un télégramme à Queen’s Park. La réponse fut immédiate : un chèque de 600 $ fut acheminé. L’argent devait être distribué parmi les plus démunis. Cet incident a lancé un programme d’aide à l’échelle de la province », selon un texte d’Agathe Camiré dans le journal Le Nord du 27 juin 2023, titré La Grande Dépression et ses répercussions.
Harvey West tombe amoureux de la fille du premier pharmacien, Gertrude Howard; le couple se marie en 1940 et ils ont eu six enfants.
Photo de Gertrude et Harvey West.
Crédit photo : Facebook de alan Jansson
Être en affaires dans les années 30 et 40 n’était pas toujours évident. À cause de la Grande Dépression et de la Deuxième Guerre mondiale, l’homme d’affaires avait beaucoup de factures impayées. Il a rapidement remarqué qu’être devant la gare n’était pas aussi lucratif qu’il le croyait au départ puisque pour un article vendu, quatre autres étaient volés.
Entêté et futé, il décide de faire un comptoir à l’avant du magasin et de limiter l’accès de la marchandise aux clients, ceux-ci devaient commander et payer la facture avant de pouvoir recevoir ce qu’ils voulaient.
Harvey West a aussi été maire de la Ville de Hearst pendant trois mandats et s’est engagé dans la communauté avec sa femme, Gertrude, dans différentes sphères. En 1967, West & Co. change de propriétaire et devient le Supermarché Blais, mais les West conservent l’édifice jusqu’en 1979.
Tout comme pour Harvey West, plusieurs autres personnes qui ont occupé la fonction de maire comme les Houle, Aubin, Boulley, Brisson, Flood, Holler, McManus, McNee, Mongeon et Powell ont donné leur nom aux rues de la municipalité.
L’année 1957 s’avère exceptionnelle pour l’éducation dans le Nord de l’Ontario et surtout pour Hearst. Son Excellence Mgr Louis Levesque C.S.S.R., évêque de Hearst, a déclaré au journal La Patrie de Montréal du 7 mai 1957 que le Nord avait fait « un pas de géant durant l’année académique qui s’achève dans le domaine de l’éducation. »
Au mois de mars 1957, le Collège du Sacré-Cœur de Sudbury devient l’Université de Sudbury. Cette nouvelle université recevra une subvention provinciale de 2 000 000 $ pour la construction de deux édifices afin de loger les facultés des arts et des sciences. Le Collège, dirigé par les Jésuites depuis son ouverture en 1913, dispensait le cours classique traditionnel quelque peu modifié pour répondre aux exigences du milieu. Il était affilié à l’Université Laval. Le personnel enseignant de l’Université de Sudbury se composera de religieux et laïcs, ces derniers de toutes croyances et nationalités. Ils seront admis en raison de leurs qualités académiques indépendamment de leurs convictions religieuses. La direction de l’institution demeurera entre les mains des Jésuites.
Le Séminaire de Hearst a été fondé en 1953 sous la direction de Son Excellence Mgr Levesque, évêque du diocèse de Hearst, et financé par la population du diocèse dans le but de rendre les études secondaires accessibles à la jeunesse francophone du Nord-Est de l’Ontario. En mai 1957, lors d’une cérémonie d’affiliation, le T.R.P. Gérard Goulet, provincial des Jésuites et chancelier de la nouvelle Université de Sudbury, remet le parchemin d’affiliation à Son Excellence Mgr Levesque, supérieur du Séminaire de Hearst. Cette affiliation permettra au Séminaire de Hearst d’offrir des cours universitaires.
Le journal La Patrie de Montréal (7 mai 1957) rapporte que « les diocésains de Hearst ont déjà souscrit la somme de 480 000 $ pour la construction d’un édifice qui logera quelque 200 élèves, chaque personne ayant donné une moyenne de 16 $. La faculté des arts de l’université restera essentiellement française. Les plans sont terminés et la construction commencera dès que l’institution aura l’assurance de recevoir les subsides nécessaires. » La cérémonie d’affiliation est la première fonction universitaire de l’ancien Collège du Sacré-Cœur de Sudbury. Selon le site Web officiel de la présente Université de Hearst, le projet lorsque terminé en 1959 contient les installations suivantes : « La nouvelle aile est munie d’une chapelle, d’un auditorium et d’une salle d’étude d’environ 200 sièges. S’y ajoutent un dortoir de 200 lits, quatre salles de classe, une bibliothèque, une salle de musique, deux laboratoires de sciences, deux salles de travaux manuels, un studio d’art et un gymnase ». Le Séminaire de Hearst est incorporé sous le nom de « Collège de Hearst » en 1959 lorsque la construction est complétée et offre des cours universitaires en plus des cours secondaires en français pour tous les gens du Nord de l’Ontario.
En 1957, un troisième projet d’envergure est en voie de réalisation dans le nord de la province, notamment la formation d’une école normale bilingue à Sudbury, semblable à celle de l’Université d’Ottawa. Même si le projet est essentiellement accepté en 1957, il ne verra le jour qu’en septembre 1963.
Son Excellence Mgr Louis Levesque a raison de dire qu’on a accompli un pas de géant en éducation pour le Nord de l’Ontario en 1957. La photo montre la construction des nouveaux locaux du Collège de Hearst sur la 9e Rue dans les années 1957-59 et provient du site Web officiel de l’Université de Hearst, sous l’onglet Notre histoire.
Dans les années 50, la plupart des gens de Hearst et de la région vivent assez pauvrement (si on compare à aujourd’hui). Les salaires ne sont pas élevés, les familles sont nombreuses et le nombre de produits agricoles est restreint par un climat capricieux. La plupart des familles augmentent le menu quotidien avec la cueillette de fruits sauvages tels les fraises, les framboises et les bleuets. Les mères de famille sont presque toutes des expertes quant à la confection de tartes. Les fraises, les framboises et les bleuets sauvages sont un excellent moyen d’ajouter des ingrédients à la fois délicieux et sains au menu. Maintes obstinations et chicanes se sont produites, surtout chez les jeunes, pour défendre la réputation de leur mère comme la meilleure confectionneuse de tartes dans la région.
Les fraises sauvages sont très petites, mais sucrées et ahh! comme elles sont bonnes. Au mois de juin, on part un peu plus tôt le matin pour se rendre à l’école Ste-Thérèse. Nous suivons un sentier le long du ruisseau derrière les maisons au sud de la rue Prince. Le sentier nous amène ensuite dans le champ derrière le centre communautaire et c’est là qu’on s’arrête toujours pour cueillir des fraises avant de traverser la rue Edward pour se rendre à l’école. Ma mère fait rarement des tartes aux fraises parce qu’à chaque fois qu’elle nous envoie cueillir des fraises nous revenons avec les bols vides et le ventre plein.
Les framboises poussent sur du terrain un peu plus élevé (pas dans les marécages) et ont besoin du soleil. On en retrouve donc sur le côté des chemins ensoleillés et dans des champs non boisés. Durant les années 50, nous allons souvent aux framboises en famille durant le mois de juillet et au début d’aout. Puisque les framboises sont assez grosses, nous pouvons remplir nos contenants dans peu de temps. On arrête souvent le long d’un chemin de concession pour cueillir les framboises. Lorsqu’on peut trouver une bonne talle de framboises dans un champ, on s’installe là et on en cueille jusqu’à ce que tous nos bols soient pleins. Au mois de juillet, les groseilles sauvages sont populaires chez les jeunes. Ils s’amusent en se faisant grimacer tout en les mangeant. On en retrouve un peu partout, surtout le long des fossés et des clairières. Elles sont rarement utilisées pour faire des tartes.
Le mois d’aout, c’est le temps des bleuets et par le fait même, une belle occasion pour une sortie en famille. Plusieurs gens de Hearst se rendent à Coppell pour la cueillette de bleuets. Chez nous, des bucherons nous indiquent des endroits ou il y a de très belles talles de bleuets, surtout là où les arbres ont été buchés récemment (deux ou trois ans). Le jour précédent la sortie en famille, la maman prépare un lunch : de bons sandwichs aux œufs, au poulet, au Klik ou au Paris Pâté, des tranches de fromage Velveeta, des œufs bouillis, des cornichons, des petits ognons, des concombres, des tomates et des biscuits au beurre d’arachide. Ces mets sont accompagnés d’un thermos de thé chaud, de boissons gazeuses, du jus et/ou de l’eau. Tôt le matin, toute la famille monte dans le camion ou dans l’auto avec des tasses, des bols, des gros plats, des chaudrons, des chaudières, en fait tout genre de récipient pouvant contenir des bleuets (ou des framboises). Arrivés au site, les plus jeunes prennent une tasse ou un petit bol et reviennent le vider dans la chaudière chaque fois qu’il est plein. Les parents et les plus vieux surveillent et s’assurent que les plus jeunes ne mangent pas tous les fruits qu’ils récoltent. Tout le monde arrête le travail au milieu de la journée et on étend une ou deux couvertures de laine dans une clairière. Les plus vieux distribuent ensuite le lunch au milieu des couvertures et chacun s’assied autour du lunch. Pendant le repas, tout le monde parle en même temps de ce qu’ils et elles ont accompli jusqu’à maintenant, de ce qu’ils ont découvert, de leurs bobos, et possiblement des animaux sauvages rencontrés. On jase, on mange, on rit, on se taquine et on se régale. À la fin de la journée, tous retournent à la maison, fatigués, mais satisfaits, avec des récipients remplis de bleuets.
Une fois rendu à la maison, le travail n’est pas fini. On doit maintenant étendre les fruits sur la table et enlever les feuilles et les saletés. On lave ensuite les fruits et on les place dans le réfrigérateur ou dans la salle froide. Dans notre famille, ma mère fait de la pâte couvrant au moins deux tartes pour le souper. Elle a déjà préparé le sucre, le cornstarch et la cannelle et elle ajoute maintenant les fruits au chaudron. Lorsque le tout est cuit, elle complète ses tartes et les place dans le four. Après une trentaine de minutes, voilà notre dessert pour le souper et notre récompense pour une journée bien remplie.
La culture des baies (fraises, framboises, bleuets) est commercialisée depuis un certain temps. Ce que je vois, c’est la disponibilité de ces fruits à longueur d’année et la facilité avec laquelle on peut s’en procurer. Ce que je ne vois pas, c’est ce qu’on doit y ajouter pour les faire grossir de cette façon et pour en produire autant. Et encore plus important que tout cela, ce que je vois disparaitre ce sont les occasions de sortir et de faire des activités en famille, apprendre à se connaitre et s’apprécier, s’amuser ensemble. Oui, il y avait beaucoup de pauvreté dans le temps, mais on ne le savait pas qu’on était pauvre et pis après ?
Depuis son appointement comme vicaire apostolique en 1918, Mgr Hallé, aidé des missionnaires colonisateurs, voyage à travers le Québec recrutant des familles catholiques pour venir coloniser le Nord de l’Ontario. Vers la fin des années 20 et durant la Grande Dépression, 200 familles de Montréal sont invitées à quitter la métropole pour s’établir en terre de colonisation dans la région de Jogues.
Le Petit Journal de Montréal du 19 mars 1944 rapporte que ces familles « s’enfoncent dans une forêt du diocèse de Hearst, en Ontario, pour y ouvrir de nouvelles terres. Malgré leur vaillance, la misère et la pauvreté se sont attachées à leurs pas. »
Je note ici que le journaliste du Petit Journal de Montréal utilise le nom « Saint-Jogues » pour désigner la région de Jogues ; j’en ai fait la correction. Je continue avec certains extraits de l’article.
« Il y a plus d’un an, un missionnaire colonisateur faisait appel à la générosité des fidèles de la paroisse où habite Mme Allard (à Montréal). C’était M. l’abbé J.V. Pelchat, curé de Jogues, la nouvelle paroisse qui avait été fondée dans le diocèse de Hearst, là où les 200 familles montréalaises avaient défriché leurs terres neuves. M. Pelchat demanda à ceux et celles qui pouvaient venir en aide à ces colons de lui donner leurs noms et adresses. C’est ce que fit Mme Allard. Quelques semaines plus tard, celle-ci recevait une lettre du missionnaire lui demandant des secours urgents pour ses colons et sa paroisse.
Pour presbytère, M. Pelchat n’avait qu’une cabane en bouleau comme celles des colons. Il se servait de boites à beurre pour déposer son linge. L’église ayant brulé, il avait dû en rebâtir une autre et prendre une dette de 25 000 $. Dans ces circonstances, le vaillant missionnaire n’avait qu’une alternative : faire appel à la générosité des Montréalais en faveur de ces colons, venus de la métropole. Son appel ne fut pas stérile.
Mme Allard se trouva immédiatement quelques compagnes dévouées et, ensemble, elles commencèrent à ramasser tout ce qu’elles pouvaient pour l’envoyer aux colons de Jogues. Quelques semaines plus tard, elles voyaient partir en direction de Hearst un convoi chargé de meubles, de linge, de vivres, d’accessoires de toutes sortes qu’elles avaient recueillies un peu partout à Montréal.
Dans l’un de ces wagons, il y avait un autel pour l’église, une chaire, un tabernacle de 150 $ donné par une bienfaitrice, un service de vaisselle pour le missionnaire, obligé de recevoir souvent son évêque, ainsi qu’une paire de raquettes lui servant dans ses courses aux malades. Il y avait aussi un ciboire, un calice, un ostensoir. Toutes ces choses avaient été données par des bienfaiteurs dévoués. Les dames patronnesses ne refusaient rien. Elles emportaient même des poteaux de couchettes qui, une fois coupés et travaillés, servaient de colonnettes pour porter les lampions ou les fleurs dans l’église de Jogues.
Depuis plus d’un an, Mme Allard et ses huit compagnes bénévoles se dévouent pour nos concitoyens devenus colons à Jogues en Ontario. Elles travaillent actuellement à préparer des layettes pour sept enfants qui doivent naitre bientôt dans cette terre de colonisation. Elles cherchent également de berceaux pour recevoir ces nouveau-nés. À date, elles n’ont pu trouver qu’une petite couchette, mais elles sont persuadées que des personnes généreuses fourniront les six autres.
Au cours d’une tournée faite dans la province pour obtenir du secours pour ses colons, M. Pelchat reçut un jour des mains d’une bienfaitrice une merveilleuse statue. Il la confia pour quelque temps à Mme Allard en attendant de venir la chercher pour l’installer dans son église. Ces femmes dévouées travaillent dans le silence et c’est à qui d’entre elles en fera le plus. “ Nous n’avons aucune difficulté à obtenir ce dont nous avons besoin pour venir en aide aux pauvres et aux colons de Jogues, ” affirme Mme Allard. “ Nous recueillons des dons généreux dans tous les milieux. Nous prenons tous ce qu’on nous donne, car tout peut être utile. ” »