« On a pris une décision alors qu’on était en fin de bail. Depuis quelques années on a regardé [les options] de réduire l’espace ou de relocaliser, mais ça n’a pas fonctionné, alors on a décidé de tout simplement liquider et de passer à autre chose », explique Alain Quesnel, propriétaire du magasin logé au coin de la rue Principale et McGill de Hawkesbury depuis son ouverture au début des années 2000.
Ainsi, c’est un concours de circonstances qui a provoqué la fermeture du Movie People de Hawkesbury. En plus de l’enjeu des locaux, l’avènement du streaming, jumelé à la pandémie ont eux aussi fait partie du problème. S’ajoute à cela le fait que son propriétaire habite maintenant Montréal et que cela faisait donc « beaucoup de gestion à distance ».
La fin d’une époque
Au sens plus large, les bonnes années de l’industrie semblent être chose du passé. En 2022, le Journal de Montréal avait répertorié seulement « sept irréductibles » encore présents au Québec.
Le même constat se fait aussi un peu partout ailleurs sur la planète. Par exemple, le géant américain Blockbuster Vidéo avait plus de 9 000 magasins partout dans le monde, au sommet de ses activités en 2004. Moins de 20 ans plus tard, il n’en reste qu’un seul, à Bend en Oregon, survivant notamment grâce à la location de son local à des fins de soirées cinéma privées.
Succès prolongé
Malgré tout, le propriétaire du Movie People de Hawkesbury assure que s’il l’avait voulu, il aurait pu conserver son commerce, et ce, de manière rentable.
« J’ai beaucoup d’expérience dans l’industrie, c’est payé cela fait longtemps […]. Si j’étais présent et que je m’occupais de ça à 100%, je pourrais garder ça aller », affirme Alain Quesnel.
Le principal intéressé explique d’ailleurs simplement le succès prolongé de son magasin.
« C’est toujours une question de connaissance et de passion. On connait l’industrie de fond en comble, puis les gars qui sont ici, par exemple, mon grand gars barbu Michel, c’est une encyclopédie, il connait tous les films, il adore ça […]. Cela attire les gens qui aiment les films et ces gens-là trouvent des choses ici qu’ils ne peuvent plus trouver ailleurs », indique celui dont la clientèle vient autant d’Alexandria et Cornwall, que d’Ottawa et Montréal.
« Merci pour les 30 belles années »
Pour Alain Quesnel, le magasin de Hawkesbury ouvert il y a plus de 15 ans représente le dernier arrêt de son aventure de plus de 30 ans dans l’industrie du film.
Son tout premier magasin, il l’avait ouvert en 1989 à Grenville. Alors que l’industrie était en plein essor, il en avait ouvert un deuxième dans la même municipalité l’année suivante.
Dans les années qui ont suivi, l’expansion s’est poursuivie, notamment à Lachute, Hawkesbury ou encore Rockland.
« C’est pour ça que nos affiches indiquent ‘Merci pour les 30 belles années’, dit-il. On a fait partie de la ‘fibre’ de la communauté pendant longtemps, plusieurs gens viennent nous voir avec une certaine nostalgie par rapport à cette période, où c’était presque un rituel de venir choisir des films, le vendredi soir… ».
Réflexion de société
Avec cette aventure bientôt terminée, Alain Quesnel se dit heureux dans sa nouvelle « semi retraite ». Indiquant que « l’on ne peut jamais rebrousser chemin au niveau de la technologie », il questionne toutefois si la société va y gagner de cette transition au cœur de l’industrie du film depuis quelques années.
« Il y a quelque chose qui est gagné, la facilité, mais il y a aussi quelque chose qui est perdu. Il y a le contact, le fait de sortir de chez soi… On était ici pour leur recommander des choses et maintenant tu peux passer une heure, juste sur Netflix, à essayer de trouver quoi regarder, conclut-il, heureux de pouvoir partager sa collection de plusieurs dizaines de milliers de films avec la communauté jusqu’à la fin du mois d’août.
Alors qu’Alain Quesnel espère pouvoir « trouver une maison » à ces films dans les semaines à venir, le public a donc jusqu’au 31 août prochain pour se rendre au Movie People de Hawkesbury. Après cela, ce sera officiellement la fin d’une aventure d’exactement 33 ans pour l’industrie de la vente et locations de films de la région. Une industrie qui restera toutefois en mémoire des plus nostalgiques pour bien des années encore.
FRANCOPRESSE – L’idée de faire de l’Ontario une province officiellement bilingue a fait l’objet de discussions à maintes reprises, sans jamais se concrétiser. La Loi sur les services en français de l’Ontario de 1986, modernisée en décembre 2021, n’a peut-être pas permis l’épanouissement des Franco-Ontariens aussi bien que l’aurait fait une province bilingue.
Ericka Muzzo – Francopresse
Pour l’historien Serge Dupuis, la Conférence de Victoria — qui portait notamment sur le rapatriement de la Constitution canadienne — a peut-être été le moment où l’Ontario est passé le plus proche de devenir bilingue.
« Il y a eu ce moment d’ouverture là où on a eu les premières négociations constitutionnelles. […] Il y avait une volonté de l’Ontario d’agir comme bon partenaire de la fédération en voyant que le Québec était bilingue depuis son entrée dans la Confédération, que le Nouveau-Brunswick venait d’adopter sa Loi sur les langues officielles en 1969 », raconte-t-il.
Cette conférence suivait la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963-1969), mieux connue sous le nom de Commission Laurendeau-Dunton. L’une de ses recommandations était que l’Ontario et le Nouveau-Brunswick deviennent officiellement bilingues, en plus de certaines régions canadiennes où une partie importante de la population parle français.
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Dates importantes
1963 à 1969 — Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme
1971 — Conférence de Victoria
1972 — Politique ontarienne de prestation des services en français
1974 — Le Québec devient officiellement bilingue
1982 — Rapatriement de la Constitution
1986 — Loi sur les services en français de l’Ontario
1997 — L’Ontario veut fermer l’hôpital Montfort
2018 — Abolition du Commissariat aux services en français de l’Ontario
2021 — Révision de la Loi sur les services en français de l’Ontario
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« L’Ontario a montré une ouverture à se déclarer officiellement bilingue à ce moment-là, ajoute Serge Dupuis, mais la porte s’est refermée lorsque le premier ministre Robert Bourrassa est entré à Québec » et qu’il a décidé de retirer son appui à la Charte de Victoria, qui avait jusqu’alors la faveur de l’ensemble des provinces.
« Ç’a coulé un peu le moment où l’Ontario aurait pu devenir officiellement bilingue », estime l’historien.
Il nuance toutefois : « Ça ne veut pas dire que ça se serait nécessairement passé. Il y aurait eu d’autres obstacles – les Franco-Ontariens représentaient environ 6-7 % de la population de la province, il y en a certains qui se seraient gratté la tête à savoir qu’est-ce qui justifiait que l’Ontario deviendrait officiellement bilingue d’un mur à l’autre ».
Le 31 juillet 1974, le Québec devient officiellement unilingue francophone, mettant définitivement fin à l’idée jusqu’alors évoquée de créer des districts bilingues à travers le Canada là où au moins 10 % de la population composait une minorité de langue officielle.
« Le moment politique était passé. Donc on s’est retrouvés dans une situation où on est passés assez rapidement d’une volonté de refonder la fédération, où on aurait eu trois importantes provinces qui auraient été officiellement bilingues […] vers un retour vers l’unilinguisme, tant au Québec qu’en Ontario », relate Serge Dupuis.
En 1972, l’Ontario avait adopté une première politique de prestation de services en français, en quelque sorte l’ancêtre de la Loi sur les services en français (LSF) de 1986.
« C’était une petite pièce, une petite mesure à la fois. On faisait essentiellement le strict minimum pour montrer au Québec et aux Franco-Ontariens qu’on faisait quelque chose, et d’un autre côté ne pas éveiller ceux qu’on appelait les orangistes ou les anglophones hostiles à la présence du français en sol ontarien », ajoute l’historien.
D’après lui, il n’y a jamais véritablement eu « d’appétit public » pour le bilinguisme en Ontario. Il va même jusqu’à dire que « l’Ontario n’avait jamais vraiment l’intention d’être bilingue ».
Valérie Lapointe-Gagnon, professeure agrégée d’histoire à la Faculté Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, fait écho à ces propos en rappelant que la concentration de francophones était moins grande en Ontario qu’au Nouveau-Brunswick et qu’« il y avait aussi des gens qui étaient contre le bilinguisme, et pas nécessairement beaucoup de réceptivité du point de vue politique ».
« Le bilinguisme institutionnel de l’Ontario est demeuré une revendication », nuance-t-elle.
La professeure rappelle qu’avant le rapatriement de la Constitution (1982), la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ) — ancêtre de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada — a publié des mémoires qui demandaient notamment le bilinguisme de l’Ontario et du Manitoba.
« Au moment du rapatriement, ce que les communautés francophones obtiennent, c’est beaucoup autour de l’article 23 et de l’éducation. On n’est pas satisfaits parce que ça ne correspond pas à l’ampleur des demandes qu’on avait formulées », explique Valérie Lapointe-Gagnon.
La Loi sur les services en français de l’Ontario de 1986 a permis certaines avancées, mais puisqu’elle utilisait l’approche territoriale des zones où les francophones étaient plus nombreux, cela a créé des inégalités d’après la professeure.
D’un autre côté, « le bilinguisme officiel, c’est un idéal, mais concrètement qu’est-ce que ça donne ? » questionne Valérie Lapointe-Gagnon.
« On le voit avec le fédéral : la fonction publique est bilingue, mais il y a encore tellement de failles dans le bilinguisme […] On le voit aussi avec la Ville d’Ottawa, qui est bilingue depuis 2017, mais c’est très critiqué parce que dans les faits, le visage de la Ville d’Ottawa demeure majoritairement anglophone », souligne-t-elle.
« Peut-être qu’on aurait eu davantage d’hésitation à sabrer dans les programmes en français », ajoute Valérie Lapointe-Gagnon en faisant référence à l’Université Laurentienne.
Malgré tout, le bilinguisme n’est pas une fin en soi d’après la professeure : « On a beau avoir la meilleure loi, si elle n’est pas respectée, il y a toujours des failles. Et c’est toujours un bilinguisme qui relève des institutions, ce n’est pas un bilinguisme individuel, donc la population n’est pas à l’abri de l’assimilation », avertit Valérie Lapointe-Gagnon.
« Ça va se faire par étapes », dit l’AFO
À l’approche des élections ontariennes du 2 juin, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a dévoilé, le 15 mars, sa plateforme de propositions « par et pour la population franco-ontarienne ».
Quatre thèmes principaux y sont identifiés, dont celui d’ « agrandir l’espace francophone en Ontario ». L’AFO y souligne qu’actuellement, 20 % des francophones habitent des régions non désignées en vertu de la LSF de l’Ontario et n’ont donc pas accès à des services en français.
Carol Jolin, président de l’AFO, explique que le bilinguisme officiel demeure bel et bien d’un objectif « à moyen long terme, mais on est très, très conscients que ça va se faire par étapes ».
Il souligne que depuis la modernisation de la LSF en décembre 2021, la ministre des Affaires francophones a « le pouvoir de donner des services en français dans des régions qui ne sont pas désignées ». Il estime donc que la prochaine étape est d’identifier quelles régions pourraient en bénéficier.
« Ce n’est pas que la communauté ne l’a pas demandé », reprend Carol Jolin. Mais il croit qu’il faudra d’abord désigner l’ensemble de la province avant de parler de bilinguisme officiel.
L’historien Serge Dupuis est plus tranchant : « Je ne pense pas qu’on se dirige vers un bilinguisme officiel. Je pense que l’AFO va continuer de dire qu’elle le souhaite, mais je ne pense pas qu’il y ait un gouvernement qui va s’engager à ça, ne serait-ce qu’à cause de la question démographique. »
« Proportionnellement, les francophones ne sont pas assez nombreux et les anglophones ne sont pas assez bilingues. Tant et aussi longtemps que ça n’aura pas changé — et on ne projette pas que ça change, au contraire […] je ne vois pas les conditions où ça pourrait arriver », explique-t-il.
Valérie Lapointe-Gagnon, elle, juge que « ça va dépendre de qui est élu dans la prochaine élection. […] Ce n’est pas un débat fort en ce moment sur la scène électorale », observe-t-elle toutefois.
Serge Dupuis croit toutefois que le bilinguisme de l’Ontario « ne serait pas la panacée qu’on pense que ça serait, parce qu’il y a toutes sortes d’autres facteurs qui entrent en jeu dans la vitalité franco-ontarienne ».
Il déplore néanmoins une occasion manquée lors de la modernisation de la LSF : « Si dans la refonte on avait ciblé les problèmes réels, je pense qu’elle aurait pu demeurer très opérante et un mécanisme de développement pour la communauté franco-ontarienne. Mais la refonte qui a été proposée […] entre ça et rien, il n’y a pratiquement pas de différence. Le leadership de la communauté a vraiment manqué son coup dans cette refonte-là. »
À l’idéal du bilinguisme officiel, il préfère donc « la réalité et la priorité », qui est à son avis la vitalité de la communauté franco-ontarienne.
Deux ans après le début du « grand confinement », les interrogations sur ce qui aurait pu être mieux fait vont bon train. Mais l’une de ces interrogations commence à récolter des données : que serait-il arrivé si on avait réagi plus tôt ?
Par exemple, qu’aurait-il pu se passer si la Chine avait été plus prompte à prévenir le monde? On se rappellera en effet que c’est le 30 décembre 2019 que la première alerte était lancée, sur le forum spécialisé ProMED : 27 cas d’une « pneumonie » d’origine inconnue à Wuhan. Le 8 janvier, des chercheurs chinois annonçaient avoir identifié « un nouveau virus ».
Or, c’est le 17 novembre que le premier cas aujourd’hui officiellement attribué au coronavirus avait été identifié. S’il était impossible à ce moment de savoir qu’il s’agissait d’un nouveau virus, à quel moment, entre le 17 novembre et le 30 décembre, l’alerte aurait-elle pu être lancée si la Chine avait été moins opaque?
L’auteure Zeynep Tufekci, qui se livre à cet exercice dans le New York Times, n’a pas de réponse claire à sa propre question: quand bien même les autres pays auraient-ils été prévenus dès la mi-décembre, il n’est pas sûr qu’ils auraient réagi tout de suite. Après tout, même après avoir été prévenus par l’OMS à la fin-janvier qu’il s’agissait du plus haut niveau d’alerte possible, la plupart ont attendu le mois de mars pour réagir.
Mais on peut au moins constater que certains pays ont réagi au quart de tour. Dès le 31 décembre, Taïwan commençait à dépister systématiquement tous les passagers des avions arrivant de Wuhan, à la recherche de symptômes comme la fièvre —on ignorait alors tout de ce que deviendraient les symptômes de cette épidémie, mais on pouvait présumer qu’une température élevée serait un signal d’alarme facile à observer. Les masques furent immédiatement rationnés et les militaires furent immédiatement mis à l’ouvrage pour en augmenter la production.
Dès janvier, la Corée du Sud commençait à expérimenter le dépistage à grande échelle —la formule des dépistages-à-l’auto, par exemple— qui deviendrait un dépistage de masse en mars, après un événement super-propagateur dans une église.
Au final, il y a eu 853 morts à Taïwan. En proportion de la population, cela équivaudrait, aux États-Unis, à seulement 12 000 morts… alors que ce pays approche actuellement le million.
Il y a eu d’autres signaux d’alarme hâtifs. Le plus analysé fut le navire de croisière Diamond Princess. Mis en quarantaine dans le port de Yokohama, au Japon, le 3 février 2020, après la détection de 10 cas positifs, il compterait une semaine plus tard 712 cas, soit une personne à bord sur cinq, en plus de neuf travailleurs de la santé japonais. Ce fut la toute première confirmation de l’extrême contagiosité du nouveau virus —et le moment où les experts ont commencé à prendre au sérieux l’idée « d’aérosols », soit des petites particules capables de se propager plus loin et de rester en l’air plus longtemps, spécialement dans un lieu fermé.
Et pourtant, il faudrait encore des mois avant que certains pays acceptent la théorie des aérosols et ajustent leurs mesures sanitaires en conséquence —comme l’obligation du port du masque à l’intérieur, peu importe la distance à laquelle on se trouve du plus proche voisin. Le Japon mit l’accent sur les masques et la ventilation des espaces fermés dès février 2020. Alors que pendant des semaines, ironise Zeynep Tufekci, l’Amérique du nord allait continuer à « désinfecter son épicerie ». Au final, le Japon a connu 25 000 morts de la COVID, ce qui, aux États-Unis, serait l’équivalent de 66 000.
Officiellement, le nombre de morts de la COVID à travers le monde est à présent de 6 millions. Officieusement toutefois, une évaluation de la revue médicaleThe Lancet parue la semaine dernière parle plutôt de 18 millions de morts, en tenant compte de tous les pays qui n’avaient pas les capacités de comptabiliser leurs décès ou d’en analyser les causes. Plus tôt cette année, se livrant à un exercice similaire, le magazine The Economist arrivait à une estimation oscillant entre 12 et 23 millions de morts. On ne saura probablement le chiffre exact, mais les résultats, dans les pays qui ont eu le bon réflexe, font réfléchir.