Le bonheur après un deuil périnatal
En novembre 2019, la vie de Mireille Cloutier et de son mari, Dustin, a basculé. Leur fils, Benjamin, est décédé lors de sa première nuit à la maison, 60 heures après sa naissance. Il s’en est suivi une investigation policière et une autopsie obligatoire qui a finalement conclu à une cause de décès indéterminée sept mois plus tard. Le petit Benjamin n’avait aucun problème de santé et n’a subi aucun traumatisme ; il ne s’est simplement jamais réveillé.
Mireille se souvient du coup de foudre qu’elle a eu lorsqu’elle a rencontré son fils. Elle raconte aussi que dans les jours et les semaines suivant son décès, tout ce qu’elle voulait et souhaitait, c’était d’avoir un enfant dans ses bras. Sept mois et demi plus tard, elle est tombée enceinte à nouveau, à son plus grand bonheur. Toutefois, ce bonheur est entrecoupé de peur et d’angoisse puisqu’elle sait que ce n’est pas parce qu’un test de grossesse est positif que tout va bien se passer. « Tu essaies de te convaincre que les choses vont bien aller, que ça ne peut pas nous ré-arriver puisqu’on était du mauvais côté des statistiques », raconte Mireille. « Il y a des moments où tu es super heureuse, tu en parles ouvertement… et après c’est comme si quelque chose te tranchait pour te dire de ne pas être heureuse parce que ça n’arrivera pas ». Neuf mois plus tard, Mireille accouche d’une petite fille en santé, Elizabeth.
Lors des premiers jours de vie de sa fille, Mireille comptait les heures. La première nuit à la maison a été extrêmement difficile, puisque la petite pleurait beaucoup. Le manque de sommeil de la première nuit a été le début d’une grande série de nuits d’insomnie pour Mireille qui vivait toujours avec la peur de retrouver Elizabeth sans vie le lendemain matin. « Être parent après la mort de ton premier-né, c’est comme marcher sur une ligne très fine entre la vie et la mort et tu as toujours la mort en tête parce que tu n’as pas connu autre chose. Tout ce que tu as comme expérience de parent, c’est la mort », explique Mireille. Elle dit également qu’elle n’avait pas réalisé l’impact émotionnel d’avoir un deuxième enfant. Certaines étapes de son deuil se sont manifestées seulement lorsque Elizabeth avait trois mois, ce qui a rendu les premières semaines après le deuxième accouchement plus difficiles.
Mireille est soulagée d’avoir la chance de voir Elizabeth vivre ses premières fois, par exemple lorsqu’elle a mangé, s’est assise ou a marché. Elle soutient cependant que c’est une expérience douce-amère. « C’est beau dans la vie d’un parent de voir ces choses-là. Je suis contente de le vivre, mais c’est difficile parce que je ne verrai jamais mon fils les faire ». D’un autre côté, Mireille sent que Benjamin est quelque part avec eux pendant qu’Elizabeth poursuit son développement. Elle est maintenant âgée de 13 mois et Mireille lui parle ouvertement de son frère. « Je suis quand même la maman de Benjamin, mais d’une différente façon. On parle de lui, il fait partie de la famille. Elle va savoir qu’elle a un frère ». Elizabeth accompagne ses parents au cimetière et souligne l’anniversaire de Benjamin avec eux.
Les dernières années ont été très difficiles pour Mireille, mais aujourd’hui elle va bien. Le fait d’en avoir parlé ouvertement l’a beaucoup aidée. Avant le décès de son fils, Mireille était plus renfermée ; maintenant elle a la parole beaucoup plus facile. « Je voulais m’exprimer, je voulais en parler, je voulais que les gens comprennent. » D’ailleurs, plus Elizabeth vieillit, plus elle se sent confiante dans son rôle de parent. « Je vois ma fille et tout ce que je vois c’est de l’amour. Même si c’est souvent difficile, ma fille c’est mon rayon de soleil et je remercie la vie de me l’avoir donnée. »