Des aînés évincés de leur logement à Cornwall

Lit de camp, logement mal adapté, détresse psychologique; voilà à quoi sont confrontés les résidents du Care Center de Cornwall, après avoir été chassés de leur logement vendredi dernier.

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Charles Fontaine – IJL – Réseau.Presse Le Droit

 « On reste ici, c’est notre maison », lance Albert Gallagher, l’un des sept résidents qui tiennent à demeurer au The Care Center, un chiffre qui inclut ses propriétaires.

Lorsqu’on entre dans la résidence du 510 rue Second Est, des gardes de sécurité nous attendent de pied ferme.  « Pourquoi sont-ils encore ici? En bas de dix personnes, je suis conforme au code d’incendie », dit le copropriétaire et administrateur de l’établissement, Dan Orr.

« À la suite de plaintes liées à la sécurité-incendie de l’immeuble, le SIC a effectué plusieurs inspections et a relevé des violations graves du Code de prévention des incendies de l’Ontario », mentionne le Service d’incendie de Cornwall (SIC).

Parmi les 47 résidents, certains ont été envoyés dans des motels, des maisons de retraite ou d’autres immeubles résidentiels. « Ils ont trois repas par jour, soit le même service qu’au Care Center, dit le chef du SIC, Matthew Stephenson. Ils pourront revenir quand la sécurité incendie sera adéquate. »

Peur et isolement

  1. Orr et les résidents restants au centre mentionnent à plusieurs reprises qu’ils forment une grande famille. Une quarantaine de personnes habitent normalement auCare Center.

« Il y a des gens qui m’appellent et qui pleurent au téléphone », raconte une des résidentes restantes, Suzanne Villeneuve.

« Il y a une dame qui a seulement une jambe, elle se déplace en fauteuil roulant, poursuit-elle. Elle partage sa chambre avec une autre dame qui était déjà partie. Elle ne pouvait pas fermer la porte de la salle de bain parce que la commode la bloquait. Ils ont aussi mis des gens sur des lits de camp. Un des hommes a un problème avec sa jambe. S’il touche le côté du lit, il a une infection et doit aller à l’hôpital. Il dort donc sur une chaise qui est tellement basse que ça lui a pris 15 minutes pour sortir de la chaise. »

« Matthew nous a garanti de meilleurs hébergements. Comment cela peut-il être meilleur ? », ajoute-t-elle.

« J’ai un ami en fauteuil roulant qui vit maintenant avec quelqu’un qu’il ne connaît pas dans sa chambre, ajoute Albert Gallagher. Il n’est pas capable de rentrer dans les toilettes, parce que son fauteuil roulant n’entre pas. »

 

  1. Stephenson rapporte que la ville travaille à obtenir des lits conventionnels et que ces lits de camp sont temporaires. Il n’a pas pu confirmer si ces lits sont sécuritaires pour ces personnes.

Albert Gallagher a décidé de rester dans son logement avec sa femme. Ils sont ensemble depuis 40 ans. Ils se protègent l’un et l’autre. « Ça ne va pas si pire, j’étais stressé pendant un moment. On fait notre possible, on ne mourra pas. On peut se nourrir nous-mêmes, pas comme nos amis qui sont rendus dans des foyers tous démantelés. On est en sécurité ici, on n’est pas nerveux. De ma porte en bas, en moins de 200 pieds, je peux sortir facilement s’il y a un feu. »

« Nous sommes conformes »

« L’alarme à feu est défectueuse et les résidents ne peuvent pas évacuer le bâtiment en cas de feu, pointe Matthew Stephenson. Un certain nombre de gens ne sont pas capables de sortir en raison de leur condition physique. C’est un enjeu de vie ou de mort. C’est ce qui nous a poussés à évacuer les résidents. »

Le copropriétaire réfute les accusations du chef du SIC. « L’alarme à feu fonctionne. Les sirènes se font aller quand les détecteurs de fumée sont activés. […] Lors d’un exercice d’évacuation, il y a une dame en béquille qui a descendu des escaliers sur ses fesses et elle a réussi à sortir. Les gens en fauteuil roulant sont tous sortis. Je dis aux résidents que s’ils ne sont pas capables de sortir en cas de feu, ils ne peuvent pas rester ici, parce qu’on n’offre pas ce service. »

  1. Orr indique que le panneau d’alarme incendie du troisième étage ne peut être réparé pour le moment, car il n’est plus pris en charge par le fabricant. Il mentionne que la Commission de la sécurité-incendie de l’Ontario lui a demandé de s’entendre avec le SIC. « Je voulais les rencontrer et ils ont refusé. Ensuite, ils ont reporté mon inspection annuelle à plusieurs reprises. »

La SIC pointe également l’absence de gicleurs dans l’immeuble. Le copropriétaire répond qu’il n’est pas obligé d’en installer. M. Stephenson indique que M. Orr a jusqu’au 1er septembre pour corriger le système d’incendie.

Trois dossiers en appel

Ce n’est pas la première fois que Dan Orr doit faire face aux autorités. Il a été accusé de méfaits en 2021, car il refusait qu’une dame admise à l’hôpital en raison de la COVID-19 puisse retourner dans son logement. Il exigeait la preuve d’un texte négatif avant qu’elle puisse le faire.

« J’avais vu la pandémie avant tout le monde, dit M. Orr. J’ai fermé mon centre deux semaines avant le confinement, parce que je savais ce qui s’en venait et ces personnes âgées sont à risque. Je fais tout pour les protéger et maintenant on m’accuse. Une seule personne ici a attrapé le virus et c’est parce qu’elle est allée au restaurant avec d’autres personnes qui n’habitent pas ici, c’est tout. »

Il a passé 27 heures en prison pour cet incident.

En 2020, la ville a dû se déplacer au Care Center après que le District de chauffage de Cornwall ait coupé l’eau chaude. Ces derniers et les propriétaires ne s’étaient pas entendus sur un contrat à long terme.

Dan Orr est maintenant en appel pour trois dossiers; la COVID-19, l’eau chaude et la sécurité-incendie.

 

Photos

Judy McNulty et Albert Gallagher, résidents du Care Center à Cornwall. (Émilie Gougeon-Pelletier, Le Droit)

Dan Orr, propriétaire du Care Center à Cornwall. (Émilie Gougeon-Pelletier, Le Droit)