Dans le temps comme dans le temps Vivre dans les années 50 : La glissade de l’école Ste-Thérèse

En septembre 1953, je commençais ma 1re année à l’école Ste-Thérèse et j’y suis allé jusqu’à la 4e année. Parmi les élèves que j’ai côtoyés durant ces années, je note Albert Timmermans, Pierre Robert, Rachel Thériault, Suzanne Pion, Nicol Poirier, Bernice Charrette, Clodie Paris, Yolande Leclerc, Allen Lamontagne, Raymond Paquin, Pierrette Bond, Luc Leclerc, Adrien Bégin, Denis Laprise, Marcel Marchand, Carol Barrette, Gérald Allard, Normand Narbonne, Louise Vaillancourt, Cécile Collin, Ernest Cloutier, Gaston Baillargeon, Gaétan Lapierre et j’en oublie. Les autorités de l’école avaient fait construire une glissade en bois haute de quinze à seize pieds. En hiver, le concierge arrosait la partie « glissade » du machin afin d’assurer une légère couche de glace sur laquelle on pouvait se laisser glisser. Ce qui n’était pas prévu cependant, c’est que l’eau aussi glissait et s’accumulait au bas de la glissade pour former une « bosse ». Dans les premiers temps, plusieurs élèves venaient à l’école avec des morceaux de carton sur lesquelles ils pouvaient glisser. Lorsqu’ils arrivaient au bas de la glissade à pleine vitesse, ils frappaient la butte de glace et, souvent, se blessaient aux reins ou au dos. Vinrent ensuite les sleighs en bois et les « soucoupe volante » en métal. Celles-ci protégeaient beaucoup mieux contre le choc de la butte de glace au bas de la glissade, mais en même temps nous faisaient sauter et voler pour plusieurs pieds, ce qui réjouissait encore plus les enfants ! Les élèves de la 1re et 2e année étaient généralement satisfaits de suivre les règles établies. Rendus en 3e et 4e année, toutefois, nous étions maintenant les « grands » et on se permettait plus de risques dans nos compétitions. Au courant des premières années, le défi était de se comparer à savoir lequel irait le plus loin avec son machin. Mais en 3e et 4e année, le défi, pour certains, commence à manquer d’attrait et ils conçoivent donc un challenge plus ambitieux. Écoutons-les. (Les paroles de cette partie sont fictives, mais pas les actions.) Albert : Okay, les gars. Y’a-t-il quelqu’un qui est game de faire comme moé et pis de glisser debout ? Le gagnant est celui qui va le plus loin en glissant, mais il faut rester debout. Serge : Moé, j’suis prêt. Adrien : Moé aussi. Albert : Okay, moé je commence. Serge, toé tu viens après et pis Adrien, ce sera toi ensuite. Serge et Adrien : Okay. Albert monte sur la glissade et il se met à glisser debout. Après une vingtaine des pieds, il perd l’équilibre et tombe sur le dos. Il glisse jusqu’au bas de la glissade en continuant d’augmenter en vitesse. Au bas, il frappe la butte de glace et vole dans les airs pour une dizaine de pieds avant de tomber dans la piste de glissage. Il prend deux minutes et se relève en boitant et regarde Serge. Albert : Okay, c’est à ton tour. Serge : Wow, ça d’l’air être le fun ça. Il monte sur la glissade en courant. Arrivé en haut, il regarde la glissade et prend un grand respire. Pour ne pas tomber sur le dos, il se penche un peu en avant et se lance sur la glissade. En pliant un de ses genoux, il réussit à garder l’équilibre jusqu’à la butte de glace au bas de la glissade. Arrivé à grande vitesse, ses deux pieds s’envolent dans les airs avec le restant du corps qui suit. Il se frappe la tête sur la piste et continue à glisser une vingtaine de pieds. Il se lève en titubant puisque la tête lui résonne et aperçoit tous ses amis autour de lui qui rient. Albert : Wow. Ça c’était toute une débarque. Tu t’es pété la tête sur la glace. Es-tu correct ? Serge (encore incertain où il est) : Y’a rien là. Ça fait même pas mal. C’est maintenant au tour d’Adrien. Il vient tout juste de voir ses deux amis prendre des débarques remarquables et c’est maintenant son tour. Il monte les marches lentement et rendu en haut, il regarde en bas de la glissade. Il sait bien qu’il est maintenant trop tard pour refuser son tour. Les autres jeunes ne lui feraient jamais oublier. Il s’accroupit et il se laisse glisser. Au bas de la glissade, il frappe la butte de glace et les deux pieds s’envolent. Il fait une rotation complète dans les airs et retombe sur le ventre où il glisse pour une dizaine de pieds. Il se lève, la tête pleine de neige. Adrien : Wow. C’est tout un kick ça. Albert : Chicken ! Tu ne t’es même pas tenu debout. Deux autres de leurs amis se joignent au groupe. Serge : Okay, Pierre. C’est à ton tour. Après trois ou quatre débarques extraordinaires, c’est encore au tour à Albert. Il avait observé toutes les autres descentes et étudié les stratégies qui fonctionnent. Il monte les marches et une fois en haut, se penche sur la glissade. Il imagine son plan et s’élance. Il plie son genou gauche avec sa jambe droite un peu en arrière pour l’aider à garder son équilibre. Rendu au bas de la glissade, il plie les deux genoux, juste avant de frapper la butte de glace. Ceci coupe la hauteur de son vol. Dans les airs, il plie son genou gauche encore une fois avec sa jambe droite un peu en arrière pour garder son équilibre et étend ses bras dans les airs. Il vole quelques pieds, penchant à gauche et à droite comme un avion dans le vent, mais il réussit à atterrir tout en restant debout. Il glisse une vingtaine de pieds et termine son trajet en courant. Il se retourne et sourit à tout le monde. C’est la glissade parfaite. Il devient automatiquement le héros de la cour de jeu. La glissade debout devient très populaire. Durant sa 3e et sa 4e année, Pierre réussit la descente parfaite à deux ou trois reprises, mais c’est Albert qui demeure le héros de tous. C’est lui qui l’a fait le premier. Lorsqu’ils retournent en classe avec des maux de tête, des poques sur différentes parties du corps, de la neige allant jusqu’à l’intérieur de leur camisole, tous les jeunes sourient et aucun n’ose se plaindre aux autorités et même aux parents, de peur qu’on démantèle la glissade. Quelques années plus tard, la structure de la glissade en bois devient précaire et même dangereuse. Le Conseil des écoles séparées choisit de s’en défaire. Elle n’a jamais été remplacée.

Photo : Vaudreuil-Dorion