FRANCOPRESSE – Le gouvernement fédéral devra garantir le respect des deux langues lorsqu’il sous-traitera ses services. Cependant, les provinces et les territoires ne seront pas soumis à cet amendement adopté par le Comité permanent des langues officielles. Un coup manqué, selon la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, en bataille judiciaire contre le gouvernement depuis dix ans à ce sujet.
Inès Lombardo – Francopresse
Les provinces et les territoires ne seront pas tenus d’offrir des services dans les deux langues officielles, même si le gouvernement fédéral a versé une contribution financière pour la prestation de ces services.
Selon un nouvel amendement du projet de loi C-13 apporté à l’article 25 sur les services fournis par des tiers, seuls les tiers privés ou les municipalités seront dans l’obligation d’offrir les services dans les deux langues.
Pas de « filet de sécurité » en plus pour les francophones
La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) se bat contre le gouvernement fédéral depuis plus de dix ans pour que les provinces et territoires soient soumis à cette obligation de services dans les deux langues officielles lorsque le fédéral leur confie une mission.
« C’est mieux que rien, ce qu’on voulait a été partiellement voté, analyse Emmanuelle Corne Bertrand, directrice générale de la FFCB. Si la tierce partie n’est ni une province ni un territoire, l’obligation de bilinguisme est là. Ça, c’est une bonne nouvelle pour la francophonie du Canada. »
En 2008, Ottawa a transféré les services d’aide à l’emploi à la Colombie-Britannique qui les a ensuite déléguées à des tiers. Mais peu à peu, des centres qui fournissaient ces services à l’emploi en français ont été démantelés par le gouvernement provincial. La FFCB avait alors entamé une poursuite judiciaire contre la province pour dénoncer l’érosion de ces services.
En 2022, la Cour d’appel fédérale a tranché qu’Ottawa n’avait pas respecté ses obligations en déléguant les services à l’emploi à la Colombie-Britannique, contrairement à la décision de la Cour fédérale de 2018.
Selon Emmanuelle Corne Bertrand, une zone grise demeure sur ce qui relève de la compétence fédérale et ce qui relève de la compétence provinciale.
« Nous avons un appel en Cour suprême exactement sur ce sujet de compétences, alors on aurait aimé qu’ils aillent jusqu’au bout. Ça nous aurait évité [d’aller en] Cour suprême si la loi le réglait », affirme-t-elle.
La Colombie-Britannique n’a pas de politique linguistique. L’amendement comme souhaité par la FFCB aurait ajouté un « filet de sécurité » à la francophonie, estime Emmanuelle Corne-Bertrand.
Photo : Courtoisie
Mais l’organisme attend que l’étude du projet de loi article par article se termine « pour avoir une vue d’ensemble ». D’autres amendements pourraient changer le cours des choses.
« Dissensions » au comité sur le vote
Le 10 février, le député conservateur Joël Godin a proposé un amendement pour assurer un service dans les deux langues officielles lorsque le gouvernement fédéral faisait appel à des tiers. La néodémocrate Nikki Ashton a par la suite proposé un sous-amendement, qui a été adopté, qui excluait les provinces et les territoires de la catégorie des tiers.
Sans l’intervention du Nouveau Parti démocratique, la FFCB croit que l’amendement originel de n’aurait probablement pas été adopté. « On a compris qu’il y avait des dissensions parmi les membres du Comité sur l’amendement tel qu’on le souhaitait, alors il a fallu faire des compromis pour que l’article 25 soit quand même amendé », explique Emmanuelle Corne-Bertrand.
« Le gouvernement sait depuis le début que ce problème est critique pour nous. Ça n’a pas été proposé dans le projet de loi tel quel, il a fallu l’amender. [Le Parti libéral] n’est pas le parti au gouvernement qui a proposé l’amendement ni le sous-amendement ! »
Photo : Courtoisie
Services au voyageur
Suggérée par le Commissariat aux langues officielles, une autre modification a été apportée à l’article 22 vendredi.
Les institutions libérales qui offrent des services aux voyageurs devront faire en sorte que ces derniers puissent communiquer et recevoir des services dans l’une ou l’autre des deux langues officielles, notamment dans les endroits du Canada ou de l’étranger où il y a une forte demande de l’une de ses langues.
L’amendement, déposé par le Parti conservateur, a été adopté par tous les membres sauf les libéraux.
Stan Leveau-Vallier – IJL – Réseau.Presse – l-express.ca
Le quotidien bilingue des Franco-Ontariens
Le film est tiré de la pièce de Jocelyne Beaulieu J’ai beaucoup changé depuis. Karolyne Pickett lui a demandé la permission de l’adapter et de la transposer dans un contexte bilingue.
(Jusqu’à l’an dernier, le projet de film s’intitulait Eaux Troubles / Broken Waters, mais en 2019, Netflix a donné le titre français Eaux Troubles au drame environnemental Dark Waters. Et « suite au montage, l’histoire prend de nouvelles couleurs », explique la productrice. « Le titre anglais était toujours le bon ‘fit’, mais je voulais une nuance différente pour le titre français. »)
Karolyne Pickett s’est nourrie de beaucoup d’expériences personnelles… En premier lieu du contexte bilingue dans lequel elle a grandi a Ottawa, avec une mère francophone et un père anglophone, originaire de Vancouver, devenu francophile.
Le contexte bilingue, dans lequel on passe d’une langue à l’autre sans effort, est le quotidien de beaucoup de Franco-Ontariens.
Innover en santé mentale
Karolyne Pickett se souvient avoir discuté de son projet à quelqu’un à la sortie d’une projection en 2005, et de l’avoir entendu répondre: «Ah! Moi aussi je travaille à un film bilingue»… C’était Kevin Tierney, le producteur de Bon Cop, Bad Cop!
Sauf que Brise Glace / Broken Waters n’est pas une comédie qui joue sur les différences entre francophones et anglophones.
Le film raconte l’histoire d’une médecin qui veut sortir du «tout médicament» et proposer de la psychothérapie pour traiter les troubles mentaux, dans les années 80. Elle se heurte au scepticisme et au harcèlement de ses collègues masculins.
Le rôle principal est interprété par Valérie Descheneaux, bien connue pour L’Auberge du Chien Noir à Radio-Canada. Natalie Tannous, qui interprète une autre docteure, a joué dans Antigone, nominé pour représenter le Canada aux Oscars.
L’obstination d’une femme
Karolyne Pickett a voulu veut rendre hommage aux femmes de cette époque-là, quand les congés maternité n’existaient pas encore, et le machisme était très présent.
Karolyne pickett
Elle a aussi voulu illustrer l’approche novatrice et humaine qui accepte que des maladies mentales ne se guérissent pas à coups de médicaments surdosés… Mais qu’ils se gèrent, notamment avec la psychothérapie, et avec des rechutes possibles.
Il est naturel que les gens autour d’un malade veuillent qu’il soit guéri, mais la pression rend les rechutes d’autant plus difficiles.
Onno Weeda, directeur photo du projet (il a été opérateur sur la série Suits), se souvient que le tournage a eu lieu en février 2020, juste avant les confinements.
A posteriori, après avoir vu la pandémie bousculer tant de personnes, Onno Weeda est impressionné par l’approche fine du film sur la santé mentale, par son côté presque visionnaire.
Tournage convivial
Onno Weeda se souvient de l’atmosphère conviviale du tournage, sur lequel le metteur en scène Pierre Gregory (que l’on connaît aussi des Indisciplinés), passait sans cesse d’une langue à l’autre.
Le directeur photo était l’un des seuls qui ne parlaient pas français, mais cela ne l’a pas dérangé. Il est habitué aux environnements multilingues, qu’il apprécie. Enfant de diplomates hollandais envoyés en Amérique latine, il parlait néerlandais à la maison, anglais avec ses soeurs parce qu’ils allaient à l’école américaine, et espagnol.
Il lui est arrivé de travailler sur des tournages en anglais, mais de parler espagnol avec un collègue plus à l’aise dans cette langue. Les points communs aident à cimenter les relations.
La clef, c’est simplement d’être attentif à si l’on exclut d’autres personnes, et donc de pouvoir changer de langue rapidement si cela devient le cas.
Pourquoi pas d’autres films bilingues?
Onno Weeda s’étonne de trouver les habitants d’Ottawa plus à l’aise de montrer qu’ils parlent à la fois français et anglais, que ceux de Toronto, où il habite. Peut-être parce que tout le monde est bilingue à Ottawa, alors qu’à Toronto on part du principe que les autres ne parlent pas français.
C’est désormais bien vu de parler français en contexte majoritairement anglophone, et c’est très répandu de passer d’une langue à l’autre. Karolyne Pickett pense qu’il est temps que cela soit montré au cinéma. Si son film est visionnaire sur la santé mentale, le sera-t-il sur le bilinguisme à l’écran?
FRANCOPRESSE – L’idée de faire de l’Ontario une province officiellement bilingue a fait l’objet de discussions à maintes reprises, sans jamais se concrétiser. La Loi sur les services en français de l’Ontario de 1986, modernisée en décembre 2021, n’a peut-être pas permis l’épanouissement des Franco-Ontariens aussi bien que l’aurait fait une province bilingue.
Ericka Muzzo – Francopresse
Pour l’historien Serge Dupuis, la Conférence de Victoria — qui portait notamment sur le rapatriement de la Constitution canadienne — a peut-être été le moment où l’Ontario est passé le plus proche de devenir bilingue.
« Il y a eu ce moment d’ouverture là où on a eu les premières négociations constitutionnelles. […] Il y avait une volonté de l’Ontario d’agir comme bon partenaire de la fédération en voyant que le Québec était bilingue depuis son entrée dans la Confédération, que le Nouveau-Brunswick venait d’adopter sa Loi sur les langues officielles en 1969 », raconte-t-il.
Cette conférence suivait la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963-1969), mieux connue sous le nom de Commission Laurendeau-Dunton. L’une de ses recommandations était que l’Ontario et le Nouveau-Brunswick deviennent officiellement bilingues, en plus de certaines régions canadiennes où une partie importante de la population parle français.
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Dates importantes
1963 à 1969 — Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme
1971 — Conférence de Victoria
1972 — Politique ontarienne de prestation des services en français
1974 — Le Québec devient officiellement bilingue
1982 — Rapatriement de la Constitution
1986 — Loi sur les services en français de l’Ontario
1997 — L’Ontario veut fermer l’hôpital Montfort
2018 — Abolition du Commissariat aux services en français de l’Ontario
2021 — Révision de la Loi sur les services en français de l’Ontario
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« L’Ontario a montré une ouverture à se déclarer officiellement bilingue à ce moment-là, ajoute Serge Dupuis, mais la porte s’est refermée lorsque le premier ministre Robert Bourrassa est entré à Québec » et qu’il a décidé de retirer son appui à la Charte de Victoria, qui avait jusqu’alors la faveur de l’ensemble des provinces.
« Ç’a coulé un peu le moment où l’Ontario aurait pu devenir officiellement bilingue », estime l’historien.
Il nuance toutefois : « Ça ne veut pas dire que ça se serait nécessairement passé. Il y aurait eu d’autres obstacles – les Franco-Ontariens représentaient environ 6-7 % de la population de la province, il y en a certains qui se seraient gratté la tête à savoir qu’est-ce qui justifiait que l’Ontario deviendrait officiellement bilingue d’un mur à l’autre ».
Le 31 juillet 1974, le Québec devient officiellement unilingue francophone, mettant définitivement fin à l’idée jusqu’alors évoquée de créer des districts bilingues à travers le Canada là où au moins 10 % de la population composait une minorité de langue officielle.
« Le moment politique était passé. Donc on s’est retrouvés dans une situation où on est passés assez rapidement d’une volonté de refonder la fédération, où on aurait eu trois importantes provinces qui auraient été officiellement bilingues […] vers un retour vers l’unilinguisme, tant au Québec qu’en Ontario », relate Serge Dupuis.
En 1972, l’Ontario avait adopté une première politique de prestation de services en français, en quelque sorte l’ancêtre de la Loi sur les services en français (LSF) de 1986.
« C’était une petite pièce, une petite mesure à la fois. On faisait essentiellement le strict minimum pour montrer au Québec et aux Franco-Ontariens qu’on faisait quelque chose, et d’un autre côté ne pas éveiller ceux qu’on appelait les orangistes ou les anglophones hostiles à la présence du français en sol ontarien », ajoute l’historien.
D’après lui, il n’y a jamais véritablement eu « d’appétit public » pour le bilinguisme en Ontario. Il va même jusqu’à dire que « l’Ontario n’avait jamais vraiment l’intention d’être bilingue ».
Valérie Lapointe-Gagnon, professeure agrégée d’histoire à la Faculté Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, fait écho à ces propos en rappelant que la concentration de francophones était moins grande en Ontario qu’au Nouveau-Brunswick et qu’« il y avait aussi des gens qui étaient contre le bilinguisme, et pas nécessairement beaucoup de réceptivité du point de vue politique ».
« Le bilinguisme institutionnel de l’Ontario est demeuré une revendication », nuance-t-elle.
La professeure rappelle qu’avant le rapatriement de la Constitution (1982), la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ) — ancêtre de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada — a publié des mémoires qui demandaient notamment le bilinguisme de l’Ontario et du Manitoba.
« Au moment du rapatriement, ce que les communautés francophones obtiennent, c’est beaucoup autour de l’article 23 et de l’éducation. On n’est pas satisfaits parce que ça ne correspond pas à l’ampleur des demandes qu’on avait formulées », explique Valérie Lapointe-Gagnon.
La Loi sur les services en français de l’Ontario de 1986 a permis certaines avancées, mais puisqu’elle utilisait l’approche territoriale des zones où les francophones étaient plus nombreux, cela a créé des inégalités d’après la professeure.
D’un autre côté, « le bilinguisme officiel, c’est un idéal, mais concrètement qu’est-ce que ça donne ? » questionne Valérie Lapointe-Gagnon.
« On le voit avec le fédéral : la fonction publique est bilingue, mais il y a encore tellement de failles dans le bilinguisme […] On le voit aussi avec la Ville d’Ottawa, qui est bilingue depuis 2017, mais c’est très critiqué parce que dans les faits, le visage de la Ville d’Ottawa demeure majoritairement anglophone », souligne-t-elle.
« Peut-être qu’on aurait eu davantage d’hésitation à sabrer dans les programmes en français », ajoute Valérie Lapointe-Gagnon en faisant référence à l’Université Laurentienne.
Malgré tout, le bilinguisme n’est pas une fin en soi d’après la professeure : « On a beau avoir la meilleure loi, si elle n’est pas respectée, il y a toujours des failles. Et c’est toujours un bilinguisme qui relève des institutions, ce n’est pas un bilinguisme individuel, donc la population n’est pas à l’abri de l’assimilation », avertit Valérie Lapointe-Gagnon.
« Ça va se faire par étapes », dit l’AFO
À l’approche des élections ontariennes du 2 juin, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a dévoilé, le 15 mars, sa plateforme de propositions « par et pour la population franco-ontarienne ».
Quatre thèmes principaux y sont identifiés, dont celui d’ « agrandir l’espace francophone en Ontario ». L’AFO y souligne qu’actuellement, 20 % des francophones habitent des régions non désignées en vertu de la LSF de l’Ontario et n’ont donc pas accès à des services en français.
Carol Jolin, président de l’AFO, explique que le bilinguisme officiel demeure bel et bien d’un objectif « à moyen long terme, mais on est très, très conscients que ça va se faire par étapes ».
Il souligne que depuis la modernisation de la LSF en décembre 2021, la ministre des Affaires francophones a « le pouvoir de donner des services en français dans des régions qui ne sont pas désignées ». Il estime donc que la prochaine étape est d’identifier quelles régions pourraient en bénéficier.
« Ce n’est pas que la communauté ne l’a pas demandé », reprend Carol Jolin. Mais il croit qu’il faudra d’abord désigner l’ensemble de la province avant de parler de bilinguisme officiel.
L’historien Serge Dupuis est plus tranchant : « Je ne pense pas qu’on se dirige vers un bilinguisme officiel. Je pense que l’AFO va continuer de dire qu’elle le souhaite, mais je ne pense pas qu’il y ait un gouvernement qui va s’engager à ça, ne serait-ce qu’à cause de la question démographique. »
« Proportionnellement, les francophones ne sont pas assez nombreux et les anglophones ne sont pas assez bilingues. Tant et aussi longtemps que ça n’aura pas changé — et on ne projette pas que ça change, au contraire […] je ne vois pas les conditions où ça pourrait arriver », explique-t-il.
Valérie Lapointe-Gagnon, elle, juge que « ça va dépendre de qui est élu dans la prochaine élection. […] Ce n’est pas un débat fort en ce moment sur la scène électorale », observe-t-elle toutefois.
Serge Dupuis croit toutefois que le bilinguisme de l’Ontario « ne serait pas la panacée qu’on pense que ça serait, parce qu’il y a toutes sortes d’autres facteurs qui entrent en jeu dans la vitalité franco-ontarienne ».
Il déplore néanmoins une occasion manquée lors de la modernisation de la LSF : « Si dans la refonte on avait ciblé les problèmes réels, je pense qu’elle aurait pu demeurer très opérante et un mécanisme de développement pour la communauté franco-ontarienne. Mais la refonte qui a été proposée […] entre ça et rien, il n’y a pratiquement pas de différence. Le leadership de la communauté a vraiment manqué son coup dans cette refonte-là. »
À l’idéal du bilinguisme officiel, il préfère donc « la réalité et la priorité », qui est à son avis la vitalité de la communauté franco-ontarienne.
Bien que la majorité des Canadiens démontrent un fort appui aux objectifs de la Loi sur les langues officielles, c’est parmi les francophones qu’il est le plus élevé, selon un sondage réalisé en octobre 2021 auprès de 3000 personnes pour le compte du Commissariat aux langues officielles.
L’intérêt serait le plus prononcé au Québec avec un soutien atteignant 95 %. En Ontario, le pourcentage est de 87 % et dans les provinces de l’Atlantique, 86 %.
Il y a plus de francophones que d’anglophones qui sont d’avis que le premier ministre du Canada, les juges de la Cour suprême ainsi que les ministres fédéraux doivent être bilingues. Lorsque la question des compétences linguistiques du premier ministre du Canada est survenue, 98 % des francophones ont dit qu’il devrait être bilingue. Du côté anglophone, 78 % ont répondu pareillement.
En ce qui a trait au bilinguisme chez les juges de la Cour suprême du Canada, 96 % des franco-phones ont dit qu’ils devraient parler les deux langues officielles, contre 73 % des anglophones. À la question de savoir s’il devrait être obligatoire pour les ministres du gouvernement fédéral d’être compétents en français et en anglais, 94 % des participants francophones ont répondu par l’affirmative. Lorsque la question a été posée aux anglophones, 67 % étaient du même avis.
La version actuelle de la Loi sur les langues officielles a pour objectif d’assurer le respect et l’égalité de statut des deux langues officielles au sein des institutions fédérales, entre autres lors des débats et travaux du Parlement, ainsi que de soutenir le développement des minorités linguistiques dans les provinces et territoires canadiens.
Projet de loi C-13
Le 1er mars, Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles, a déposé son projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles pour y apporter certains ajustements liés aux enjeux modernes en matière de dualité linguistique. La nouvelle version de la Loi offrirait l’option au commissaire aux langues officielles de sanctionner des entités comme les sociétés d’État dans le domaine du transport (Via Rail, Air Canada) qui ne respectent pas leurs engagements linguistiques.
Le projet de loi prévoit de mieux s’attaquer à l’immigration francophone en établissant des critères précis pour aborder adéquatement la baisse du nombre de francophones au sein des communautés minoritaires de langue français.
FRANCOPRESSE – Au lendemain du discours du Trône, le sénateur conservateur Claude Carignan a déposé un projet de loi visant à ce que la personne qui occupe le poste de gouverneur général parle obligatoirement les deux langues officielles du Canada, soit le français et l’anglais. Quelques jours plus tôt, le commissaire aux langues officielles concluait que les 1300 plaintes reçues dans la foulée de la nomination de Mary May Simon sont non fondées.
Inès Lombardo – Francopresse
Claude Carignan n’est « pas surpris » que les 1 300 plaintes reçues par le Commissariat aux langues officielles (CLO) suivant la nomination de la gouverneure générale Mary May Simon soient jugées non fondées dans le rapport d’enquête préliminaire du commissaire aux langues officielles.
« Le premier ministre n’est pas techniquement assujetti directement à la Loi sur les langues officielles, il n’est pas une institution dans la Loi », justifie-t-il.
« Ça démontre toute l’importance de mon projet de loi pour qu’on puisse assujettir les personnes qualifiées au bilinguisme, avant que le dossier se rende au bureau du premier ministre et que ça aille au Conseil privé! » poursuit le sénateur.
Le projet de loi S-220 vient ajouter, dans la liste des fonctions ciblées dans la Loi sur les compétences linguistiques, le poste de gouverneur général. La personne qui l’occupera devra donc démontrer des compétences claires dans les deux langues officielles du pays.
« La pierre […] je la lance au premier ministre Trudeau »
« Avec la diminution du nombre de francophones et de personnes qui parlent français à la maison [et considérant] l’importance d’avoir une augmentation de l’immigration francophone, ce poste représente la Reine, mais aussi l’identité canadienne. Si [la gouverneure générale] est unilingue anglophone, ça lance le message à l’étranger que le Canada est un pays unilingue anglophone », déplore encore Claude Carignan.
Le sénateur acadien indépendant René Cormier, qui était président du Comité permanent sur les langues officielles avant les élections fédérales de 2021, soutient que « la conversation ne remet pas en question les compétences de Mme Simon. Il est tout à fait compréhensible pour le gouvernement, dans un contexte de réconciliation, de vouloir offrir cette place à [une personne] d’un des peuples autochtones. Elle parle l’inuktitut, ce qui est tout à son honneur et qui contribue au principe de la réconciliation au Canada ».
Il rejoint toutefois le sénateur Carignan sur le fait que la gouverneure générale, qui représente le Canada, doive parler les deux langues officielles.
En 2013, la députée québécoise du NPD Alexandrine Latendresse avait déposé le projet de loi C-419 pour obliger certains hauts fonctionnaires du Parlement, comme le vérificateur général, à être absolument bilingues. Ce projet de loi avait été introduit en réaction à la nomination de Michael Ferguson au poste de vérificateur général. Il était unilingue anglophone au moment de sa nomination à ce poste.
« À ce moment, on était loin d’imaginer qu’un premier ministre du Canada oserait nommer une gouverneure générale qui ne peut pas s’adresser en anglais et en français aux Canadiens. C’est pour ça qu’on ne l’a pas inclus dans ce processus », assure Claude Carignan.
Il poursuit : « Je salue l’effort [du français employé par la gouverneure générale lors du discours du Trône du 23 novembre dernier], mais comme francophone, quand la gouverneure générale s’adresse à moi comme Canadien, je ne m’attends pas à ce qu’elle fasse des efforts pour me parler. Je m’attends à ce qu’elle me parle dans ma langue. »
« La pierre, je ne la lance pas à la gouverneure générale qui a fait des efforts ; je la lance au premier ministre Trudeau, qui a recommandé sa nomination à la Reine », tient-il à rappeler.
Selon le sénateur, la promesse d’apprendre le français lorsqu’une personne accède à de hautes fonctions ne suffit pas.
Les langues officielles, pas avant Noël
Le gouvernement a quatre projets de loi prioritaires à faire adopter avant la fermeture du Parlement pour les fêtes de fin d’année, le 17 décembre. La modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) n’en fait pas partie.
Pour Claude Carignan, « ça démontre que ce gouvernement dit une chose et fait autre chose ».
« Pendant six ans, ils nous ont dit qu’ils étaient pour déposer un projet de loi pour la modernisation des langues officielles. Il y a eu de la consultation, on a fait des commentaires et ils sont arrivés avec un projet de loi déposé à la veille des élections. On savait que ce projet allait mourir au feuilleton. Après les élections, j’ose croire que le projet de loi n’est pas tombé dans la déchiqueteuse ! » vitupère le sénateur conservateur.
Le sénateur René Cormier se montre plus conciliant, insistant sur le fait que « l’important est que le projet de loi soit déposé le plus rapidement possible et que ça puisse cheminer tant à la Chambre des Communes qu’au Sénat ».
Pour lui, « il y a une notion de rattrapage et d’égalité réelle ici, et tant que cette nouvelle loi n’est pas mise en œuvre les défis démographiques s’accentuent. C’est très urgent que cette loi soit débattue et adoptée rapidement ».
L’accès à la formation aux langues officielles au sein du gouvernement
La nomination de Mary Simon soulève aussi, pour René Cormier, le fait que « le gouvernement a des obligations en matière linguistique pour les citoyens canadiens et canadiennes qui travaillent [au sein de l’appareil gouvernemental] ».
Si la LLO est révisée adéquatement et « a plus de mordant, elle va peut-être aider à assurer qu’à l’intérieur de l’appareil fédéral gouvernemental, les fonctionnaires puissent travailler dans la langue de leur choix, mais aussi avoir accès à la formation linguistique qui leur permette d’accéder à la haute fonction de l’État comme celle de Mme Simon. Ces lacunes sont identifiées depuis longtemps ».
René Cormier fait notamment référence au rapport réalisé en 2019 par le Comité sénatorial sur les langues officielles, dont il était alors le président. Le Comité avait recommandé le renforcement des pouvoirs aux langues officielles et suggéré la création d’une agence centrale dotée de mécanismes nécessaires à une réelle force de mise en œuvre.
« Les recommandations et les amendements proposés par la FCFA sont alignés avec ce rapport », assure encore le sénateur Cormier, qui rappelle que la ministre des Langues officielles de l’époque, Mélanie Joly, en a pris certains en compte.
« Il reste encore du travail. Maintenant, y a-t-il de la place pour apporter des amendements au projet de loi? Ce sera l’enjeu des discussions avec la nouvelle ministre et le Comité sénatorial des langues officielles. Ce comité devra regarder ce nouveau projet de loi et voir comment la ministre tient compte de ces amendements. »
René Cormier, qui souhaite « ardemment » que le Comité sénatorial sur les langues officielles soit mis en place avant Noël, a préféré ne pas indiquer s’il se présentera à nouveau à la présidence de ce comité.