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Pour le 100e de la Ville de Hearst, plusieurs activités en lien avec l’histoire de la capitale de l’orignal ont été organisées par des sous-comités. L’un d’entre eux a soumis l’idée de faire un parcours, style rallye, dans lequel les gens pourraient découvrir l’origine historique des noms donnés à certaines rues de la municipalité. 

Le choix des rues qui allaient figurer dans le rallye a été fait dans l’optique de toucher des catégories différentes de l’histoire de la ville, qui font ce qu’elle est aujourd’hui. 

Place Lambert, pour le clergé 

Le clergé occupe une place importante dans la fondation de la ville ainsi que dans la vague migratoire des Québécois à partir des années 1920. Zöel Lambert voit le jour à Saint-Nicolas au printemps de 1895. Ayant déterminé sa vocation religieuse il sera ordonné en 1920 et l’abbé Lambert est attendu par le préfet apostolique de la Ville de Hearst. « Mgr Joseph Hallé en fait rapidement son bras droit, en lui confiant de nombreuses responsabilités diocésaines, religieuses, éducatives, sociales et politiques. (…) L’abbé Lambert s’implique sans compter dans le projet de colonisation de Mgr Hallé et du clergé canadien-français qui rêve de créer un diocèse agricole francophone dans le Nord-Est ontarien », écrit Danielle Coulombe dans son ouvrage Coloniser et enseigner. 

Pour réussir leur projet, ils mettaient l’accent sur deux choses : la religion catholique et la langue française, essentielles pour la survie de la communauté francophone en situation minoritaire. L’abbé Lambert connaissait l’importance d’une éducation francophone pour les jeunes catholiques de Hearst ; il s’investit beaucoup auprès des enfants du couvent Saint-Joseph. Par la suite, il aide grandement au projet de la construction d’une école séparée bilingue, l’école Sainte-Thérèse. 

Son dévouement l’amène à la nomination, en 1929, de la superintendance, avec pleine juridiction et l’autorité absolue de voir à tous les détails et toutes les démarches relatives à la construction de l’école. 

L’abbé Lambert aimait les sports et les activités de plein air, il ne manquait pas de faire profiter les enfants des joies de l’hiver en construisant une glissoire ou une patinoire dans la cour d’école. Il organise aussi des équipes sportives qui joignent les enfants anglophones aux francophones, et rivalisent avec les équipes des villages voisins. 

Il se fait régulièrement le porte-parole du diocèse auprès des autorités politiques, tant fédérales que provinciales. Il se rend souvent à Toronto pour promouvoir la colonisation agricole et faire connaitre les revendications de la communauté franco-ontarienne. 

Malgré le décès de son mentor, Mgr Hallé en 1939, l’abbé Lambert reste dans la région et continue à servir le diocèse. Il est reconnu pour son travail et son dévouement en 1943 par le pape Pie XII qui lui donne le titre honorifique de Monseigneur. En 1952, il quitte Hearst, mais revient 20 ans plus tard, pour y mourir en 1985. 

Danielle Coulombe écrit : « Figurant à juste titre comme l’un des fondateurs du diocèse de Hearst et l’un des piliers dans l’émergence et le développement de la communauté francophone de Hearst, Mgr Lambert témoigne par son engagement et son dévouement de l’importante contribution du clergé catholique de langue française dans l’histoire de la ville de Hearst. Contribution que cette dernière reconnait à sa façon, grâce à la Place Lambert, située dans le quartier St-Pie X. » 

Juste à côté de la Place Lambert, il y a la Place Charbonneau, en l’honneur de Mgr Joseph Charbonneau, le premier évêque de Hearst. Cet évêque a pu compter sur l’appui de Mgr Lambert tout au long de son passage ici.

Phot0 de l’abbé Lambert, Facebook de l’Écomusée de Hearst

La rivière Mattawishkwia, le lien avec les Premières Nations 

« Mattawishkwia. Le nom de cette rivière qui longe et traverse la ville de Hearst est d’origine autochtone et signifie, selon l’interprétation officielle établie par l’arrêté municipal no. 20-02 Bends in the Mouth of the River. D’autres sources proposent parfois comme interprétation “ eaux peu profondes ” ou encore “ Ville de la rivière ” », écrit Mélissa Vernier, historienne et archiviste au Centre d’archives de la Grande Zone argileuse. 

Cette rivière a servi pendant longtemps de route pour accéder au nord de l’Ontario, aux communautés des Premières Nations. Ils l’empruntaient pour aller sur leurs territoires de chasse et de trappe et, un peu plus tard, aux comptoirs de traite des fourrures de la Compagnie de la Baie d’Hudson ou la Compagnie Révillon Frères. 

De nos jours, la rivière est toujours utile, c’est la source d’eau potable de la ville et un endroit pour pratiquer de nombreux loisirs, été comme hiver. 

Mélissa Vernier, historienne et archiviste, décrit le cours d’eau comme suit : « Le bassin hydrographique de la Mattawishkwia déverse ses eaux sur les terres ancestrales des Cris et des Ojibwés, signataires du Traité no 9. Cette entente négociée en 1905, non pas avec les Premières Nations concernées, mais plutôt entre Ottawa et l’Ontario, avait pour objectif de libérer le nord de l’Ontario du droit d’usage autochtone et d’ouvrir le territoire à la colonisation, à la construction de chemins de fer et à l’exploitation des richesses naturelles ». 

Les ententes ne laissaient aucun droit aux nations autochtones de participer aux prises de décisions. Ces groupes de personnes recevraient une indemnité financière, un système scolaire pour les assimiler, des réserves situées à des kilomètres parfois de leur territoire de chasse et des droits de chasse, de pêche et de trappe dans des limites établies. 

Les premiers arpenteurs et cartographes à visiter la région écrivaient le nom de la rivière de plusieurs manières, en utilisant seulement la phonétique pour finalement l’écrire comme elle est connue aujourd’hui. 

Plan de la ville de Hearst en 1919, Centre d’archives de la Grande Zone argileuse

L’arpenteur-géomètre et historien dans l’âme Ernie Bies fait une lecture fort intéressante du plan d’aménagement urbain de Hearst de 1911. Selon son analyse, le lotissement de Hearst a d’abord brièvement porté le nom de Mattawishguia. Il fait remarquer, entre autres, la rayure sur le mot Mattawishguia Townsite et l’inscription superposée de « Hearst », vraisemblablement à partir de 1912, afin de souligner le rôle de William Howard Hearst, alors ministre du Département des Forêts, des Terres et des Mines de l’Ontario. 

Il n’est pas rare que les rues ou des endroits soient renommés en mémoire de personnes importantes de la communauté, mais pour la rivière ou d’autres lacs et cours d’eau de la région, l’appellation traditionnelle autochtone perdure. On pense aux noms Kabinakagami, Minnipuka, Missinaibi, Nagagamisis, Pivabika, etc. 

Photo principale : Facebook Écomusée de Hearst