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Le Centre de services à l’emploi de Prescott-Russell (CSEPR) a présenté l’ampleur ‘en chiffres’ de la pénurie de main-d’œuvre de la région, le 23 novembre dernier. À la suite de ce constat, le Régional a décidé de pousser l’exercice un peu plus loin en partant en quête de ‘l’origine’ et donc des causes de cette problématique, la semaine suivante.

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Noé Cloutier – IJL – Réseau.Presse – Le Régional

 « Ce n’est pas récent en fait, on parle d’un problème qui a débuté il y a cinq ou six ans et qui a ensuite été exacerbé par la pandémie », raconte Caroline Arcand, directrice générale du CSEPR.

C’est donc aux environs de 2016 que le phénomène a commencé à se faire sentir. Initialement, c’était dans certains domaines spécialisés, comme la santé et la technologie, mais cela a rapidement pris de l’ampleur à partir de 2020.

« Je n’ai pas besoin de ça »

En mars 2020, quand la pandémie est arrivée, plusieurs commerces ont dû fermer leurs portes pendant de longues semaines lors du tout premier et plus sévère confinement. Cela n’a toutefois pas été le seul malheur à frapper les entrepreneurs, qui verront plusieurs de leurs employés ne jamais revenir pour la réouverture.

« Plusieurs personnes étaient déjà près de leur retraite et se sont simplement dit : ‘ je n’ai pas besoin de ça ! ’ », raconte madame Arcand.

Retour aux études

Pour d’autres, notamment ceux qui œuvraient dans des domaines fermés de manière pour plus longtemps, tels que l’aviation ou l’hôtellerie, ce fut une opportunité de reprendre les études.

« Tout n’est pas que négatif, une des bonnes choses que la pandémie a apportées est que les écoles ont rendu leurs formations beaucoup plus accessibles et avec la multiplication de l’offre de cours en ligne, un retour aux études est devenu possible pour bien des gens », souligne-t-elle.

Le télétravail : une lame à double tranchant

Tout comme les études, le concept de travail à distance, ou télétravail a lui aussi explosé avec la pandémie.

« Ça se voit encore plus en milieu rural [comme Prescott-Russell], parce que cela permet d’éviter beaucoup de voyagement pour se rendre en ville ou ailleurs », indique-t-elle, en précisant que les employeurs devront développer des trucs, dans les années à venir, pour s’assurer que le travail est aussi bien fait qu’en présentiel.

Au-delà des économies en temps, en transport et donc en argent, l’aspect un peu plus négatif est que le télétravail vient « décentraliser » le marché du travail.

« Maintenant qu’ils peuvent offrir leur service ailleurs, de plus en plus de gens vont vivre ici, mais travailler en dehors de la région, parfois même du pays », indique Caroline Arcand.

Citoyens (et travailleurs) vieillissants

Au-delà des effets de la pandémie, un problème qui est bien particulier à la région de Prescott-Russell est celui de ses travailleurs vieillissants.

Selon le dernier recensement  de 2021, le nombre de travailleurs de 24-54 ans de la région est en baisse de 4 %, mais celui de 55 ans et plus est à la hausse de 15 % (par rapport au recensement précédent).

Plus encore, la population de 65 ans et plus représente plus de 20 % des 95 640 citoyens de Prescott-Russell. En descendant à 55 ans et plus, ce chiffre monte à 37 %.

Le problème de population vieillissante n’est évidemment pas anodin à la région, mais est tout de même pire qu’ailleurs. À titre comparatif, selon les données déjà élevées de la province, les Ontariens de 65 ans et plus représentent 19 % de la population et ceux de 55 ans et plus, 33 % de la masse de plus de 14 millions d’habitants.

Tenter de « garder » les jeunes

Alors que plusieurs travailleurs se rapprochent de la retraite, leur « relève » elle, part étudier ailleurs pour parfois ne jamais revenir. En se présentant comme maire de Hawkesbury, Robert Lefebvre avait d’ailleurs mentionné que de garder « les jeunes en ville » serait l’une de ses priorités.

Du côté du CSEPR, des bourses d’études de 5 000 $ sont même offertes pour tenter de contrer « l’exode » des jeunes de Prescott-Russell. Cette initiative, elle n’est d’ailleurs pas la seule du CSEPR, qui tente par toutes sortes de manières de trouver des remèdes à cette pénurie.

« Avant, les gens cognaient à notre porte ‘job-ready’ avec leur cv, en ayant juste besoin d’un peu d’aide pour les démarches. Aujourd’hui, ils ont besoin d’un peu plus d’aide pour retourner sur le marché du travail, et dans bien des cas, ils n’auraient même pas besoin de cv pour être engagés », dit-elle pour contraster l’évolution des dernières années.

Une chance pour tous

Depuis quelques années, tous les moyens sont donc bons pour trouver de la main-d’œuvre. Les initiatives du CSEPR en sont de bons exemples : formations offertes aux gens avec une barrière à l’emploi, des primes de 1 000 $ pour en attirer de l’extérieur, un partenariat avec un hôpital, etc.

« Je crois que le plus gros point positif, c’est que des candidatures qui n’auraient pas été ‘compétitives’ il y a quelques années obtiennent maintenant leur chance », lance madame Arcand, en appuyant que les employeurs soient « souvent agréablement surpris ».

Bien qu’elle se veut d’un éternel positivisme, et en assurant fièrement que son Centre atteint toujours ses cibles, Caroline Arcand croit que c’est avec l’immigration que la région aura une chance de pourvoir quelque 3670 postes vacants.

Pour accueillir des gens à la hauteur de la pénurie de main-d’œuvre, il va cependant falloir pourvoir le manque de logement. Cela, malheureusement, c’est l’histoire d’une autre pénurie.

« On en fait déjà beaucoup je trouve, mais je crois qu’avec des initiatives comme celle de l’enquête [de novembre dernier], on donne de bons outils pour aider ceux pour qui c’est le mandat de s’y attaquer », termine-t-elle, pleine d’espoir.

Photo : Francis Legault