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Lecours Lumber

Lecours Lumber est aujourd’hui la plus grande scierie indépendante en Ontario. L’entreprise est un joueur important dans le domaine de l’industrie forestière dans la province et un employeur majeur pour la communauté de Hearst.

C’est en 1939 que démarre véritablement l’histoire de Lecours Lumber. Mon grand-père, Arthur Lecours, acquiert alors de la Couronne une concession de deux milles carrés dans le canton de Stoddart, à vingt-cinq kilomètres (15,5 milles) à l’ouest de Hearst. Il y construit, à Carey Lake, son premier moulin de bois de sciage, qui brule au début de juin 1942. Il en construit un nouveau au même endroit, la même année, et y ajoute une usine de rabotage. L’entreprise se nomme alors Arthur Lecours Co.

Se remettant difficilement du décès accidentel de son fils ainé, Adrien, survenu le 12 mars 1943 sur le chantier, Arthur quitte cet endroit qui lui rappelle trop de mauvais souvenirs. En aout 1943, il achète des droits de coupe à Calstock, de la compagnie Arrow Timber, alors propriété américaine. Il commence immédiatement à y faire chantier et construit, dès septembre, une scierie sur les rives du lac Constance. Il vend son moulin de Carey Lake à Ernest Gosselin. Calstock comprend aujourd’hui la réserve de la Première Nation du lac Constance, fondée en 1945 par le gouvernement fédéral. Alors qu’environ 820 personnes y vivent actuellement, personne n’y habitait à l’époque. Après l’établissement de la réserve, la scierie se retrouve désormais sur le territoire de la Première Nation. Une entente est donc signée entre la Couronne fédérale, au nom de la Première Nation du lac Constance, et Arthur Lecours Co., afin de permettre à l’entreprise de poursuivre ses activités.

Dès que ses fils atteignent l’âge de travailler ou terminent leurs études, Arthur les associe à la compagnie. Il change le nom pour A. Lecours and Sons Co. Ltd. François s’occupe surtout du bon fonctionnement de l’entreprise et Clément gère la compagnie avec son père. Au fil des ans, Maurice, Clément, Paul, François, Jules et Charles ont fait partie de A. Lecours and Sons, certains pour une durée plus courte que d’autres.

Arthur fait construire des camps pour loger les travailleurs et une cookerie où ils prennent leurs repas. À la fin des années 1940, une quinzaine d’hommes travaillent dix heures par jour, six jours par semaine. Ils gagnent en moyenne un dollar l’heure. Le samedi, à la fin de leur journée de travail, la plupart des hommes retournent dans leur famille à Hearst pour y passer 24 heures. Certains célibataires choisissent de rester au camp.

En 1951, Fred, le frère d’Arthur, construit un moulin non loin de l’entreprise de son frère. Cinq ans plus tard, il vend sa scierie à trois des fils d’Arthur : François, Paul et Jules. Ceux-ci fondent la compagnie F. P. and J. Lecours Co. Ltd., alors qu’A. Lecours and Sons reste aux mains d’Arthur et de son fils Clément. En 1960, par mesure d’efficacité, François, Paul et Jules déménagent leurs installations à côté de la scierie d’A. Lecours and Sons afin de scier le bois des deux entreprises. Ce bois est ensuite acheminé dans un wagon tiré par un cheval jusqu’au planeur d’A. Lecours and Sons. Comme ce planeur est désuet, F. P. and J. Lecours décide, en 1963, d’en faire construire un nouveau. Cette même année, Arthur vend ses parts à six de ses fils : François, Paul, Jules, Charles, Benoit et Laurent. Ceux-ci décident alors de fusionner les deux compagnies, qui deviennent Lecours Lumber Co. Ltd. Clément conserve le planeur que la compagnie utilise jusqu’à la construction d’une usine plus sophistiquée. En 1969, des installations modernes sont construites à la suite d’un incendie majeur qui a détruit une partie du moulin, le classeur manuel (slip) et l’ébouteuse (slasher).

De nombreux changements et bouleversements se produisent au sein de l’entreprise au cours des années qui suivent. Charles quitte l’entreprise en 1968 et achète de la Transcontinental des droits de coupe de neuf milles carrés, ce qui représente un canton (township). La même année, lui et Léon fondent la compagnie Deep Forest Products. Charles achète également de son frère Maurice les droits de coupe pour 5 000 cordes de bois à bucher dans le canton de Hanlan. Après quelques années, il transfère ces droits à United Sawmill, aujourd’hui GreenFirst Forest Products. En 1972, c’est au tour de François de partir. Il va, entre autres, travailler pour la compagnie Newaygo, à la construction d’une scierie à Mead, puis pour la Ville de Hearst dans la planification de l’aéroport municipal. Jules décède subitement d’une crise cardiaque en 1982 ; Laurent meurt tragiquement dans un accident d’hélicoptère en 1988, deux ans après s’être retiré de la compagnie. Paul meurt également en 1988, le 24 septembre, le même jour que son frère Clément. Rollande Marquis, veuve de Jules, et leurs enfants héritent des parts de Jules alors que les enfants de Paul reçoivent celles de leur père. En 2004, Benoit rachète toutes les parts pour devenir l’unique propriétaire de Lecours Lumber, en association avec ses enfants, Roger et Sylvette. En 2018, Sylvette vend la totalité de ses parts à son père et à son frère.

L’acquisition de droits de coupe auprès d’autres producteurs forestiers dans les années 1980 et 1990 permet à la compagnie de prendre de l’expansion. En 1982, elle achète la scierie Gosselin Lumber afin d’obtenir les droits de coupe que celle-ci détenait et maintient l’opération pendant encore six mois avant de la fermer définitivement. En 1992, après la fermeture de Levesque Lumber, elle obtient près de la moitié de ses droits de coupe.

Le 21 novembre 2015, le Hearst Forest Management, avec Lecours Lumber, organisait une soirée en l’honneur de Benoit afin de souligner sa contribution exceptionnelle dans le secteur forestier et dans le développement économique de la région. On voit ici Benoit, Simone et Charles lors de cette activité.

L’entreprise exploite de nos jours des installations de sciage et de rabotage à la fine pointe de la technologie. Au fil des ans, elle a toujours su faire face à la concurrence et se moderniser. Dans les années 1990, devant un marché difficile, elle considère divers produits spécialisés. Elle opte alors pour le bois classé par contrainte mécanique (MSR — machine stress-rated) et devient ainsi la première au Canada à produire cette qualité de bois en se servant de la technologie par rayons X (XLG- Xray Lumber Grader).

En 2012, les dirigeants de l’entreprise vivent des moments d’inquiétude et de grand stress. Ils songent sérieusement à mettre la clé sous la porte, car ils n’arrivent pas à une entente satisfaisante avec la Première Nation du lac Constance. En octobre, le démantèlement de la scierie est annoncé par le gérant, Jules Fournier. À la suite de pressions de toutes parts et à la demande de Lecours Lumber, le ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada nomme finalement un médiateur. En février 2013, les deux parties parviennent à une entente, qui est signée au mois de juin suivant. Le bail, d’une durée de 40 ans, permet à Lecours Lumber de poursuivre ses activités sur le territoire de la Première Nation. Benoit se dit rassuré par cet accord, qui procure la paix d’esprit aux dirigeants actuels et futurs pour une relativement longue période. D’autres ententes parallèles entre la compagnie et la Première Nation offrent des garanties d’emploi aux Autochtones et traitent de questions environnementales.

Au cours des ans, l’entreprise a su apporter des changements majeurs afin de demeurer compétitive. Si ce n’était pas de la pénurie de main-d’oeuvre actuelle, elle pourrait produire plus de 100 millions de pieds de bois annuellement. Son bois d’oeuvre résineux est expédié par camion ou voie ferroviaire dans diverses provinces canadiennes et aux États-Unis. Elle emploie environ 150 travailleurs durant l’été et près de 210 l’hiver, selon la quantité de bois à couper. Environ 75 % de ceux qui travaillent à la scierie sont des Autochtones de la réserve de la Première Nation du lac Constance.

Lecours Lumber s’assure que ses employés accordent une importance primordiale au respect de l’environnement afin de protéger la faune et la flore. Elle croit aussi fortement au reboisement, car elle souhaite sincèrement que les générations futures puissent bénéficier de cette forêt boréale comme l’ont fait les générations avant elles.

Lecours Lumber a participé au développement de Hearst Forest Management Inc, un organisme privé qui regroupe d’autres compagnies forestières de Hearst et dont la mission est d’assurer une forêt saine dans la région. Benoit y a occupé divers postes pendant 30 ans, de 1986 à 2016. Il a pris sa retraite après plus de 60 ans de métier dans l’industrie forestière. Il en a vu l’évolution, allant de l’exploitation manuelle au fonctionnement informatisé.

Mon grand-père serait surement fier du développement de l’entreprise qu’il a fondée il y a 84 ans et du rôle important qu’elle joue au sein de la communauté de Hearst. Et moi, je suis fière d’être la petite-fille d’Arthur et de Stéphanie, des gens forts et courageux. Ils avaient quitté leur terre natale au Québec en 1927 pour venir s’établir en territoire isolé et inconnu, afin d’assurer un meilleur avenir à leurs enfants. Je crois qu’il serait juste de dire qu’ils ont réussi leur pari.

Le 9 octobre 1990, la Ville de Hearst a nommé un parc, le parc Lecours, en hommage aux trois frères Lecours, Arthur, Alfred et Georges, originaires de Sainte-Justine, qui se sont établis à Hearst dans les années 1920-1930 et qui ont contribué à l’essor de l’industrie forestière de la région. Ce parc, qui borde la rivière Mattawiskwia, se situe non loin de l’Hôpital Notre-Dame et du Foyer des Pionniers. Une plaque bilingue y relate ces faits.